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Manifeste de Charlotte Corday: la justice bientôt saisie

Les collectivités locales normandes qui ont remporté aux enchères le manifeste où Charlotte Corday explique l'assassinat du révolutionnaire Jean-Paul Marat, en 1793, ont annoncé vendredi qu'elles saisiraient la justice administrative pour faire aboutir l'acquisition, contestée par l'État.

Cette "Adresse aux français amis des loix et de la paix" (sic), de trois pages, a été adjugée dimanche à Versailles à la Direction du patrimoine et de la culture de la région Normandie.

Celle-ci doit débourser 270.900 euros, frais compris, avec le Conseil départemental du Calvados et la Ville de Caen.

Mais le ministère de la Culture s'oppose à la vente. Il estime que le document, saisi par la police au moment de l'arrestation de Charlotte Corday, est une archive publique qui lui "a été soustrait frauduleusement" et qui doit lui revenir.

L'État a lancé une procédure de "revendication", comme prévu dans le code du patrimoine.

Les collectivités locales ont confié l'affaire à un avocat. "Nous sommes décidés à aller devant le juge administratif pour pouvoir devenir propriétaires de cette pièce", a déclaré lors d'une conférence de presse à Caen le président de la région Normandie Hervé Morin.

"Nous estimons que la revendication possède un vice de forme", a-t-il précisé. Il a soulevé un point de droit selon lequel la revendication doit être engagée par une lettre recommandée au propriétaire du document, ce qui n'aurait pas été fait.

Le président de Région a souligné que l'État allait à l'encontre de sa propre doctrine dans les revendications. Cette doctrine, exposée dans un "Vademecum" de 2016, exclut les documents "déjà passés en vente publique" si l'administration a pu se pencher sur eux. Or, selon M. Morin, c'est le cas de l'"Adresse" de Charlotte Corday.

Au moment d'annoncer la procédure de revendication, le ministère de la Culture avait estimé "probable" que le document rejoigne in fine les Archives nationales.

Ce manifeste avait été saisi sur Charlotte Corday, jeune femme de 24 ans originaire de la région de Caen, lors de son arrestation le 13 juillet 1793 au domicile parisien de Jean-Paul Marat qu'elle venait de poignarder.

Mentionné sur le procès-verbal de la police, disparu ensuite, il est réapparu en 1834 lors d'une première vente aux enchères, puis passé entre les mains de divers collectionneurs privés.

La société Aristophil, avant de sombrer dans une faillite qui a suscité une enquête pour escroquerie, l'a acheté parmi un volume de manuscrits autographes de grands acteurs de cette époque intitulé "Les Hommes de la Révolution, peints d'après nature".

Ce volume est revendu aux enchères en novembre 2022, pour 162.500 euros frais compris. L'acquéreur, un collectionneur privé, en a séparé la lettre de Charlotte Corday, pour la revendre sept mois plus tard avec une très belle plus-value.

Le document objet du litige restait entreposé vendredi dans un coffre de la maison d'enchères Osenat.

D'après M. Morin, qui a enseigné le droit public, la procédure devrait prendre "des années". Mais une fois qu'elle arrive devant un tribunal, "une affaire est vite réglée quand il y a un vice de forme", a-t-il déclaré à l'AFP.

Il a déploré que l'État, qui a eu l'occasion de scruter les collections Aristophil, n'ait pas agi plus tôt.

"Ils ont consulté le fonds. Ils sont en défaut, en ne revendiquant pas cette pièce. Maintenant ils veulent montrer ce qu'est l'État. Nous allons leur montrer ce qu'est le droit", a affirmé l'élu centriste.

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