Accueil Actu Monde International

Affaire Péchier: "avancée majeure", les parties civiles attendent un procès

L'affaire Frédéric Péchier vient de connaître une "avancée majeure" avec de nouvelles expertises et d'ultimes mises en examen de l'anesthésiste, désormais soupçonné de 30 empoisonnements de patients à Besançon, dont 12 mortels, alors que les parties civiles attendent un procès.

Le dépôt récent de 32 nouveaux rapports d'expertises, un sur chaque cas d'empoisonnement retenu dans l'instruction, représente une "avancée majeure", s'est félicité lors d'une conférence de presse le procureur de la République de Besançon, Etienne Manteaux, saluant le "travail considérable (...) accompli par deux experts".

Cette série d'expertises, la troisième depuis l'ouverture de ce dossier hors normes en 2017, a servi de socle aux trois interrogatoires menés en mars par la juge d'instruction Marjolaine Poinsard, que la défense veut faire récuser.

Achevées mercredi, ces auditions ont vu la mise en examen de Frédéric Péchier, 51 ans, pour six nouveaux empoisonnements présumés de patients.

Au total, il a été mis en examen de façon définitive pour 30 cas, dont douze mortels. Pour les deux cas restants, faute de charges suffisantes, M. Péchier a été placé sous le statut plus favorable de témoin assisté.

Il est soupçonné d'avoir pollué, entre 2008 et 2017, les poches de perfusion de patients dans deux cliniques privées de Besançon pour provoquer des arrêts cardiaques puis démontrer ses talents de réanimateur, mais aussi pour discréditer des collègues avec lesquels il était en conflit.

- "Zorro" -

Il n'a de cesse de clamer son innocence.

L'affaire avait débuté lorsqu'une anesthésiste d'une clinique de Besançon avait donné l'alerte après trois arrêts cardiaques inexpliqués de patients en pleine opération.

Vendredi, Etienne Manteaux a détaillé, cas par cas, les conclusions des dernières expertises.

Dans la grande majorité, les experts ont jugé qu'il existait des "suspicions fortes" -dans quelques cas des "certitudes"- que des substances en doses parfois létales avaient été administrées aux patients venus se faire opérer dans les deux cliniques de Besançon où officiait M. Péchier, souvent pour des interventions bénignes.

Parmi les produits retrouvés en surdosage dans les analyses pratiquées sur des patients dont certains, décédés, ont dû être exhumés : de la lidocaïne, un anesthésique local, ou encore du potassium.

Des doses de potassium "100 fois supérieures" à celles attendues ont ainsi été retrouvées chez une patiente d'une trentaine d'années, notent les experts. Un enfant de 4 ans avait également fait un arrêt cardiaque et passé deux jours dans le coma.

La présence de M. Péchier au moment où les patients étaient victimes d'événement indésirable grave (EIG) sur la table d'opération a également été relevée par plusieurs de ses collègues anesthésistes, désemparés devant ces EIG brutaux et qui voyaient le Dr Péchier venir administrer l'antidote, a souligné le procureur.

L'un d'eux évoquera un Frédéric Péchier "certain d'être le meilleur" et qui se prend "pour Zorro", selon M. Manteaux.

- "Sans précédent" -

Après avoir gardé le silence durant les deux premiers interrogatoires, Frédéric Péchier a incriminé mercredi lors du troisième ses ex collègues, assurant que la majorité des EIG résultaient d'"erreurs médicales" de leur part.

Pour M. Péchier, l'unique cas d'empoisonnement avéré s'est produit lorsqu'il avait anesthésié lui-même le patient, en janvier 2017. "Il a d'ailleurs désigné celui qui pour lui était l'empoisonneur dans ce seul cas", a glissé le procureur.

La fin de l'instruction ne semble toutefois pas encore en vue, des recours ayant été formés par la défense, a tempéré le magistrat, qui ne peut se prononcer "sur la clôture de cette information judiciaire", ni donner une "date probable".

"Ce qui est dû aux parties civiles aujourd'hui, c'est un procès, qu'elles puissent avoir un débat public", a réclamé Me Stéphane Giuranna, l'un de leurs avocats, après une réunion d'informations sur le dossier à laquelle une cinquantaine d'entre elles ont participé.

"Le Dr Péchier ne peut plus échapper à sa responsabilité" dans cette affaire "évidemment sans précédent dans nos annales judiciaires", a-t-il ajouté.

À lire aussi

Sélectionné pour vous