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Argentine: l'ultralibéral Javier Milei prête serment et devient officiellement président

L'ultralibéral Javier Milei est devenu dimanche président de l'Argentine, annonçant un inévitable "choc" d'austérité, et avertissant d'emblée que la situation économique dans le pays allait "empirer" à court terme.

"Il n'y pas d'alternative à un ajustement, il n'y a pas d'alternative à un choc" budgétaire, car "il n'y pas d'argent !", a lancé M. Milei à une foule de plusieurs milliers partisans, réunis devant le Parlement, où il venait de prêter serment.

"Nous savons que la situation va empirer à court terme. Mais après nous verrons les fruits de nos efforts", a-t-il ajouté dans un discours offensif, promettant de "prendre toutes les décisions nécessaires pour régler le problème causé par 100 ans de gaspillage de la classe politique", "le pire héritage" jamais reçu par un gouvernement.

Face à lui, une mer ciel et blanc de plusieurs milliers de partisans, dominés par drapeaux argentins et maillots de la sélection, acclamait ses interventions, aux cris de "Libertad, Libertad", voire "Motosierra !" (à la tronçonneuse!), en référence à l'outil qu'il a brandi en campagne, pour symboliser les coupes à venir dans l'"Etat ennemi".

A la mi-journée, Javier Gerardo Milei, 53 ans, est devenu le douzième président de l'Argentine depuis le retour de la démocratie il y a 40 ans, jurant devant les parlementaires d'honorer "avec loyauté et patriotisme" la charge de président, puis revêtant l'écharpe présidentielle ciel et blanc.

Milei, un économiste connu depuis des années comme polémiste prisé des plateaux TV, a renversé la politique argentine en deux ans à peine. 

Elu député en 2021, il a balayé les blocs péroniste (centre-gauche) et de droite, qui alternaient au pouvoir depuis 20 ans, avec un message dégagiste.

"Salut, je suis le lion !"

Le 19 novembre, il a signé une victoire retentissante, au second tour de la présidentielle face au ministre de l'Economie centriste sortant, Sergio Massa, avec 55,6% des voix.

Troisième économie d'Amérique latine mais engluée dans une inflation chronique, à 143% sur un an, un endettement structurel, et 40% de pauvreté, l'Argentine se prépare à des ajustements douloureux.

Après son discours, ponctué de son slogan fétiche "Viva la Libertad, carajo !" (Vive la Liberté, bordel !), Javier Milei, au côté de sa soeur et proche conseillère Karina, 50 ans, a parcouru en décapotable les 2 km séparant le Parlement de la Casa Rosada, la présidence, s'arrêtant parfois pour aller à la rencontre de la foule.

Du balcon de la présidence, il a par la suite salué la foule d'un rugissement caractéristique : "Salut à tous, je suis le lion !", empruntant quelques lignes d'un air de hard-rock argentin.

Mais il a répété que "si nous allons devoir traverser une période difficile, nous allons la surmonter", lançant un "Rendons à l'Argentine sa grandeur !", aux accents Trumpiens.

Dans la foule massée au fil de la journée, les Argentins, parfois venus de regions lointaines, Mendoza, Tucuman, saluaient en Milei l'incarnation d'un "virage à 180 degrés, et une lueur d'espoir", comme s'enthousiasmait Ariel Carabetta, commerçant de 42 ans.

Milei a indiqué récemment qu'il convoquerait prochainement une session extraordinaire du Parlement pour présenter un premier bloc de lois. 

Une incertitude demeure sur les toutes premières mesures: dévaluation du peso notoirement surévalué ? Premières coupes budgétaires, notamment les chantiers publics ? Restriction, voire interdiction d'émission monétaire ?

Dimanche Milei a réaffirmé que le premier objectif concret sera une réduction de 5% du PIB du déficit budgétaire, qui "tombera sur l'Etat, pas le secteur privé".

"Les gens vont avoir pour la première fois depuis longtemps des prix +libres+: la fin des programmes des +prix encadrés+" que négociait le gouvernement sortant, estime Viktor Beker, économiste de l'Université de Belgrano.

"Lui donner du temps"

Dès après sa victoire, Milei prévenait que l'inflation ne serait pas maîtrisée avant "18 à 24 mois".

Le porte-monnaie des Argentins pourra-t-il encore le supporter ?  Beaucoup dimanche se disaient prêts, même "si ça va être dur", à lui "laisser du temps". 
"Bien sur que l'ajustement va nous impacter à tous.  Mais il faut faire face à la mitraille. On en est là et il faut du courage", indiquait Ana Avellaneda, une avocate.

Restent hors champ, pour l'heure, certaines postures controversées du candidat Milei: son opposition à l'avortement légalisé en 2021, ou son déni du changement climatique comme "responsabilité de l'homme".

Milei a été investi sous le regard bienveillant de dirigeants ou politiciens nationalistes ou conservateurs, qui avaient accueilli son élection avec enthousiasme, tels le Brésilien Jair Bolsonaro, le Hongrois Viktor Orban, le chef de la formation espagnole d'extrême droite Vox, Santiago Abascal. 

Présent aussi l'Ukrainien Volodymyr Zelensky, avec qui Javier Milei a eu une longue accolade sur les marches du Parlement, et devait s'entretenir dans le courant de la journée. Zelensky avait remercié Milei pour son "soutien clair" à l'Ukraine.

Parmi les autres chefs d'Etat et de gouvernement présents: le roi d'Espagne Felipe VI, et les voisins de l'Argentine: l'Uruguayen Luis Lacalle Pou, le Chilien Gabriel Boric, le Paraguayen Santiago Peña. 

Le Brésilien Lula, vivement critiqué par Milei par le passé, avait préféré ne pas se déplacer.

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