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Longtemps au service de son prédécesseur, le redouté Islam Karimov, le président réformateur de l'Ouzbékistan Chavkat Mirzioïev a sorti le pays le plus peuplé d'Asie centrale de décennies d'isolement sans toutefois mettre fin à la tendance autoritaire du régime.
La nouvelle Constitution lui permettra à cet égard de prolonger son règne. Grâce à la remise à zéro de ses mandats et au passage au septennat après l'adoption à une écrasante majorité par référendum dimanche de la nouvelle Constitution, cet homme de 65 ans a l'occasion de rester au pouvoir théoriquement jusqu'en 2040.
A la tête de cette ex-république soviétique depuis 2016 et la mort d'Islam Karimov, M. Mirzioïev avait été réélu dans un scrutin sans véritable concurrence en 2021.
A son arrivée à la présidence après la brutalité qui a marqué les 25 années au pouvoir de Karimov, avec le travail forcé d'enfants dans les champs, la torture des détenus ou encore le massacre de centaines de civils en 2005 à Andijan, il suscite l'espoir.
Ce fidèle serviteur du régime répressif d'Islam Karimov, dont il a été le Premier ministre pendant treize ans, s'efforce de s'en distancier.
- Bain de sang-
Mais, malgré plusieurs réussites, il partage désormais un triste point commun avec son prédécesseur : la violente répression de mouvements de contestation.
En juillet 2022, 21 personnes sont tuées, selon le bilan officiel, au moment de la dispersion d'une rare manifestation au Karakalpakstan, dans le nord.
Cette tâche indélébile sur le bilan de cet ancien ingénieur agronome n'a pas pour autant replongé l'Ouzbékistan dans l'isolement.
M. Mirzioïev a en effet rendu son pays de nouveau présentable grâce à des réformes d'envergure tant au niveau local, en relâchant l'étreinte sur la population, qu'international, pour attirer les investissements.
"A la surprise générale, Chavkat Mirzioïev a rapidement mis en oeuvre des réformes courageuses pour libéraliser l'économie du pays, réduire la mainmise des services de renseignement sur la vie politique intérieure et ouvrir le pays à ses voisins", résume pour l'AFP Olivier Ferrando, enseignant-chercheur à l'Université catholique de Lyon.
Mais selon l'ONG Human Rights Watch, "le système politique de l'Ouzbékistan reste profondément autoritaire". D'après Reporters sans frontières, "la situation des médias n’a connu que peu d’amélioration" et Transparency International estime que l'Ouzbékistan reste plus corrompu que la moyenne.
Né en 1957 dans la province de Djizak, M. Mirzioïev se lance en politique au crépuscule de l'Union soviétique.
Après la chute de l'URSS en 1991, il gouverne plusieurs régions. Selon sa biographie officielle, il a "dès les premiers jours de l'indépendance gagné la confiance d'Islam Karimov en travaillant de façon désintéressée en tant que collègue et allié".
Récompensé, il est nommé Premier ministre en 2003 et le demeurera jusqu'à la mort de Karimov à 78 ans.
- Réformes -
Chavkat Mirzioïev s'impose alors au sommet de l'Etat en évinçant notamment le redouté chef des services secrets, Roustam Inoïatov, qui deviendra son conseiller.
Ayant les mains libres, il ouvre son pays pour attirer touristes - en mettant en avant les trésors architecturaux des antiques cités des Routes de la Soie - et investisseurs, en libéralisant une économie ultra-étatiste.
Il assouplit également le contrôle de l'islam dans ce pays musulman, alors que le régime Karimov réprimait toutes les expressions publiques de piété, prétextant la menace islamiste.
Si le respect des droits humains reste problématique, l'abolition du travail forcé dans les champs de coton ouzbeks, y compris des enfants, est présentée comme un symbole de l'ère Mirzioïev.
Il s'affaire à maintenir une politique étrangère équilibrée et se fait le chantre de la coopération régionale en Asie centrale, alors que l'Ouzbékistan a longtemps entretenu des relations tendues avec ses voisins.
Et depuis le retour au pouvoir des talibans en Afghanistan tout proche, M. Mirzioïev est d'autant plus courtisé par les grandes puissances, qui ont besoin d'un allié fiable.
Mais ce père de trois enfants s'est aussi attiré des accusations de népotisme. L'une de ses filles, Saida Mirzioïeva, est chargée de la communication présidentielle.
Un autre point commun avec son cruel prédécesseur, dont l'aînée, Goulnara Karimova, avait occupé un temps plusieurs hautes fonctions publiques.