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Signé Giltay: les îles Tuvalu risquent de disparaître à cause de la montée des eaux, les habitants voués à un exil forcé?

Cinq États du Pacifique et de l’océan Indien (les Maldives, les îles Tuvalu, Marshall, Nauru et Kiribati) pourraient disparaître d’ici 2100 à cause de la montée du niveau de la mer. Le plus menacé d’entre eux est l’archipel des Tuvalu, dont la population pourrait être accueillie intégralement en Australie. 

L’image a marqué les esprits. En novembre 2021, Simon Kofe, le ministre des Affaires étrangères des Tuvalu, avait refusé de participer à la COP 26 en Ecosse. A la place, il avait prononcé une allocution enregistrée sur un atoll les pieds dans l’eau: "A Tuvalu, nous vivons la réalité du climat et de l'élévation du niveau de la mer (...). Nous ne pouvons pas attendre les discours alors que la mer monte autour de nous".

Le constat est sans appel. D’après les experts du GIEC, le Groupe Intergouvernemental sur l’Evolution du Climat, les Tuvalu pourraient disparaître en moins de 80 ans. Deux des neuf îles qui constituent cet Etat ont déjà été submergées. Tuvalu est le quatrième plus petit pays de la planète avec une superficie terrestre de 26 km2. Le point culminant du territoire est situé à seulement cinq mètres au-dessus du niveau de la mer. La majorité de son territoire affleure à peine d'un ou deux mètres. La catastrophe est déjà là, l’eau salée s’infiltre dans les terres et affecte gravement les cultures et les plantations. Ainsi cette ancienne colonie britannique, indépendante depuis 1978, mais qui a conservé le roi Charles III comme souverain, pourrait devenir le premier Etat dont la population serait intégralement transférée.  

Australie terre d’accueil 

Le 26 mars, le gouvernement australien a présenté au Parlement un pacte qui vise à défendre les 11 000 Tuvaluans en cas de catastrophes naturelle, de pandémie et d’"agression militaire". Chaque année, 280 d’entre eux se verront offrir un visa spécial leur permettant de "vivre, travailler et étudier en Australie", ainsi qu’un accès aux systèmes de santé, d’éducation, et une aide financière. Tuvalu qui a négocié longuement ce traité doit encore le ratifier. Mais le dessein est clair, si l’archipel disparaissait sa population trouverait refuge en Australie, située à 5000 km plus à l’ouest.  

Un Etat sans terre ? 

Une question demeure, qui interroge le droit international. Un Etat peut-il survivre sans son territoire ? Dans l’histoire du monde on a connu des peuples sans terre, comme le peuple hébreu qui a survécu en diaspora durant des siècles avant la création de l’Etat d’Israël. Il y a d’autres nations dans le monde, qui possèdent une langue, une culture, une histoire, mais qui ne disposent pas d’un Etat, c’est entre autres le cas des Kurdes. 

Mais on ne connait pas d’Etat sans terre. Certes, il a existé des gouvernements en exil, comme le gouvernement belge replié à Londres durant la seconde guerre mondiale. Mais le territoire de la Belgique, occupé par une puissance étrangère, existait toujours. Or les Tuvalu seraient englouties et ne disposeraient plus de terres émergées. Les Tuvaluans estiment que leur gouvernement réfugié en Australie pourrait conserver la souveraineté sur son domaine maritime de 900 000 km2. Mais la définition d’un domaine maritime repose sur l’existence d’une terre, aussi petite soit-elle. Il n’est pas sûr que la communauté internationale continue de reconnaître cet Etat “hors sol.” D’autant que les intérêts géopolitiques s’affrontent dans l’océan Pacifique. Si les Tuvalu se sont tournées vers l’Australie, d’autres pays, voisins de quelques centaines de kilomètres, Kiribati et îles Salomon ont passé des accords avec la Chine. Ironie de l’histoire, Tuvalu est l’un des 12 derniers Etats à reconnaître Taiwan et non Pékin, comme "République de Chine". La plupart sont minuscules comme le Vatican, 44 hectares. 

L’exemple romain 

Cela dit en matière de droit international, le Vatican pourrait peut-être servir d’exemple pour la survie d’un Etat de Tuvalu. Les Accords du Latran signé en 1929 entre le Saint Siège et l’Italie ont rétabli un Etat pontifical qui avait disparu en 1870, lors de la prise de Rome et son annexion par la monarchie italienne. En 1929, l’Italie a donc reconnu l’indépendance de la cité du Vatican à l’intérieur de ses murs. Elle a aussi accordé le statut d’extra territorialité à nombreux édifices romains, comme la basilique Saint-Jean de Latran. Il y en beaucoup d’autres, églises, immeubles, monastères, université, siège de radio Vatican, etc…. On pourrait ainsi imaginer que l’Australie accorde une petite partie de son territoire au gouvernent des Tuvalu. Mais les liens profonds, spirituels, et historiques qui unissent l’Italie et l’Eglise catholique ne sont pas du même ordre que ceux qui motivent la main tendue de l’Australie aux Tuvalu. Et même si Canberra leur cédait quelques hectares, ce "Vatican du Pacifique" pourrait-il maintenir l’unité de son peuple, sa langue et sa culture ? 

Un Tuvalu virtuel

Les dirigeants de l’archipel sont sans illusion. Ils savent que noyés et dispersés dans l’immense Australie, les Tuvaluans auraient bien du mal à se maintenir comme communauté. Plongés dans un univers anglophone, leurs enfants continueraient-ils à transmettre leur langue polynésienne, de la même famille que celle que l’on parle à Tahiti ou à Hawaï ? Certes, les exilés pourraient créer des écoles et des centres culturels, mais avec quel argent ? Il faudrait qu’ils puissent, comme ils le souhaitent, conserver les ressources de leur domaine maritime et bien sûr leur adresse internet vendue aux médias du monde entier. En Belgique, c’est ".be" mais à Tuvalu c’est ".tv". Auraient-ils encore le droit de l’utiliser ?  

Et pourquoi pas ? Le salut viendra peut-être justement d’un Etat virtuel qui pourrait se développer dans ce qu’on appelle le Métavers. Un espace numérique interactif modélisé en 3D sur internet. Dans cet univers, les déracinés du Pacifique pourraient se réunir, débattre, organiser des formes de vivre-ensemble. Un monde de fiction régi par des règles, des lois, des normes instaurées par un vote démocratique et un gouvernement maintenu. On pourrait aussi imaginer d’enregistrer des milliers d’images des Iles Tuvalu. Les sites naturels, les habitations, les habitants... Ainsi les générations futures, munies de lunettes de réalité virtuelle, pourraient visiter leur pays perdu. 

On peut rêver, mais la meilleure des solutions serait de suivre les recommandations du GIEC et de limiter la montée des eaux. Pour cela, il faudrait un engagement radical des pays qui usent et abusent encore, pour leur industrie, d’énergies telle que le charbon. Au premier rang desquels figure... l’Australie !  

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