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Le Parlement français doit adopter définitivement mardi, avec un ultime vote des députés, une proposition de loi qui cible les "thérapies de conversion", pratiques visant à imposer l'hétérosexualité aux personnes lesbiennes, gays, bi et trans (LGBT).
Le texte porté par la majorité présidentielle, dans le sillage de la députée Laurence Vanceunebrock, crée un nouveau délit dans le Code pénal punissant ces pratiques de deux ans d'emprisonnement et 30.000 euros d'amende. Les peines pourront grimper à trois ans d'emprisonnement et 45.000 euros d'amende en cas de circonstances aggravantes.
Théoriquement, les "thérapies de conversion" sont déjà punissables via un grand nombre d'infractions: harcèlement moral, violences ou exercice illégal de la médecine, etc.
Les partisans de la proposition de loi, qui fait largement consensus, font cependant valoir que ce nouveau délit permettra de mieux faire connaître l'illégalité de ces pratiques. Il est également censé donner une base juridique plus solide aux poursuites.
Le texte a le soutien sans réserves du gouvernement qui voit, dans les "thérapies de conversion", "l'antithèse de nos valeurs républicaines", comme l'a affirmé Elisabeth Moreno, ministre déléguée à l'Egalité entre les femmes et les hommes.
Les "thérapies de conversion" peuvent prendre la forme de séances d'exorcisme, de stages ou encore d'électrochocs, parmi une kyrielle de sévices qui ont des retentissements psychologiques voire physiques durables chez les personnes, souvent jeunes, qui en sont victimes.
Selon un rapport de Laurence Vanceunebrock, co-rédigé avec son collègue "insoumis" (extrême-gauche) Bastien Lachaud, l'expression "thérapies de conversion" est née dans l'Amérique des années 50. Elles ne reposent sur aucun fondement scientifique ou médical.
Il n'existe pas en France d'enquête nationale permettant d'évaluer l'ampleur du phénomène. Les parlementaires ont évoqué en 2019 une centaine de cas "récents".
- Des artistes engagés -
Plusieurs reportages ou témoignages ont récemment fait l'objet d'un fort retentissement médiatique, et des artistes comme Eddy de Pretto ou Hoshi ont pressé les politiques de mettre la lutte contre ces pratiques à l'agenda parlementaire.
En adoptant ce texte, les parlementaires français emboitent le pas d'un mouvement européen puisque des pays comme l'Allemagne, Malte ou des régions espagnoles ont d'ores et déjà légiféré sur le sujet, bientôt rejoints par la Belgique, les Pays-Bas ou la Grande-Bretagne.
Députés et sénateurs français étaient parvenus à un accord sur le texte. Mais si en première lecture, il avait fait l'objet d'un vote unanime à l'Assemblée nationale le 6 octobre, il n'en avait pas été de même au Sénat, dominé par la droite.
Le vote avait été cependant largement favorable à la chambre haute: 305 sénateurs s'étaient prononcés en faveur de la proposition de loi, 28 contre, tous du groupe Les Républicains (droite), dont leur chef de file Bruno Retailleau.
Celui-ci avait par la suite assuré être "évidemment contre les thérapies de conversion qui visent à obliger des personnes homosexuelles à changer leur orientation". Mais il avait justifié son vote par le fait que le texte "évoque aussi l'identité de genre, au nom de laquelle des personnes demandent à changer de sexe, ce qui dépasse largement la question de la protection des personnes homosexuelles".
Comme avec les propositions de loi sur l'égalité professionnelle hommes/femmes, l'allongement de la durée légale de l'IVG ou la contraception gratuite pour les femmes de moins de 25 ans, le vote de ce texte permet à la majorité présidentielle, en cette fin de législature, de donner un visage plus sociétal à son bilan.
Et envoyer ainsi, à moins de trois mois de l'élection présidentielle, des messages à son électorat de centre-gauche, jugé plus réceptif à ces thématiques.
Ces textes "ne sont pas des lumières de Noël de gauche sur un sapin de droite: ce sont de vrais choix stratégiques", assure le député Roland Lescure, porte-parole du mouvement présidentiel.