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Une abstention hors norme pour un scrutin qui l'était tout autant

Un second tour inédit, plus de trois mois après le premier, un coronavirus toujours craint, une non-campagne : l'abstention a atteint dimanche un nouveau record pour des municipales avec plus de six électeurs sur dix qui ont boudé les urnes.

C'était un peu la chronique d'une désillusion annoncée. Le 1er tour avait déjà été très mauvais sur le plan de la mobilisation électorale avec une abstention record de 55,4%. Selon les instituts de sondage, elle devrait encore grimper pour se situer à un niveau historique, entre 59% et 60%, soit environ 12 points de plus que pour le second tour de 2014.

Une déconvenue pour l'élection des maires alors que c'est la fonction politique qui demeure la plus appréciée des Français selon les enquêtes d'opinion.

"Il fallait en finir avec les municipales (...) mais les électeurs n'ont pas été là", a résumé sur LCI le sondeur Jérôme Jaffré pour qui "c'est le processus électoral lui-même qui a été vicié" dès le départ avec un 1er tour qui n'avait pu être annulé à la veille du confinement.

"Le contexte de la crise sanitaire n'est toujours pas estompé pour les électeurs", a souligné le chercheur du Cevipof Bruno Cautrès sur franceinfo, pour qui "la crainte d'être contaminé dans les bureaux de vote", malgré les mesures sanitaires adoptées, a été "l'un des principaux obstacles à la participation", comme au 1er tour.

Selon un sondage Sopra-steria pour France TV, Radio France, LCP et Public Sénat sur les motivations des électeurs, 43% des personnes interrogées citent le risque d'attraper le Covid-19 comme première raison de leur abstention.

Mais la peur du virus n'est pas seule en cause dans ce désastre civique après une "campagne qui a été la plus longue de la Ve République et qui n'est jamais montée en puissance", selon Frédéric Dabi, le directeur général adjoint de l'Ifop, sur Cnews.

"Il n'y a pas eu de campagne de second tour, pas de possibilités de meeting, pas de possibilités de porte-à-porte, pas de possibilités de contact physique entre les candidats et des électeurs", rappelle Jérôme Jaffré.

Avec un second tour décalé de plus de trois mois, "on a eu cette longue période très particulière où le soufflé est un peu retombé", souligne aussi Brice Teinturier, le directeur général délégué de l'institut de sondages Ipsos, sur France 2.

Mais il insiste aussi sur l'absence de "dynamique nationale" car "ce n'est pas une élection nationale contre le pouvoir où il s'agit de faire battre des maires sortants affiliés à un pouvoir qui serait impopulaire, comme on l'avait eu en 2014".

A contrario, dans certaines villes très disputées, mais pas toutes, l'abstention a reculé. "On voit aussi des mobilisations très fortes dans des villes où il y a de l'enjeu", comme à Perpignan (52,8%), à Nancy (57,9%, contre 62,9% au premier tour) ou à Bastia (35,9%), insiste Brice Teinturier, qui rappelle que "la moyenne nationale recouvre des différences".

Ce serait en outre une erreur de se focaliser uniquement sur le caractère conjoncturel de cette nouvelle poussée abstentionniste.

"A l'exception des européennes en mai 2019 où on avait vu un regain de participation, on voit s'inscrire progressivement une forme de démocratie de l'abstention en France", élections après élections, avertit Bruno Cautrès.

"La présidentielle motive toujours, mais les autres élections ont du mal à trouver la motivation des électeurs", ajoute-t-il.

Dans le sondage Sopra-steria, 38% des sondés disent ne pas avoir voté car ils pensent que les élections ne changeront rien à leur vie quotidienne, 27% parce qu'aucune liste ou candidat ne leur plaît.

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