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10 boîtes vides de Rohypnol retrouvées par Myky sur un trottoir à Bruxelles: quel est ce médicament parfois utilisé comme drogue du viol?

Vous connaissez peut-être le flunitrazépam, commercialisé sous le nom Rohypnol, comme la drogue prise par "accident" dans le film "Very bad trip". La réalité est beaucoup moins marrante. Ce puissant calmant est parfois utilisé par les toxicomanes, mais aussi par les violeurs pour endormir leur victime. 10 boîtes vides de cette substance ont été photographiées sur un trottoir à Bruxelles par une internaute, qui nous a contactés via le bouton orange "Alertez-nous". On fait le point sur l'utilisation, médicale ou non, de cette molécule. 

"En me baladant dans le centre-ville de Bruxelles, je tombe sur une dizaine de boîtes de Rohypnol vides par terre", nous a écrit Myky via le bouton orange Alertez-Nous. "J’espère qu'aucune fille ne s’est fait violer cette nuit. C’est quand même hallucinant de jeter ça sur la voie publique". Nous avons mené l'enquête. 

Le Rohypnol est un puissant calmant de la même famille que le Xanax, le Temesta ou encore le Valium, ce dernier étant 10 fois moins fort que le Rohypnol. Il est utilisé en médecine pour lutter contre les insomnies. "La Belgique est championne dans la prescription de ce genre de médicaments. Il est aujourd'hui encore utilisé pour les insomnies liées à une dépression, mais comme tous ces médicaments, une accoutumance s’installe et actuellement, avec tout notre arsenal thérapeutique, on ne l’utilise pratiquement plus", nous informe la médecin généraliste Cécile Verheugen. 

Un usage pas seulement médical

Depuis les années 80, le flunitrazépam est aussi connu pour ses usages dérivés, que ce soit par les toxicomanes ou par les violeurs. Son utilisation provoque un état d'ébriété suivi d'amnésie. "Cela va endormir la victime. De plus, si on n'a pas l'habitude d'en prendre, les effets sont encore plus forts", explique Cécile Verheugen. 

Du côté de l'INCC, l'institut national de Criminalistique et de Criminologie, on est conscient des usages dérivés de cette molécule. "C'est une substance connue depuis longtemps pour son usage comme drogue du viol, mais elle est aussi utilisée par les toxicomanes. On rencontre davantage ce médicament dans le cadre des toxicomanes que dans les agressions sexuelles sous substances".

Les autorités ont d'ailleurs décidé d'agir. "C’est une molécule qui se vend uniquement avec prescription médicale. Avant, il était vendu en grandes boîtes, maintenant, ce sont des boîtes de 10 comprimés, moins fortement dosés, car on s’est rendu compte que c’était dangereux, mais je sais que ça circule beaucoup au marché noir", déclare la médecin généraliste. 

Les viols sous Rohypnol  

"De ce que l'on voit dans les dossiers de viols sous l'influence de substances, c'est l'alcool qui est le plus souvent en cause, suivi des drogues 'classiques'. Les médicaments arrivent en troisième position, mais il s'agit généralement d'une association de plusieurs. Le Rohypnol, combiné à l'alcool, a un effet sédatif important", explique Vincent Di Fazio de l'INCC. 

Mais que dit la loi concernant les viols sous influence? S'il y a bien un concept à comprendre, c'est celui du consentement. Une loi est entrée en vigueur en juin 2022 pour définir ce terme et celle-ci prend en compte l’administration de substances telles que le flunitrazépam. "Il n'y a pas de consentement lorsque l'acte à caractère sexuel a été commis en profitant de la situation de vulnérabilité de la victime due notamment à un état de peur, à l'influence de l'alcool, de stupéfiants, de substances psychotropes ou de toute autre substance ayant un effet similaire, à une maladie ou à une situation de handicap, altérant le libre-arbitre". 

Selon Caroline Poiré, avocate spécialisée dans la matière et fondatrice d'une association d'avocats qui accompagne, notamment, les victimes de violences sexuelles, c’est surtout dans la pratique que cette loi est compliquée à mettre en œuvre. "C’est aux victimes d’apporter une preuve de l’administration d’une substance. Elles doivent donc se rendre le plus rapidement possible dans un CPVS, un centre de prise en charge des violences sexuelles, pour faire une prise de sang et prouver la présence d’une substance dans leur sang, ce qui est très compliqué après avoir subi des violences. Et sommes-nous tous assez informés de l’existence des CPVS? Donc non, je n’ai pas souvent de dossiers qui impliquent l’administration d’une substance, mais c’est souvent parce que les victimes ne vont pas faire une prise de sang assez rapidement". 

Mais comment se procurer 10 boîtes? 

En dehors des voies illégales et des cas de figure impliquant la complicité d'un médecin ou d'un pharmacien, il est tout de même envisageable que quelqu'un ait pu se procurer une telle quantité de Rohypnol. "Des personnes peuvent aller voir leur médecin généraliste, qui peut leur prescrire du flunitrazépam, puis un médecin spécialisé qui ne peut pas savoir qu'il y a déjà une prescription pour ce médicament, et ainsi de suite", déplore Margot Sartiaux, pharmacienne. "Dans les faits, aucune pharmacie ne donnera 10 boîtes de cette substance à une même personne, mais il est possible de faire toutes les pharmacies d'une ville pour les avoir. Et si le patient refuse d'activer son dossier pharmaceutique partagé, on ne peut pas savoir ce qu'il a déjà eu ailleurs".

À noter que le Rohypnol a été l'objet d'une levée de bouclier en France au début des années 2000 et n'est plus disponible à la vente depuis septembre 2013 chez nos voisins. 

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