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Ce boulanger veut renforcer son compteur électrique pour faire fonctionner ses machines: Ores lui annonce "une facture de 100.000 euros"

Olivier, un boulanger de Braine-le-Comte, est bien ennuyé depuis l'ouverture de son magasin en novembre dernier. L'alimentation en électricité n'est pas suffisante. Le commerçant a formulé une demande auprès d'Ores pour renforcer le compteur électrique. Problème : le gestionnaire du réseau indique que le Brainois devrait financer lui-même les travaux, car son établissement se situe "hors zone d'habitat". Explications. 

La boulangerie d'Olivier est flambant neuve, mais actuellement, certaines de ses machines restent à l'arrêt. Après l'ouverture de son commerce, le 18 novembre 2023, l'artisan s'est rendu compte que l'alimentation en électricité n'est pas suffisante. La machine à levain n'a par exemple pas encore été utilisée.

Installé le long de la chaussée de Bruxelles à Braine-le-Comte, Olivier a entrepris des démarches auprès d'Ores, le gestionnaire du réseau, en vue d'augmenter la puissance du compteur électrique. Mais son dossier est plus compliqué qu'il ne l'avait imaginé.

"J’ai acheté une bonne dizaine de machines (fours, lave-vaisselle, machine pour couper le pain, pétrins) pour l’ouverture de mon magasin. Cela représente un investissement de 150.000 euros. On a dû prendre nos dispositions pour les commander bien à l'avance, et on s'est rendu compte de ce manque de puissance par la suite. On n’aurait pas su le savoir avant", raconte-t-il. "À présent, la machine à levain est par exemple à l’arrêt, car on n’a pas l’énergie pour la faire fonctionner", précise-t-il.  

Quelques mois avant l'inauguration de la boulangerie, Olivier dit avoir effectué les premières démarches afin de renforcer le compteur. 

"J’ai fait la demande à Ores pour renforcer le compteur début juin 2023. Le dossier a traîné dans un premier temps. Puis, avec l’ouverture du magasin le 18 novembre, on a loué un groupe électrogène pour amener l’électricité nécessaire pour la boulangerie (mais un apport qui n'est pas suffisant pour faire fonctionner toutes les machines)", déclare-t-il.

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Début décembre 2023, un inspecteur d’Ores s'est rendu sur place avant de présenter son rapport quelques semaines plus tard. "Début janvier, j’ai reçu une réponse disant qu'il était possible de renforcer le compteur, mais ils ne peuvent pas se charger des travaux, car nous nous trouvons dans une zone non-habitable. Ores ne peut pas fournir l’électricité à leurs frais. Le coût des travaux serait estimé entre 100 et 110.000 euros, pour que la boulangerie fonctionne à plein régime sur le réseau électrique." 

Le boulanger estime que cette situation est "aberrante ", car son commerce se situe le long d'un grand axe. "C’est choquant. Il y a du passage, des maisons autour, on est à 500 mètres des grandes surfaces où le courant arrive. Je ne vois pas pourquoi nous devrions payer les travaux alors que c’est un service apporté par Ores. Payer les travaux de la boulangerie à la rue, d’accord, mais je devrais payer pour creuser et amener le câble à 500 mètres. Je trouve ça aberrant. Je ne suis pas au milieu des champs ou en pleine montagne. Je ne m’attendais pas à avoir une somme pareille à payer et je ne savais pas qu'il s'agissait d'une zone non-habitable", assure-t-il.

Si la location d'un groupe électrogène lui permet d'en partie compenser le manque de puissance électrique, cette solution n'est que temporaire.

"On pourrait travailler avec le groupe électrogène comme on fonctionne pour l’instant, mais cela nous coûte de l’argent chaque mois. Il consomme entre 400 et 550 litres de mazout par semaine. Le groupe électrogène tourne entre 12 et 14 heures par jour. Un peu plus de 2.500 euros de mazout par mois, en plus de la location du groupe à 1.600 euros", détaille-t-il. "On a besoin de 380 volts pour faire tourner toutes les machines, et pour l'instant, on fonctionne avec 220 volts."

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Pour argumenter la communication envoyée à Olivier, Ores renvoie à un arrêté du gouvernement wallon qui stipule que "(…) les parties extensions et/ou renforcements des réseaux de distributions érigés hors zone d'habitat, d'habitat à caractère rural, ou d'extension d'habitat sont à charge du demandeur (…)."

Frédéric Boogaerts, le porte-parole d'Ores, ajoute que le gestionnaire du réseau "regrette de ne pouvoir se conformer aux attentes de ce boulanger. Néanmoins, il nous semble important de rappeler que cette mesure, adoptée par le législateur, vise à éviter que les coûts liés à des extensions/renforcements du réseau en dehors des zones d'habitat/habitat à caractère rural ne peuvent être supportés par le gestionnaire de réseau sans qu'il ne soit amené d'une manière ou d'une autre à les répercuter sur la collectivité via une augmentation des tarifs de distribution."

La commission wallonne pour l'Energie (CWaPE) précise de son côté que le boulanger n'a, à ce stade, pas encore demandé de devis. 

"Aucun montant ne nous a donc été confirmé par ORES. Difficile dès lors de nous prononcer sur un montant, d’autant que s’il y a litige, notre service de médiation pourrait devoir examiner le dossier en détail selon les procédures légalement prévues après avoir entendu toutes les parties. Dans les faits, il semble que l’extension de réseau requise pour la puissance demandée aurait nécessité un passage à 400V et aurait été à la charge de ce monsieur, car la localisation serait située en fin de réseau en zone agricole et non en zone résidentielle", déclare Stéphane Renier, le président de la CWaPE.

"Dans l’hypothèse où il aurait été en zone résidentielle, le renforcement à 400V aurait été pris en charge par le gestionnaire du réseau. Nous pourrions toutefois, sur base d’un devis, vérifier la pertinence de la solution proposée et l’existence d’éventuelles alternatives financièrement plus raisonnables. Je recommande à cette personne de demander un devis et le cas échéant de revenir vers la CWaPE en cas de litige ou de question", conseille Stéphane Renier.

Les différents tarifs appliqués par le gestionnaire de réseau sont par ailleurs publiés et approuvés (en savoir plus). La CWaPE a pour mission de vérifier s’ils ont été appliqués correctement. Il existe des tarifs pour le creusement d’une tranchée, la pose d’un câble, le placement d’une cabine, etc. (voici la grille tarifaire).

"Même s’il n’y a pas de devis dans le dossier particulier qui vous a été soumis, je pense que c’est une puissance de raccordement assez importante. Plus de 56 Kva, je pense. Donc, dans ce cas-là, vu que la puissance est importante et qu’on est en bout de réseau, en zone agricole, il est important que le gestionnaire de réseau veille à ce que ce raccordement ne provoque pas de chutes de tension", explique Stéphane Renier. "Ils doivent vérifier s’il faut, par exemple, installer une nouvelle cabine. S’il faut tirer une nouvelle ligne de moyenne tension… Il y a des alternatives techniques qui existent. Il y en a qui sont plus ou moins chères, et c’est là, que dans le cadre d’une plainte, le service de médiation peut vérifier si la solution proposée est pertinente, et s'il a bien été tenu compte de l’intérêt économique et technique du demandeur", conclut le président de CWaPE.

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