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"On était traité comme des chiens": enfermé à tort pendant trois jours, un Belge a vécu l'enfer en Espagne

Le témoignage est déchirant. Olivier, habitant en Andalousie, s'est retrouvé écroué dans un cachot miteux pendant plusieurs jours. La raison ? Il ne la connaît pas, il ne la comprend pas. Un séjour au cœur de l'enfer qui a durablement traumatisé le quinquagénaire.

Une insoutenable odeur d'urine, des déchets jonchant un sol crasseux et cinq codétenus ivres entassés au sein d'un espace minuscule. La scène semble sortir tout droit d'un film. Pourtant, cette description s'avère bien réelle. Olivier, un Belge résidant en Espagne depuis octobre, a connu une arrestation pour le moins arbitraire. S'estimant profondément choqué, il nous a alerté via notre bouton orange. Mais que s'est-il passé concrètement au sud de la péninsule ibérique ?

Du coin de paradis au cauchemar

Logé à deux pas de l'eau azure, entre les palmiers verdoyants et le soleil, le cadre de vie d'Olivier semble idyllique. Ce Bruxellois d'origine réside depuis octobre à Benalmádena, une commune perchée sur la splendide Costa del Sol espagnole. "La vie n'est pas chère, les locaux sont gentils, c’était parfait jusqu'ici", raconte cet expatrié. Un coin de paradis qui va pourtant virer au cauchemar au début du mois de mai.

La compagne d'Olivier, avec qui il est en couple depuis près de quatre ans, le rejoint régulièrement en Espagne. "Elle est malheureusement alcoolique et multiplie les cures de désintoxication. Sobre, elle est douce et gentille, mais quand elle boit, elle se transforme en un monstre", confie-t-il, le coeur lourd.

Une fois arrivée dans la demeure, nichée près de la mer d'Alboran, cette enseignante de profession vrille. Ingurgitant jusqu'à un litre de vodka par jour, la femme nage en plein délire. Tant et si bien que sur place, la situation devient vite intenable. "Ma propriétaire m’a demandé de la mettre dehors, car elle criait toute la nuit et tombait ivre en permanence, dépeint Olivier. 

J'étouffais, c'était l'horreurMa paillasse était collée contre les grilles afin d'avoir un semblant d’air - Olivier

La veille de l’incident, à bout de nerfs, l'homme décide de rompre leur relation. "Ça a été mon erreur", reconnaît le Belge avec le recul. Au lieu d'apaiser les tensions, cette annonce a l'effet d'une bombe dans l'esprit enivré de l'institutrice. La situation ne tarde pas à dégénérer. 

Une arrestation incompréhensible

Le lendemain, lors d'une soirée caniculaire, la femme menace de se suicider en se jetant du balcon. Empêchée, Julie (*prénom d'emprunt), sous l'emprise de l'alcool, se saisit alors d'un couteau afin de se mutiler les avant-bras. "J’avais un mauvais pressentiment, j'ai donc commencé à filmer ses menaces", explique-t-il. A 19h25, Olivier, totalement désemparé face à la tournure tragique des événements, se résout à appeler les secours. Mais, à sa grande surprise, c'est la police qui débarque quelques minutes plus tard au pied de son immeuble.

S'en suit un imbroglio désastreux pour Olivier. Accusé à tort par Julie* d'être à l'origine de ses multiples blessures, il est arrêté et embarqué manu militari. "La police ne voulait pas m'écouter, ni voir mes vidéos qui pourtant prouvaient que je n'y étais pour rien. Ils m’ont menotté et emmené tête baissée jusqu'au poste le plus proche. Là, les agents m’ont enlevé mes baskets et les cordons de mon pantalon. Je n’ai absolument rien compris", énumère le cinquantenaire.

Trois jours en enfer

Sans explication, le Belge se retrouve au poste de Torremolinos, situé à quelques kilomètres de son domicile. C'est au sein de cet endroit aux innocents murs blancs que le calvaire d'Olivier débute. La cellule exiguë, encrassée et imprégnée d'une forte odeur d'urine, accueille cinq autres détenus largement imbibés. Ne parlant pas un piètre mot d'espagnol, le francophone se retrouve esseulé et dans l'incompréhension.

Pire encore. Olivier souffre de claustrophobie sévère. L'entassement au sein du sombre cachot, pratiquement dépourvu de fenêtre, l'angoisse. "J'étouffais, c'était l'horreurMa paillasse était collée contre les grilles afin de bénéficier d'un semblant d’air", murmure-t-il.

Des conditions de détention inhumaines

Au terme d'une rude nuit de sommeil, les gardes espagnols pénètrent dans sa geôle étriquée et surpeuplée. "Ils m'ont alors lu mes droits avec un interprète. Ils m’ont aussi annoncé que ma compagne avait retiré sa plainte de la veille". Une rétractation, synonyme de libération pour ce résident andalou ? Au contraire. "Malgré son désaveu, je n'ai pas pu sortir. Je devais obligatoirement passer devant un juge deux jours plus tard", explique-t-il, la voix encore tremblante.

Les droits de l’homme n’existaient pas là-bas - Olivier

De lundi à mercredi, en attente de son jugement, cet ancien Bruxellois vit alors dans des conditions inhumaines. "On était traité comme des chiens. Le matin, les gardes vous jettent deux biscuits sous la grille, pas plus. Le midi, vous mangez du riz. Le soir, encore la même chose. J’ai demandé un verre d’eau, les gardes m'ont mimé que je devais aller boire dans l’évier des toilettes. Les droits de l’homme n’existaient pas là-bas", se remémore-t-il avec effroi.

Un calvaire sans fin

Mercredi, 15h. Le moment tant espéré a lieu. Au palais de justice local, une avocate lui annonce la suite des événements. "On m'explique alors que ma femme accepte de retirer sa plainte. Mais, à condition que je lui laisse mon appartement encore quelque temps avant son départ vers la Belgique", narre Olivier. Désireux d'abréger ce calvaire, le prisonnier accepte sans réfléchir.

Problème: le magistrat interdit formellement au Belge d'approcher son ancienne compagne. Après trois jours plongé dans la chaleur poisseuse et la promiscuité étouffante, Olivier ne peut donc pas se rendre à son appartement pour prendre une douche ou se reposer. "Ma fille m’a réservé un hôtel. J'y suis resté plusieurs jours dépourvu de mes papiers d'identité. Sans elle, je passais ma nuit dehors. Je ne possédais même pas de machine à lessiver. J'ai dû nettoyer mes habits dans un petit lavabo", indique-t-il.

"J'étouffe dans mon sommeil"

Un mois s'est écoulé depuis les faits. L'horreur de l'instant à laisser place à la peur constante. Profondément traumatisé et éprouvé par cette expérience, Olivier se cloître aujourd'hui à l'intérieur de son appartement: "Je me réveille en permanence, je hurle, j’étouffe dans mon sommeil. Je ne pense qu'à cet événement. J’envisage de quitter le pays, car j’ai peur de la justice et de la police maintenant. Pour la première fois de ma vie, je vais devoir consulter un spécialisteTout ce que je veux, c’est me soigner. Mais, je pense que je n’oserai plus jamais appeler une ambulance de ma vie...même pour moi". 

Je me réveille en permanence, je hurle, j’étouffe dans mon sommeil - Olivier

"Oublier ce n’est pas possible"

L'après-traumatisme reste complexe à traiter. Noël Schepers, psychologue clinicien spécialisé dans ces questions, tient à préciser le déroulé de ce processus mental: "Sa réaction demeure tout à fait compréhensible. Il a été placé brutalement dans quelque chose qu'il ne comprend pas. Un événement traumatisant, c’est un moment où on a le sentiment que sa vie est menacée". Une situation difficile qui se greffe sur l'antécédent claustrophobique du Belge. Flashbacks effrayants, sensation de revivre le moment problématique, questionnement en boucle entraînant du stress, Olivier possède l'ensemble des réactions classiques à un épisode traumatique.

Le temps est nécessaire, mais insuffisant. Oublier ce n’est pas posible, c’est un piège psychologique -Noël Schepers, psychologue

Selon le spécialiste Noël Schepers, il s'agit d'un réflexe naturel du corps au traitement de l'information. "L'apparition de l'imprévisible, de l'incontrôlable, et surtout d'une quantité énorme d'informations empêche le corps d'effectuer un processus de traitement, explique-t-il. Les individus subissent par la suite du stress post-traumatique. Cela fait partie de la manière pour le cerveau de digérer l'information. Le problème reste qu'à chaque fois la personne souffre".

Alors le temps permettra-t-il à Olivier de dépasser cet épisode douloureux ? "Le temps est nécessaire, mais insuffisant. Oublier ce n’est pas possible, c’est un piège psychologique. Nous sommes biologiquement construits pour ne pas effacer de notre mémoire ce qui a été dangereux pour nous", conclut l'expert.

Ce cauchemar éveillé, Olivier n'a pas encore réussi à en émerger. Afin de s'en sortir, le cinquantenaire espère pouvoir bientôt rentrer dans le plat pays, loin des souvenirs étouffants de la Costa del Sol.

 

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  • Et oui, en Espagne, on rit moins avec la police... et il faut savoir que Torremolinos est un haut-lieu du trafic de drogue, aussi. Et quand on ne parle pas la langue, c'est encore moins facile.

    Albert M'Fi
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