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"J’ai trouvé ça ahurissant": le propriétaire de Joseline révise le PEB de son logement pour pouvoir augmenter le loyer, est-ce légal ?

"Mon loyer ne pouvait pas être indexé car le PEB du bâtiment est de G. Mais voilà, le 24 mai, mon propriétaire a fait venir un inspecteur pour revoir le PEB et après inspection mon PEB est passé à E. Le 25 mai, j'ai reçu un mail de mon propriétaire qui, dès ce mois de juin, a voulu augmenter mon loyer", raconte Joseline via le bouton orange Alertez-nous. Pour rappel, le certificat de performance énergétique des bâtiments (PEB) est un document qui attribue un score énergétique (indice chiffré) à une habitation existante. 

La Bruxelloise, qui occupe ce logement depuis de nombreuses années, ne s'attendait pas à devoir soudainement débourser quelque 60 euros en plus par mois (son loyer avoisine les 550 euros mensuels).

En 2019, le propriétaire avait effectué quelques travaux avec notamment l'installation de nouveaux châssis, nous dit Joseline. "Quand il a fait l’acquisition de cette maison, mon propriétaire a fait des travaux d’aménagement que mon ancienne propriétaire n’avait pas réalisé. L’électricité n’était, par exemple, plus aux normes. Le nouveau propriétaire a effectué des travaux. Il a mis une nouvelle chaudière et a fait installer deux nouveaux châssis double vitrage", indique-t-elle. "Ce n'est que le 24 mai dernier qu'un contrôleur du PEB est venu ici pour refaire un nouveau certificat. Mon PEB est alors passé de la lette G à la lettre E."

>En savoir plus sur la méthode de calcul de l’indexation des loyers basée sur le PEB

Le lendemain, le 25 mai, Joseline a donc reçu un mail de la part de son propriétaire. "Il disait, 'Vu que le PEB a changé, veuillez à partir du 1er juin, payer le nouveau montant du loyer. J’ai trouvé ça ahurissant. Peut-il faire ça, m'indexer, du jour au lendemain?", s'interroge cette locataire. 

Il aura encore la possibilité d'augmenter le loyer

Xavier Bodson, le directeur de cabinet de la ministre bruxellois en charge du Logement Nawal Ben Hamou (PS), répond que les règles ont dans cette situation été respectées. "C'est légal dans la mesure où toutes les conditions sont réunies. Il y a eu une amélioration du bien attestée par un certificateur PEB. Il y a bien un PEB qui autorise une indexation. Cette dernière peut à tout moment être réalisée au cours du bail, mais elle ne peut être rétroactive que de maximum trois mois", détaille-t-il.

"Par ailleurs, de manière générale, un propriétaire qui fait des travaux, peut demander à un moment donné une augmentation de son loyer. Il s'agit d'une disposition qui existe depuis de nombreuses années. Les propriétaires peuvent le faire à l'échéance de chaque triennal. Il y a souvent des bails 3-6-9 ans. Il y a la possibilité pour le propriétaire, s'il a fait des travaux importants, de demander une augmentation qui doit correspondre à l'importance des travaux effectués. Cela doit se faire d'un commun accord. Si le locataire estime que l'augmentation demandée par le propriétaire est trop importante, il peut toujours aller voir le juge de paix pour demander de trancher. Le propriétaire ici ne fait qu'indexer, mais il aura encore la possibilité d'augmenter le loyer."

José Garcia, le secrétaire général du syndicat des locataires, rappelle par ailleurs que depuis l'ordonnance du 14 octobre 2022, le propriétaire est tenu de respecter deux conditions pour pouvoir indexer le locataire s'il y a une "augmentation" du PEB. "La première est que le bail du locataire doit être enregistré et la seconde est que le logement doit être pourvu d’un PEB supérieur à F. Pour autant que ce document, ce certificat de performance énergétique ait été produit au plus tard le jour de la conclusion du bail. Il faut savoir que pour le E, l’indexation n’est que de 50%. Les autres PEB autorisent l’indexation à 100% (voir tableau ci-dessous)."

José Garcia explique avoir rencontré des situations similaires ces dernières semaines, dans lesquelles des locataires se demandent si leurs propriétaires ont le droit d'augmenter leurs loyers. "Nous avons rencontré d’autres cas de figure comme celui-ci. La loi est relativement simple, mais il faut la mettre en lien avec les règlements antérieurs. Il y a des bailleurs qui essayent d’indexer injustement. Il y a pas mal de locataires qui viennent nous interpeller. Soit il n’y a pas de PEB, soit le bail n’est pas enregistré. Ce sont des cas simples à gérer pour nous."

Les propriétaires pourraient-ils bientôt ne plus pouvoir louer leur bien si le PEB est trop faible ? "Ce n’est pas pour demain. Ce sont des idées qui circulent, mais je ne pense qu’il y aura une telle réglementation en Belgique d’ici un an ou deux. À un certain moment, on va probablement autoriser au locataire une diminution de loyer. Il serait paradoxal de demander un loyer de 1000 euros alors qu’il est dans une passoire énergétique. Prohiber la location pour les passoires énergétique, ça m’étonnerait qu’on le fasse en Belgique. Mais, cependant, une mesure qu’on soutient, est d’ajuster le loyer à la situation du bien. Cela me semble plus logique et équitable", conclut le secrétaire général du syndicat des locataires.

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Certains veulent annuler cette règle

Olivier Hamal, avocat et vice-président du syndicat national des propriétaires, souligne de son côté que ces mesures, liées au PEB et votées par les régions, font l’objet de recours devant la Cour constitutionnelle. "L’idée est d’arriver à l’annulation de ces mesures. Nous trouvons qu’elles sont discriminatoires, notamment car la référence PEB était indicative et on en fait une valeur contraignante. Il ressort ces derniers mois qu’il s’agit de quelque chose d’assez bancal. Quand pour un bien identique vous faites venir trois certificateurs qui donnent un PEB différent, il y a quand même un stuut comme on dit. Apparemment, les critères ne sont pas suffisamment objectifs."  

Le Syndicat National des Propriétaires et des Copropriétaires (SNPC) et son homologue néerlandophone Verenigde Eigenaars (VE) ont donc introduit des recours en annulation devant la Cour constitutionnelle en vue de faire annuler les législations adoptées au niveau de chaque Région en matière de plafonnement de l'indexation des loyers.

En toile de fond du recours, annoncé le 16 mai dernier dans un communiqué commun: la fiabilité plus que sujette à caution de la certification de Performance Energétique du Bâtiment (PEB), au centre du dispositif, et dont les deux organisations représentatives dénoncent l'absence d'objectivité.  

À la fin de l'année dernière, les Régions ont décidé de limiter, voire, d'exclure le droit des bailleurs privés d'indexer les loyers de leurs biens lorsque celui-ci est considéré comme une "passoire énergétique". 

Dans ce contexte, la performance énergétique est mesurée sur base du certificat PEB, "conçu comme outil purement indicatif pour permettre à des candidats acheteurs ou locataires de pouvoir comparer les biens sur le marché de façon toute théorique - et non comme un outil contraignant fondé sur des critères objectifs et concret, propres à chaque cas et situation", lit-on dans le communiqué.

Selon le SNPC et la VE, un tel certificat ne mesure que la performance théorique d'un bien par mètre carré sur une année sur base de critères préétablis théoriques et défaillants ne reflétant pas la réalité.  

Consommation réelle et consommation théorique...

Il en résulte, notamment, une différence entre la consommation réelle et la consommation théorique mesurée par le certificat PEB, s'expliquant par le fait que le protocole et la méthode de calcul PEB présentent de nombreuses failles dont, par exemple, le fait que seuls les travaux et rénovations qui sont appuyés par des factures ou d'autres documents justificatifs sont pris en considération dans le protocole. Selon le certificateur engagé, un propriétaire pourra ou non indexer (totalement ou partiellement) son loyer. "Cette différence de score entre plusieurs certificats a d'ailleurs été particulièrement observée à Bruxelles dès lors qu'il n'y avait aucun contrôle d'accès à la profession de certificateurs en pratique jusqu'en 2020".  

Autre critique: "le protocole et la méthode de calcul PEB contiennent des critères qui n'ont aucun lien avec la consommation énergétique du bien. À titre d'exemple, seule la surface d'un bien se situant en-dessous d'une hauteur de plafond de plus de 2 m 10 à Bruxelles et en Wallonie et plus de 1 m 50 en Flandre sont prises en compte dans le protocole..."   

Les deux organisations indiquent au passage que certains propriétaires bailleurs n'ont jamais été soumis à l'obligation d'avoir un certificat PEB, d'application que depuis 2011. Un certain nombre de propriétaires qui ont le même locataire depuis 2010 voire avant 2010 n'ont pas de certificat PEB en toute légalité. Enfin, le protocole et la méthode de calcul changent régulièrement.    

La limitation de l'indexation des loyers telle qu'elle a été conçue par les législateurs régionaux instaure de nombreuses discriminations, entre locataires, d'une part, et entre propriétaires, d'autre part, par exemple, en ce qui concerne ces derniers, lorsque les règles urbanistiques interdisent une isolation de façade par l'extérieur, ont encore dénoncé le SNPC et le VE.

 

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Commentaires

2 commentaires

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  • Gagner de l'argent en étant propriétaire quand les locataire se saignent tout les mois et n'ont pas la possibilité de le devenir, quel état de merde qui prône les inégalité.

    Kevin Vercaemer
     Répondre
  • Oui vous n'avez pas le même PEB suivant votre inspecteur . Il est dit que les Flamands sont plus tendres . Bon nombre s'en sont rendus compte en se faisant .

    Philibert Bernard
     Répondre