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"Mon fils prétend que je suis ingérable": Dominique, pensionnée, est "sous tutelle" et n'a plus accès librement à son argent

"Mon fils prétend que je suis devenue ingérable". Dominique ressasse sans cesse les événements de ces derniers mois. Cette Bruxelloise de 62 ans nous a contactés via le bouton orange "Alertez-nous" pour évoquer son quotidien : celle d'une personne "sous protection judiciaire" plus communément appelée "mise sous tutelle", même si le terme n'est pas correct juridiquement. Dominique vit la situation comme une véritable injustice. "Tout s'est passé derrière mon dos", raconte-t-elle. 

C'est en juin 2021 que Dominique, pensionnée, apprend qu'elle n'aura désormais plus accès pleinement et librement à ses comptes bancaires. "J'ai presque 1.900 euro de pension, mais je n'en vois pas la couleur." D'après elle, son fils unique a introduit une demande de protection judiciaire qui a abouti. De nos jours, la demande de protection judiciaire se fait via un formulaire en ligne. 

Concrètement, cette mesure permet à un juge de paix de désigner ensuite un administrateur de biens pour des personnes majeures. Cet administrateur peut soit être une personne proche (un membre de la famille par exemple), soit un avocat comme dans le cas de Dominique.

"C'est une mise sous tutelle abusive"

Emmanuelle Delwiche est avocate au barreau de Bruxelles et spécialisée dans la protection des personnes majeures entre autres. Elle n'est en rien liée à l'affaire de Dominique, mais elle apporte ses lumières sur le rôle d'un administrateur: "Il va accomplir à la place de la personne protégée toute une série d'actes qu'elle n'est plus en mesure d'accomplir elle-même, pour des raisons de santé en très grande majorité." En effet, dans de nombreux cas, la décision du juge de paix de placer quelqu'un "sous tutelle" se prend sur base d'un certificat médical*. Une protection peut se faire de manière double : soit limitée aux biens soit à la personne (ses actes), soit aux deux. La grande majorité des dossiers concernent cependant la protection des biens.

Dans le cas de Dominique, c'est un avocat basé à Louvain qui a été nommé administrateur, et non un membre de sa famille. Il veille à ce que Dominique perçoive les revenus auxquels elle peut prétendre. Maître Delwiche a déjà été nommée administratrice dans certains dossiers. Elle raconte: "Souvent quand on est désigné à l'entame d'un dossier, on est face à des personnes qui sont assez précarisées ou dans des situations administratives assez complexes. Notre rôle premier est de mettre de l'ordre dans tout ça. Que la personne soit en règle de tout point de vue : mutuelle, assurances, etc. Se mettre en contact avec le bailleur aussi si elle est locataire, quid des dettes?, etc" Et l'avocate de résumer: l'administrateur "va vraiment gérer le patrimoine de la personne et toute une série de décisions avec elle et parfois à sa place. Tout cela se fait sous le contrôle du juge de paix", rappelle-t-elle. 

J'ai une vie monotone

Problème, Dominique estime dans son cas qu'elle ne perçoit pas assez de ses revenus : "C'est une mise sous tutelle abusive. Je suis obligée de vivre au crochet de mon compagnon. J'ai dû vendre ma voiture et mes bijoux pour subvenir à mes besoins essentiels. Je veux retrouver ma dignité et ma liberté. Je n'ai plus rien.

Résultat, notre alerteuse souhaite la levée de cette mise sous tutelle. Quels recours existent ? La personne protégée peut toujours demander la levée de la mesure. Un expert (médecin, psychiatre, etc) doit se prononcer sur la capacité de la personne protégée et émettre un avis favorable dans un certificat détaillé. "Ça n'est même pas une procédure très compliquée", explique Emmanuelle Delwiche qui poursuit: "Sur base de ce document, une demande de levée de protection est introduite et le juge de paix se prononce après avoir rencontré la personne protégée et l'administrateur de biens. C'est assez commun."

Au 8 janvier 2022, 122.588 personnes étaient sous protection judiciaire en Belgique. Aujourd'hui, les journées de Dominique se résument à jouer aux cartes sur son téléphone. Sans sa "mise sous tutelle", Dominique dit qu'elle "voyagerait et irait se promener. J'aurai une vie plus agréable. J'ai une vie monotone."

*sauf cas de prodigalité, personne qui dépense de manière excessive.

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