Accueil Actu Vos témoignages

"Nuisances et odeurs intolérables": l'extension d'une porcherie à Burdinne fait craindre le pire aux riverains

Un projet d'extension de porcherie à Marneffe, dans la commune de Burdinne, ne passe pas chez les villageois. Un éleveur de porcs souhaite augmenter sa capacité de 2000 à 5000 porcs. Une réunion importante entre entrepreneur et citoyen a déjà eu lieu, mais la pilule ne passe pas. "Pollution des terres et des nappes phréatiques", "odeurs intolérables", "lisier pollué par les antibiotiques et les hormones de croissance"...  Quels sont les risques réels d'une telle extension et que dit la réglementation ?

La porcherie de Marneffe souhaite construire un deuxième bâtiment. C'est en tout cas la volonté de Dewyse&Co, l'entreprise derrière le projet. Son représentant, Quentin Dendauw, présent car monsieur Dewyse ne parle pas bien français, était sous le feu des critiques lors de la réunion d'information - légale - organisée avec la centaine de riverains mi-février. Ce projet représenterait "tout ce qui va à l'encontre du respect des animaux, de la planète et de notre alimentation", selon un collectif de citoyens par voie de communiqué.

"Le projet a été présenté de manière très très floue", explique Sabine Gillmann, habitante de Marneffe et membre de Participe Présent Burdinne, un parti de l'opposition au niveau communal. "On ne promeut absolument pas ce genre de productions animales, car écologiquement, c'est une catastrophe et ce n'est pas encourager les filières locales", ajoute-t-elle. "Un animal qui ne voit même pas le ciel, qui n’est même pas sur 1 m²… On ne veut pas promouvoir ce type d'élevage".

Pourtant, du côté de Dewyse&Co, Quentin Dendauw, l'actuel conseiller technique dans l'élevage des 2000 porcs, assure qu'il y aura des retombées économiques sur toute la chaîne de production : "La nourriture sera à plus de 80 % en provenance d'Andenne, 90% du cochon sera pour la consommation belge ou des pays limitrophes. La plupart des cochons seront tués à Aubel et le lisier servira aux agriculteurs de la région", affirme-t-il.

Edition numérique des abonnés
La porcherie telle qu'elle est actuellement ©RTLinfo

Le lisier, l'or brun que personne ne veut près de chez lui

Le lisier, ce mélange liquide d'excréments d'animaux, utilisé comme engrais, les riverains n'en veulent pas : "10.000 porcs par an (5000 porcs de capacité, deux engraissages par an donc 10.000 porcs par an, NDLR), ça fait des quantités énormes de lisier", déclare Sabine Gillmann. "Actuellement, ceux qui sont à Marneffe, ou même plus bas en fonction du vent, notent des nuisances olfactives". "On ne sait pas encore pour l'eau, mais on sait que quand on épand du lisier, l'eau du sol est impacté", ajoute la conseillère communale.

Selon Thomas Demonty, conseiller en productions animales à la Fédération Wallonne de l’Agriculture, la peur liée à une contamination des sols au lisier est infondée : "En Wallonie comme en Flandre, il y a de plus en plus contraignantes d’ailleurs. Le lisier est récupéré dans des cuves afin qu'il ne soit pas répandu dans l’environnement ou dans les ruisseaux. On va étendre ça sur les terres agricoles avec des normes (pas plus de x kg d’azote sur les prairies…). C’est extrêmement cadré".

Edition numérique des abonnés
La porcherie telle qu'elle est actuellement ©RTLinfo

Cadre légal extrêmement strict

Un inventaire préalable à la délivrance du permis d’urbanisme et environnemental de la société examinera certaines conformités - dont l’eau souterraine, la qualité de l’air, le paysage, le trafic - avant le début des travaux ; c'est ce qu’on appelle "l’étude d’incidence". Elle formulera des recommandations à la société en question afin d’améliorer tel ou tel élément.

L’odeur fait partie des nombreux aspects analysés. "Un laboratoire qui est spécialisé saura établir des études olfactométrique pour modéliser la dispersion des nuisances olfactométriques", explique Robert Bissot chargé de l’étude d’incidence par EurECO. Des dispositions légales s'appliquent par ailleurs aux élevages de porcs et de volailles. 

À ce stade, l’étude n’a pas encore été réalisée et il faudra encore patienter puisqu’elle peut durer jusqu’à 6 mois, en fonction du projet. Aucun délai précis n’a pu être avancé, mais cela se fera "à priori avant la fin 2024", estime ce dernier. 

Et les hormones de croissance ?

Thomas Demonty, conseiller de la Fédération Wallonne de l’Agriculture est catégorique : ils sont interdits en Belgique. "Il faut arrêter avec ce genre de choses. On en parle aux États-Unis, mais en Europe, c’est interdit", dit-il. Concernant les antibiotiques, il ajoute que des efforts "gigantesques" ont été faits afin d’en diminuer considérablement l’administration.

Il se veut rassurant. Pour ce genre d'exploitation, le permis d'environnement serait de classe A, un rapport "très complet qui des dizaines de milliers d'euros"."Ça doit être fait par des experts agréés par la Wallonie, avec des exigences Wallonnes et Européennes. En termes de contraintes, on est sur quelque chose d’extrêmement élevées ! Il faut que ça soit cadré et ça l’est", ajoute ce dernier.

"L’Encadrements juridique de ce type d'établissement est, en effet, assez important", confirme Robert Bissot. "Ce sont des établissements qui font état de contrôles sanitaires systématiques et de contrôles réguliers pour l’environnement. On ne donne pas un permis et puis carte blanche".

"On s'améliore"

De son côté, l’entreprise Dewyse & Co, représentée par M. Quentin Dendauw, se dit surprise par la contestation qu’a suscitée l’annonce du projet : "On ne pensait pas avoir une telle réaction de la population".

"Ça m'affecte totalement parce que les gens ne se rendent pas compte qu'on s'améliore. Le bien-être animal augmente, on arrête les antibiotiques, mais les gens ne le voient pas. On fait ça pour pouvoir offrir une vie correcte à nos enfants. Je suis fils d'éleveur et je trouve qu'on fait notre maximum".

Tout comme les spécialistes interviewés, Dewyse & Co assure que l’entièreté des rejets seront bel et bien contrôlés : "Le lisier ça sent peut-être un peu mauvais, mais c'est mieux que les engrais chimiques. À savoir aussi que le lisier ne se met pas tout le temps, on le met à certaines périodes, une semaine au printemps et une semaine en hiver".

Ces promesses suffiront-elles à rassurer les habitants de Marneffe et des villes alentours ? Pour l’instant, ces derniers clament avant tout que c'est un "désaccord avec le type d'élevage qui pose problème".

À lire aussi

Sélectionné pour vous