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"Origine UE?", "C’est un peu vague", "Ça peut venir de loin": savez-vous vraiment d’où vient le miel que vous consommez?

On voit souvent, dans les supermarchés, des pots de miel dont la provenance est floue. "Origine UE", "Origine non-UE". Que signifient ces indications ? Pour les apiculteurs, cela manque de transparence et de clarté. En Belgique, des analyses palynologiques sont réalisées pour pouvoir identifier les pollens et les mettre en relation avec les territoires d’où ils viennent. Mais est-ce suffisant ?

Alors que la France a récemment adopté un décret permettant une meilleure traçabilité du miel conditionné sur son territoire, en Belgique, rien n’a encore été pris en ce sens. Vous nous avez contactés via le bouton orange Alertez-nous pour dénoncer un manque de transparence. "L’UE doit interdire les fausses mentions d’origine et obliger la mention ‘made in’ précise", nous écrit-on notamment.

Il est vrai que l’on voit désormais, dans les supermarchés, des origines "UE" ou "non-UE" écrites sur les pots de miel. Ces indications manquent clairement de précisions, c’est ce qu’ont déploré des clients interrogés dans une grande surface. "Le miel que j’achète vient de chez mon voisin, il est quand même meilleur", nous confie Laurence. Mais il arrive aussi à cette cliente d’acheter du miel dans de grands magasins alimentaires. "Alors je fais attention à sa provenance, si c’est un produit de chez nous. Origine 'Union européenne’, ce n’est pas assez précis. L'Union européenne est quand même assez vaste donc ça peut venir de loin", dit-elle.

Frédéric, un autre client, nous avoue privilégier exclusivement le miel d’apiculteur belge. "C’est pour faire vivre l’apiculteur et comme ça, je suis presque sûr du produit que j’achète, glisse-t-il. Il y a tellement de produits transformés dans les miels industriels que je ne fais plus confiance. Je me tourne vers le produit artisanal. Origine UE, c’est un peu vague. On ne sait pas, on n’est pas sûr du produit qu’on achète parce qu’on n’a pas la provenance exacte. L’Europe est très très grande, donc c’est trop vague."

"C’est un manque de respect pour le client"

Pour les apiculteurs wallons, ce manque de clarté est un combat constant. "C’est un manque de respect pour le client", estime Benoît Mercenier, un apiculteur-amateur à Ottignies. "L’étiquetage du miel est pauvre en informations. Quand on va dans les grandes surfaces, on voit ‘origine UE’ et ‘non-UE’, ça veut tout dire et rien dire. Ça veut dire que ça peut venir de Belgique, de Chine et d'ailleurs. Ça manque vraiment de clarté", poursuit-il.

Benoît exerce cette passion en tant qu’amateur depuis 6 ans. Et pour lui, il est primordial d’être transparent sur sa production. "Mon miel, je le mange tous les matins au déjeuner. Mon plaisir quand je le mange, c’est de me souvenir de tout ce que j’ai fait pour récolter ce miel. Je sais où sont implantés mes ruchers et j’ai fait de gros efforts au niveau de la recherche d’endroits appropriés pour mes abeilles, c’est-à-dire là où il y a une grande biodiversité en quantité et qualité", dit-il.

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"La manière de s’assurer qu’on a du miel artisanal et de qualité, qui a vraiment vu des abeilles et des fleurs, c’est de privilégier le circuit court et aller chez le petit apiculteur du coin", rajoute Benoît. Certains produits commercialisés en grandes surfaces sont en effet de "faux miels", parfois issus d’un mélange de sucre et d’eau. Il faut savoir que l’appellation "miel" est pourtant réglementée. Dans cette dénomination, on parle uniquement du produit naturel fabriqué par l’abeille. À partir du moment où d’autres éléments sont ajoutés à ce produit, on ne peut normalement plus dire que c’est du miel.

Des analyses palynologiques

Pour Benoît, l’étiquetage doit aujourd’hui être amélioré pour offrir plus de transparence et de précisions aux consommateurs. Cela passe notamment par des analyses de la qualité du pollen. Et c’est précisément ce que fait l’ASBL CARI, qui milite pour une meilleure traçabilité du miel.

Cette association, située à Louvain-la-Neuve, offre des outils aux apiculteurs wallons pour avoir un étiquetage très précis. "On fait des analyses palynologiques pour identifier les pollens et faire une cohérence entre l’identification et la flore qui se trouve sur le territoire. Ces analyses peuvent attester que les pollens qu’on trouve dans leur miel sont bien des pollens de végétation locale. Les analyses que l’on pratique au CARI sont un outil de cette traçabilité", développe Agnès Fayet, administratrice déléguée de l’ASBL.

Il existe aussi l’étiquette "Miel wallon" qui permet à la fois de justifier la qualité du miel, mais aussi sa provenance précise. "C’est un miel bien travaillé par l’apiculteur et un miel produit localement", assure Agnès Fayet.

Un groupe de travail

À l’échelle internationale, il n’existe à ce jour pas de système de traçabilité du miel. Le règlement européen concernant l’information des consommateurs sur les denrées alimentaires précise uniquement les mentions obligatoires sur l’étiquetage, notamment l’origine. Mais pour le miel, "il n’y a pas d’obligation de mentionner le pays d’origine à partir du moment où c’est un mélange de miel", nous informe Etienne Mignolet, porte-parole du SPF Économie.

"On peut se contenter des mentions ‘mélange de miels originaires de l’Union européenne’, ‘mélange de miels non-originaires de l’Union européenne’ ou encore ‘mélange de miels originaires et non-originaires de l’UE’", détaille-t-il.

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Ce qui est loin de satisfaire le COPA-COGECA, un syndicat qui regroupe certaines organisations syndicales et professionnelles agricoles et coopératives au niveau européen. Un groupe de travail a ainsi été mis en place pour conscientiser la Commission européenne sur la nécessité de tracer le miel d’importation. "Ils ont proposé un système de code pour vous pouvoir informer le consommateur sur la véritable origine du miel. C’est très difficile à mettre en place, car la filière d’importation est très floue et joue sur ce flou artistique", regrette l’administratrice déléguée du CARI.

La Belgique, troisième importateur de miel en Europe

Elle cite, par exemple, le cas de l’exportation de miel chinois qui va arriver par conteneurs à Anvers et qui repartira ensuite immédiatement, sans même toucher notre territoire. "Il faut savoir que la Belgique est le troisième importateur de miel au niveau européen", dit-elle. En 2021, 25.000 tonnes de miel ont ainsi été importées en Belgique. Et d’un point de vue de notre santé, savoir d’où vient le miel que l’on consomme est très important. "On aime bien savoir ce qu’on met sur sa tartine. C’est important aussi par honnêteté économique pour pouvoir avoir une transparence sur les produits alimentaires qu’on fournit aux consommateurs, ici en Belgique, et en Europe", insiste Agnès Fayet.

Et de conclure par un conseil aux consommateurs : "Regardez les pots, n’achetez pas les pots d’origines UE et non-UE. Préférez les pots de l’apiculteur local, qu’on trouve sur les marchés et aussi en supermarchés. Ils se vendent maintenant beaucoup mieux. Un progrès a été fait au niveau de la visibilité du produit. Préférez cela, sinon vous ne savez pas ce que vous mettez sur votre tartine."

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