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Une déferlante de critiques, de gauche comme de droite, s'est abattue lundi sur le gouvernement pour mettre en cause sa gestion de la campagne de vaccination contre la grippe H1N1, après l'annonce de la revente d'un certain nombre de doses de vaccins.
"Fiasco", "scandaleux échec", "faute stratégique lourde": du Parti communiste au Nouveau centre en passant par le Parti socialiste, le MoDem et le Nouveau Parti anticapitaliste (NPA), les mots étaient rudes pour brocarder la campagne de vaccination contre la grippe H1N1.
L'annonce dimanche de la revente à l'étranger d'une partie du stock de vaccins commandés en excédent, afin d'alléger la facture, a agi comme un détonateur. Jusque-là, les critiques existaient, mais elles restaient contenues.
Dans la perspective d'une pandémie mondiale redoutée par l'Organisation mondiale de la santé (OMS), le ministère de la Santé avait commandé l'été dernier 94 millions de doses de vaccins - d'un montant total de 869 millions d'euros, selon le ministère - tablant sur une double injection par personne.
Mais à partir du 20 novembre, il est apparu qu'une dose unique suffisait à protéger les patients. Dès lors, la France a commencé à se tourner vers l'étranger pour écouler ses stocks.
De leur coté, plusieurs grands laboratoires, qui ont dopé leurs ventes en 2009 grâce à ce vaccin, se sont dits prêts à rediscuter leurs contrats avec le gouvernement.
"On a pu développer et produire un vaccin efficace contre la grippe H1N1 dans les temps qui étaient nécessaires. C'était notre mission, on l'a remplie. On a répondu aux demandes des différents gouvernements, on a signé des contrats et on tient nos engagements. C'est comme ça que ça s'est passé, et il n'y a pas de notion de pression", a réagi auprès de l'AFP Jean-Yves Lecoq, directeur de la communication de GlaxoSmithKline France (à qui ont été commandés 50 millions de doses).
"Dans le contexte actuel, s'il y avait une demande du gouvernement, nous sommes prêts bien sûr à rediscuter du contrat que nous avons signé ensemble", a assuré M. Lecoq.
Premier à porter le fer, le socialiste Jean-Marie Le Guen a réclamé dimanche une "mission d'information parlementaire". Lundi, le porte-parole du PS Benoît Hamon a pris le relais, demandant cette fois une "commission d'enquête", plus contraignante qu'une mission. Une requête reprise par le Nouveau Centre, par Debout la République et par le NPA qui, comme le PS et le PCF, a dénoncé une "gabegie" financière au profit "des laboratoires pharmaceutiques".
A droite, le député UMP Bernard Debré a vilipendé le "principe absurde, poussé à l'extrême, de précaution".
"Nous avons le tiers du Tamiflu mondial, qu'on est en train de fourguer aux pharmacies, nous avons 10% des vaccins du monde qu'on est en train de refourguer", s'est indigné ce professeur de médecine, estimant que le coût du plan vaccination était supérieur au "déficit de tous les hôpitaux français" et représentait "trois fois le plan cancer". Une analyse partagée par Michèle Rivasi, députée européenne d'Europe Ecologie.
En juillet, alors que la mobilisation contre la pandémie battait son plein, M. Debré avait détonné dans le concert des déclarations alarmistes sur la grippe H1N1, en la qualifiant de "grippette". Toutefois, il a dit "comprendre qu'on ait pu céder à la tentation des laboratoires" qui ont exercé "une pression absolument fantastique en juillet".
Le porte-parole de l'UMP Frédéric Lefebvre est venu à la rescousse du gouvernement en affirmant préférer affronter une "polémique parce qu'on en fait trop, qu'une polémique parce qu'on en fait pas assez".
"Scandalisé par le scandale que ça provoque", le ministre des Affaires étrangères Bernard Kouchner, ancien médecin, s'est exclamé: "qu'est-ce qu'on aurait dit si les gens avaient risqué leur peau".
François Bayrou a jugé pour sa part que le gouvernement avait commis "une faute stratégique très lourde", notamment en ne faisant pas appel aux généralistes pour la vaccination. Pour autant, le président du MoDem s'est refusé "à jeter la pierre au fait qu'on ait pris des précautions".
