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C'est une famille parisienne ordinaire, modeste et joyeuse, dont les enfants jouent dans la rue en sortant de l'école. C'est la famille de Joseph, dont la vie va brutalement changer de sens, comme le raconte "la Rafle", de Rose Bosch, qui sort mercredi en salles.
"Tous les événements de ce film, même les plus extrêmes, ont bien eu lieu l'été 42", prévient la cinéaste en ouverture du film, le premier entièrement consacré à la rafle du Vel d'Hiv, le 16 juillet 1942, et qui raconte le drame à travers les yeux de Joseph, 11 ans.
Cela commence sur la butte Montmartre, avec ses terrains vagues et petits jardins, entre école, square, enseignants sympas, blagues et joie de vivre. La famille Weismann -le père, Schmuel (Gad Elmaleh), la mère (Raphaëlle Agogué), et les trois enfants, dont Joseph- attend avec confiance la fin de la guerre, parce que, dit le père, il ne peut rien nous arriver en France.
Pourtant on a cousu l'étoile jaune sur les vêtements. La boulangère affiche lourdement son antisémitisme. La tempête menace.
Pendant ce temps, les autorités françaises négocient avec les occupants sur le nombre de Juifs à livrer, le sort des enfants... Les Français se veulent maîtres chez eux, ils obéissent mais prennent l'opération en main. A 4h du matin, le 16 juillet, c'est la rafle, rue par rue, immeuble par immeuble.
La majorité de ces 13.000 personnes (dont plus de 4.000 enfants) se retrouvent dans les gradins du Vélodrome d'Hiver, reconstitué pour les besoins du film en Hongrie, au quart de sa vraie taille, et qui paraît quand même immense.
Dans cet amphithéâtre où les amateurs regardaient les courses cyclistes, les enfants courent, s'amusent, attendent. "C'est quand, le pestacle?", demande le craquant petit Noé, 5 ans, dont le rôle est tenu en alternance par deux jumeaux.
Un médecin juif, David (Jean Reno), et une infirmière qui ne l'est pas, Annette (Mélanie Laurent), s'activent jour et nuit, et accompagnent bientôt tout le monde au camp de Beaune la Rolande, dans le Loiret.
Moments joyeux parfois, quand on a enfin à manger, quand on trouve de quoi écouter de la musique et que l'on danse. Moments terribles le plus souvent, surtout quand la police sépare les enfants et les adultes. La scène est féroce, les parents Weismann sont sublimes.
Bien sûr on connaît la suite, le départ pour les camps de la mort -mais Joseph s'échappe et on retrouvera miraculeusement Noé. Orphelins tous les deux, évidemment.
Le film frappe d'autant plus qu'il ne joue pas sur l'émotion du spectateur mais sur la simple véracité des personnages, tantôt joyeux de vivre, tantôt épouvantés. "J'ai fait en sorte que ma mise en scène place le public au coeur de l'action, pour qu'il se sente humilié, lui aussi, brimé, bousculé", dit Rose Bosch.
En 1995, Jacques Chirac, alors président de la République, reconnaît la responsabilité des Français dans la Rafle du Vel' d'Hiv. Même si 10.000 juifs ont réussi à échapper à la police, cachés par des Parisiens.
Interrogé sur une chaîne de télévision, le rescapé Joseph Weismann glisse alors : "Si quelqu?un ose un jour faire un film sur ce qui nous est arrivé...". Voilà le film, où d'ailleurs le vrai Joseph, accompagnant son petit fils au Vel'd'Hiv, apparaît brièvement.
Une drôle d'expérience pour lui. "Tout d'un coup, je me retrouvais dans la foule de l'arrestation, dans le tohu-bohu que j'ai connu ces jours-là, des gosses, des vieux, des jeunes, des hommes, des femmes, des gendarmes, des miliciens. C'est comme si le temps était aboli".
