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Les propos du pape sur le préservatif provoquent l'indignation: toutes nos interviews

Après avoir annoncé hier que le préservatif "ne règlerait pas le problème du sida" et qu'"au contraire, son utilisation aggrave le problème", le pape Benoit XVI est aujourd'hui critiqué par tous, politiciens, scientifiques, ONG et membres de l'église catholique eux-mêmes ! Retrouvez toutes nos interviews ci-dessous.

Les propos du pape à son arrivée en Afrique sur l'utilisation du préservatif qui aggraverait le problème du sida ont déclenché une indignation générale. Benoît XVI est à nouveau critiqué de toutes parts alors qu'il venait d'essuyer de nombreuses remarques suite à la décision qu'il avait prise de réintégrer un évêque négationniste au sein de l'Eglise. Certains notent que son prédécesseur, Jean-Paul II, ne s’est jamais risqué à de telles déclarations, surtout lors de ses voyages en Afrique. Visionnez les reportages du JT de 13H

Le pape Benoît XVI, qui a entamé hier au Cameroun son premier voyage sur le continent africain, a abordé d'emblée le sida, ce fléau qui frappe l'Afrique plus durement que partout ailleurs, en campant sur la position de l'Eglise catholique contre l'usage du préservatif. Dans l'avion qui le menait dans la capitale camerounaise depuis Rome, le pape a estimé que l'on ne pouvait "pas régler le problème du sida", pandémie dévastatrice en Afrique, "avec la distribution de préservatifs". "Au contraire (leur) utilisation aggrave le problème", a-t-il affirmé.

> Regardez la vidéo des paroles polémiques de Benoit XVI

Se rend-il compte de la portée de l’annonce d’une telle contre-vérité ? La question a le mérite d’être posée et nous vous invitons à donner votre avis au bas de cet article.

Laurette Onkelinx : "une vision doctrinaire dangereuse"

 
Nos politiciens ont réagit avec bon sens et suffisamment de virulence à cette annonce de Benoit XVI : La vice-Première ministre et ministre de la Santé publique, Laurette Onkelinx, et le ministre de la Coopération au développement, Charles Michel, sont catégoriques : "De tels propos, tenus par le chef de l'Eglise, au 21e siècle, en dépit des recommandations unanimes du monde scientifique en la matière, sont le reflet d'une vision doctrinaire dangereuse", juge la ministre de la Santé publique. "Ses déclarations pourraient anéantir des années de prévention et de sensibilisation et mettre en danger de nombreuses vies humaines", ajoute Laurette Onkelinx, alors que depuis le début de l'épidémie, 25 millions de personnes sont décédées du sida dans le monde. "En Belgique, le combat contre l'infection VIH est permanent. Plus d'un millier d'infections sont diagnostiquées chaque année", rappelle encore la ministre.



Charles Michel : "des propos irresponsables"


De son côté, le ministre de la Coopération au développement, Charles Michel, se déclare "scandalisé" par les déclarations de Benoît XVI. "Ce sont des propos irresponsables qui mettent en péril les efforts massifs fournis par ceux qui luttent contre ce fléau. Le préservatif demeure en l'état un moyen déterminant de prévention contre la diffusion de cette maladie", estime le ministre, pour qui "de tels discours mettent les populations vulnérables en danger".

Catherine Fonck : "propos dangereux et irresponsables"


La ministre de la Santé en Communauté française, Catherine Fonck (cdH), a qualifié ces propos de "dangereux et irresponsables". "Plus que jamais, le préservatif demeure l'arme essentielle de prévention du sida", souligne-t-elle. Le sida cause "encore et toujours des ravages partout dans le monde, particulièrement en Afrique noire", relève-t-elle encore.

Le père Guy Gilbert : "qu'il ne dise pas que le préservatif aggrave le sida"


Même au sein de l'église, les propos du pape font scandale. Le "curé des loubards", Guy Gilbert expliquait son point de vue ce matin sur Bel RTL : "Le pape doit parler de maîtrise sexuelle, c'est son boulot. Mais qu'il ne dise pas que l'utilisation du préservatif aggrave le sida. Moi j'ai sauvé de nombreux jeunes, surtout des filles si je n'avais pas donné aux mecs des capotes." C'est pour cela que lui déclare avoir "toujours des capotes" sur lui.

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Nathan Clumeck, entre intégrisme religieux, parallèle avec G.W. Bush et l'exemple de l'Ouganda


Il n'est pas étonnant que le plus virulent à l'encontre des propos du prélat soit un scientifique. Le Professeur Nathan Clumeck, chef du service des maladies infectieuses à l'hôpital Saint-Pierre à Bruxelles, nous parle des conséquences que de tels propos peuvent avoir : "Les premières victimes des propos du pape seront les femmes. Elles ont peu de moyens de se protéger et en disant cela il les prive d'un moyen efficace. Je suis étonné de l'absence de compassion dans les propos du pape. Se focaliser uniquement sur le préservatif est tout à fait réducteur et se situe dans la lignée du courant intégriste qui, malheureusement aujourd'hui, est dominant au sein de l'église." Et de prendre l'exemple de l'Ouganda, qui fut un temps le pays d'Afrique à la pointe de la prévention sida, mais où tout s'est effondré. "Le pape est le continuateur de la pensée du président Bush sur ce thème ..."

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Louis Kemanyou : "je n'arrive pas à comprendre qu'il dise que le préservatif c'est le diable"


Journaliste camerounais, Louis Kemanyou est le mieux placé pour parler de la situation dans son pays. Lui aussi, critique le pape: "Cela entre en contradiction avec la réalité du terrain. Le taux de sida au Cameroun est entre 5 et 8%. Je pourrais comprendre que le pape prône l'abstinence, mais qu'il dise tout de go que le préservatif c'est le diable ou que ça sert à rien, j'en suis presque scandalisé."

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Une ONG camerounaise : "le pape vit-il au XXIe siècle?"


"C'est la consternation. Le pape vit-il au XXIe siècle?" , a affirmé Alain Fogué, du Mouvement camerounais pour le plaidoyer à l'accès aux traitements (Mocpat). "Les gens ne suivront pas ce que le pape dit. Il vit au ciel et nous sur terre", a-t-il ajouté. "Prétendre que le préservatif 'aggrave' le problème du sida va totalement à l'encontre de tous les efforts fournis ces dernières années par le gouvernement camerounais et les autres acteurs impliqués dans la lutte contre le sida au Cameroun", a poursuivi M. Fogué. "Qu'il le veuille ou non, sur 100 catholiques, 99 utilisent aujourd'hui le préservatif. Le pape doit savoir que la chair est faible. Le pape ne savait-il pas en arrivant au Cameroun que les personnes séropositives y représentent un nombre important de la population ? ", s'est-il encore interrogé.

"Aujourd'hui, en Afrique, les gens font la part des choses. La télévision leur a par exemple permis de comprendre dans quelles conditions le pape était élu: il n'y a plus de mystère, donc plus de fascination. Les représentants du pape, les prêtres, les évêques ont beau prêcher contre le préservatif, son taux d'achat est aujourd'hui élevé au Cameroun. En vendre est même une activité génératrice de revenus importants", a-t-il analysé. "L'Etat du Cameroun devrait réagir face à de tels propos en relançant après son départ des messages sur la prévention et l'usage correct du préservatif. Le VIH est un facteur de sous-développement pour nous, il ne faut pas l'oublier", a conclu M. Fogué.

Mardi, l'association camerounaise SunAids avait déjà affirmé: "Nous sommes embarrassés par le refus (de l'Eglise) de l'implication du préservatif dans la vie sexuelle. Qu'on ne nous dise pas que ça n'a pas un impact sur la lutte contre le sida".




 

Laissez-nous vos impressions sur ces déclarations de Benoît XVI en commentaire sous les vidéos ci-dessous