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Des planches à la forêt, des comédiens ivoiriens au secours des chimpanzés

"Les chim-pan-zés sont-nos-cousins!": mégaphone à la bouche, le chef d'une troupe théâtrale ouvre en chantant un spectacle inédit, organisé en pleine forêt vierge dans l'ouest ivoirien, pour aider à la protection de ces singes menacés de disparition.

Port-Gentil, petit village agricole riverain du parc national de Taï (400 km à l'ouest d'Abidjan), patrimoine mondial de l'Unesco, accueille sous un ciel blafard la troupe "Ymako Téatry" pour son spectacle "Nos cousins de la forêt".

Etape d'une caravane qui sillonne depuis une dizaine de jours la région, la place du village a été prise d'assaut par une foule nombreuse venue assister au spectacle racontant l'histoire de "deux familles qui se disputent le corps d'un chimpanzé tué".

Jouée par des comédiens professionnels, ce sketch met en scène deux familles, l'une ayant pour tradition de vénérer le primate et l'autre le chassant pour sa chair. La première, pour avoir compris que le chimpanzé était proche de l'Homme, va gagner "cette bataille" et disposer du corps du singe pour des funérailles.

"C'est un bon spectacle, j'ai compris qu'il fallait protéger les chimpanzés, ils sont proches de nous", se réjouit Yao Kouassi, un planteur.

"Du théâtre au village, c'est super! On s'est beaucoup amusé", apprécie pour sa part Ousmane Adama.

La caravane a été lancée au moment où la population de chimpanzés de Côte d'Ivoire, la plus forte d'Afrique de l'Ouest, s'est effondrée de près de 90% en quelques années, faisant peser une "grave menace" sur la forêt que ce singe contribue à sauvegarder, selon les experts.

"Comme il y a une culture orale en Afrique, on s'en est servie à travers le théâtre pour promouvoir la protection des chimpanzés et de la forêt", explique Ilka Herbinger, directrice de la Fondation pour les chimpanzés sauvages (WCF), initiatrice de la caravane.

Selon Mme Herbinger, les résultats d'une étude sociologique réalisée avant et après le spectacle auprès des riverains du parc montre une "nette amélioration des connaissances" sur les chimpanzés.

"Aujourd'hui, les villageois le trouvent intelligent, très proche de nous, alors qu'avant les mêmes le qualifiaient de vilain et méchant", explique-t-elle.

Autre motif de satisfaction: la même étude estime théoriquement à seulement 1% le nombre de personnes prêtes à manger de la viande de chimpanzé, contre 70% avant la campagne.

La caravane a également bénéficié du soutien de plusieurs familles de la région qui vénèrent le grand singe depuis des générations.

"Le chimpanzé est notre frère", explique Joseph Bly, chef de la famille Sohouo de Douably, un village riverain du parc, en montrant plusieurs ossements du grand singe soigneusement rangés dans une petite cabane en paille.

"Nous ne consommons pas sa viande, nous ne le chassons pas et nous lui accordons une sépulture digne d'un homme lorsque nous le trouvons mort", explique le septuagénaire, plaidant pour "l'adoption d'une loi nationale de protection des chimpanzés".

En attendant, les spécialistes de la faune ont demandé à l'Office ivoirien des parcs et réserves (OIPR), qui gère la faune et la flore protégées du pays, la mise place d'un programme de développement agricole autour du parc, indispensable selon eux pour freiner la disparition de ces grands primates.

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