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Fouilles archéologiques dans le nord : sous le chantier, l'histoire

"Les espèces de ronds, là, ce sont des trous de poteaux. C'est du néolithique final", dit le spécialiste. A Marquion, des dizaines d'archéologues ratissent le site du futur canal Seine Nord-Europe, mettant au jour tombe gauloise, pointes de flèche et obus du XXe.

Le chantier archéologique, qui couvre 2.500 hectares sur le Nord, le Pas-de-Calais, la Somme et l'Oise, est le plus grand jamais mené en Europe.

Avant que les pelleteuses ne commencent à creuser ce canal sur 106 km, un projet pharaonique qui permettra la liaison à grand gabarit entre la Seine et le réseau fluvial d'Europe du Nord, une cinquantaine d'archéologues s'activent à "diagnostiquer" le site pour y détecter les traces d'occupation humaine.

C'est la mission de l'Institut national de recherches archéologiques préventives (INRAP) qui, comme avant tout chantier de BTP, doit "voir si le sol recèle des vestiges, en préciser le type - zone funéraire, habitation, atelier, etc - et en déterminer l'état de conservation", dit à la presse Marc Talon, l'archéologue directeur du projet.

Les travaux ont démarré en septembre 2008. Un tiers du secteur a été ratissé, et déjà une centaine de sites repérés, du paléolithique moyen au Moyen Age.

"Ces vestiges dorment là depuis 2.500 ans", dit Gilles Prilaux, adjoint du projet, en montrant les restes d'un corps carbonisé déposé dans une +tombe à incinération+ gauloise.

Dix pour cent du secteur est testé. "Ca se fait au pif !", s'amuse Denis Gaillard, qui dirige la zone de Marquion.

En fait, des tranchées sont creusées tous les 20 m, à la pelle hydraulique. Le conducteur prélève les couches de terre les unes après les autres, sur quelques centimètres de profondeur et trois mètres de large.

L'archéologue suit la pelle et détaille le changement de couleur du sol, la texture de la terre. Quasiment invisibles à l'oeil du profane, ces changements montrent le vestige d'un fossé, d'un trou de poteau. Quelques silex émergent, un peu de céramique, des bouts de briques, sans compter les restes d'obus de la Première guerre mondiale.

"Quand on trouve quelque chose, on fait une fenêtre de décapage", dit M. Gaillard. Le secteur est alors ouvert sur une plus grande surface. On a ainsi déjà dégagé entre autres, les traces d'une villa gallo-romaine, d'une habitation néolithique ou d'un tumulus funéraire.

Toutes les observations scientifiques, et les objets collectés, rejoignent ensuite la "base" de Croix-Moligneaux (Somme), où tout est consigné.

Le chantier est immense. "Que ce soit en longueur, en largeur ou en profondeur, on n'en avait jamais eu de cette dimension", dit M. Talon.

Des sondages sont, pour la première fois, effectués avec des "pelles-girafes" dont le bras peut descendre jusqu'à 14 m de profondeur et parvenir ainsi à des niveaux préhistoriques. "On n'a pas tous les jours la chance de pouvoir aller jusqu'au rhinocéros laineux, alors cela crée beaucoup d'espoir chez les préhistoriens", dit un archéologue.

Des traces d'une +tombe à monument+, qui pourrait abriter la sépulture d'une personnage important, a été détectée. Elle pourrait renfermer des métaux précieux. "Quand on passe le détecteur, ça sonne", dit M. Gaillard.

Une fois relevées par les topographes, les traces vont être recouvertes, pour éviter les pillages.

Fin 2010, l'Inrap rendra le rapport de son "diagnostic". Des fouilles plus poussées, concernant les vestiges les plus intéressants, seront alors prescrites par les pouvoirs publics.

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