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Pascal Vrebos a invité plusieurs avocats parmi lesquels les plus connus du pays, pour parler de la justice belge, et plus particulièrement de la mise en scène des procès par les médias.
Ces dernières semaines, la Belgique a connu une succession de grands procès, qui ont monopolisé l’espace médiatique. Avec les procès Storme, Clottemans et Habran, la cour d’assises a particulièrement été placée sous les feux des projecteurs, ce qui a été pointé du doigt. Mais d’après certains invités de l’émission, ce décor de justice a toutes les raisons d’être montré au grand public.
L’hypermédiatisation peut-elle rendre service ?
L’un des invités de Pascal Vrebos était Georges Huercano, journaliste et producteur de l’émission Indices sur RTL-TVi. Sur le plateau de Controverse, il a expliqué l’importance que revêt à ses yeux la médiatisation de certains procès : "La justice est devenue un socle important de notre société. C’est un repère. Les cours d’assises, qui sont hypermédiatisées, apportent à l’opinion publique des limites. C’est une sorte de grand-messe de ce qu’on peut faire et ne pas faire dans notre monde", a-t-il indiqué avant de souligner l’importance des médias dans les procès d’assises. "Ils ont fait basculer certaines affaires", a-t-il rappelé.
Des procès à la télé, plutôt que des soaps
Pascal Vrebos s’est alors tourné vers Karin Gérard, présidente de la cour d’assises de Bruxelles devant laquelle s’est joué le procès Storme. Il lui a demandé pourquoi elle a accepté que le procès du jeune homme soit filmé. "On va revoir le système à Bruxelles, parce qu’un collègue d’un autre arrondissement a accepté qu’on fasse un film de son procès, a-t-elle d’abord rappelé. A partir de là, il y a eu beaucoup de demandes. On s’est dit que ce serait peut-être bien qu’on voit un peu la justice belge plutôt que de voir toujours ces feuilletons idiots. Si l’accusé déclare qu’il ne veut pas être filmé ni entendu, on ne doit pas le faire, or certains journaux n’ont pas respecté cette demande, dans le cas [du procès Storme]. Je crois qu’on peut filmer l’entrée et le verdict. […] Un procès d’assises ne doit pas devenir un reality show. Cependant, n’oublions pas que l’audience est publique et qu’en dehors de la salle, je n’ai rien à dire", a-t-elle justifié.
Un procès à la télé : extrêmement dangereux
Marc Uyttendaele, avocat et professeur à l'ULB, ne rejoint absolument pas ces opinions : "Ces propos m’inquiètent, a-t-il confié. On attend d’un procès qu’il soit bâti comme un scénario qu’on va pouvoir passer en prime time. Alors que par définition, on est dans la vraie vie, dans la réalité, où il y a des complexités, des zones d’ombres et des incohérences. Le danger de simplification qu’implique la mise en scène vis-à-vis des médias est le premier boulet qu’on impose à la justice. […] De plus, la réalisation (on montre la réaction des membres du public par exemple), d’emblée et subliminalement, va faire perdre le crédit à celui qui parle. C’est extrêmement dangereux le fait qu’on transforme en fiction quelque chose qui est la réalité", a-t-il mis en garde. Il est ainsi rejoint par Adrien Masset, professeur de droit à l’ULg, pour qui le milieu des assises est très particulier : "Avec la cour d’assises, on est dans le registre de l’émotion, dès lors, la raison s’éloigne parfois un peu de nous", a-t-il observé.
