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Faut-il diffuser les noms et les photos des terroristes dans les médias?

Les noms et les visages des terroristes sont diffusés dans les médias depuis des mois. En France, certains voudraient que ces bourreaux restent anonymes afin d'éviter d'en faire des stars. Mais cette démarche serait-elle utile?

Après les récents attentats à Nice et près de Rouen, une question est soulevée en France, mais aussi chez nous. Faut-il diffuser les noms et les photos des terroristes au risque de glorifier les auteurs de ces tueries? Le débat fait rage, si certains prônent l'anonymat pour éviter d'en faire des stars, d'autres, estiment que c'est le rôle des médias de les identifier. Pour d'autres encore, il s'agit d'une fausse bonne idée qui ne ferait qu'entretenir la théorie du complot.

"Ne pas diffuser leurs photos n'aura aucun impact sur la récurrence des attentats car le processus d'héroïsation aura lieu de toute façon dans un circuit médiatique parallèle qui est celui des djihadistes, qui fonctionne complètement indépendamment des circuits médiatiques de masse. Donc que les médias diffusent les noms et les photos ou pas, les djihadistes vont d'eux-mêmes héroïser le terroriste en question quoiqu'il arrive. Par ailleurs, il faut bien comprendre ce qu'il se passe dans la logique d'un djihadiste qui passe à une action terroriste suicide. Qu'il est une gloire post-mortem, ça peut entrer en ligne de compte mais ce n'est clairement pas l'élément principal. Lui dans son esprit ce qu'il cherche, c'est le paradis. Donc qu'il fasse la une du monde ou pas, ce n'est pas vraiment son souci", a expliqué David Thomson, spécialiste du djihadisme, sur les ondes de Bel RTL.


L'avis de la justice sur la question

Pour le monde judiciaire, l'anonymat serait une bonne chose car il permettrait le bon déroulement des enquêtes ainsi que le respect du secret de l'instruction. Mais concrètement, empêcher la diffusion des noms et des photos semble totalement impossible. "Soyons réalistes. Tôt ou tard, l'identité sera connue. Alors taire l'identité est irréaliste car les journalistes font bien leur travail donc tôt ou tard ils auront l'information. Mais ce qui est plus l'enjeu, c'est comment se répercute l'information et là on sait que la publicité, dans le sens négatif du terme, peut avoir un effet contre-productif", a détaillé Damien Vandermeersch, magistrat et professeur de droit pénal à l'UCL, joint par Sébastien de Bock.


Qu'en est-il dans les médias?

Le quotidien l'Echo a décidé de ne plus publier les photos des terroristes. En France, la chaîne d'info BFMTV, radio France inter, France 24, les journaux Le Monde et La Croix ont pris la même décision. Mais rien n'interdit vraiment la diffusion de leur identité et de leur portrait.

"Il peut être important pour comprendre l'évènement, la mécanique du terrorisme, de savoir l'âge, l'origine socio-culturel, le quartier d'où émane tel ou tel terroriste. Il n'est pas indispensable de montrer le visage des terroristes en question, de même que l'identité. Ce n'est pas nécessairement une information d'intérêt général. Mais encore une fois, c'est chaque média qui, dans chaque cas, doit faire cet examen-là. Je ne suis donc pas du tout favorable à une règle générale qui imposerait l'ensemble des médias à opter systématiquement pour un même comportement", a confié Jean-François Dumont, secrétaire général adjoint de l'AJP, l'Association des journalistes professionnels, au micro de Sébastien de Bock. 

"C'est vraiment à chaque média de se poser cette question qui est une question légitime et importante, donc on ne peut pas avoir une mesure générale qui interdirait ou forcerait les médias à prendre telle ou telle attitude", a précisé Jean-François Dumont.

Pas de règle donc mais des recommandations du conseil de déontologie de la Fédération Wallonie Bruxelles. "C'est toujours la notion d'intérêt général et de pertinence de l'information qui est mise dans la balance par rapport à d'autres intérêts, ceux des victimes par exemple ou ceux des personnes elles-mêmes dans certains cas. Donc ce sont des conseils. Ce n'est pas une règle, ce n'est pas une instruction formelle et militaire", a expliqué le conseil de déontologie.

C'est d'ailleurs l'exercice délicat des journalistes au quotidien. Le désir d'informer sans transformer les terroristes en superstars. "Il ne faut pas nécessairement donner la photo des auteurs ou l'identité, mais l'ensemble des éléments qui concourent à mieux comprendre un phénomène, là c'est le rôle des médias de les donner", a conclu le conseil.

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