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Le budget de l'armée belge toujours plus réduit: "Plus de savon ni de papier dans les toilettes"

Les réductions budgétaires de la Défense, "qui se succèdent depuis 20 ans", ont des conséquences invraisemblables sur le fonctionnement de notre "Armée".

Les temps sont durs pour l'armée belge… La Défense, au niveau belge comme à l'échelon européen (pour plus de détails, lisez cet essai d'un chercheur), est en pleine crise: réduction de budget, interrogation sur son avenir, ses missions et ses capacités, etc…

Récemment, la Défense a dû faire environ 140 millions d'économie supplémentaire. La majeure partie de ces réductions budgétaires a été trouvée mais "il y a un mois, on a reçu des directives pour trouver les 16 millions d'euros manquant", nous a confié Patrick Descy, secrétaire permanent CGDP Défense.

On tond moins les pelouses, on utilise moins le téléphone…

Les choses ont alors pris une tournure inattendue. "C'est terrible, ils vident les fonds de tiroir. Ça va très loin. Il y a des demandes pour utiliser moins souvent le téléphone. Le nettoyage des bureaux est passé d'une fois par semaine à une fois par mois. Les pelouses seront tondues dix fois au lieu de douze fois par an", a-t-il poursuivi.

Selon lui, il s'agit "d'économie de bouts de chandelles", car on ne touche pas à de grosses dépenses qu'il juge inutiles. "La Défense vient d'acheter pour 100 millions d'euros de jeep Iveco, alors qu'il n'y a plus de mission, ni de troupe envoyée sur le terrain". De plus, "pour un exercice de vol en F16, c'est 6.000 litres de kérosène, à 1,5€…"

M. Descy a également évoqué des réductions budgétaires qu'il considère ridicules au niveau des frais de logement et de nourriture pour les candidats - "on a même plus les moyens pour s'entraîner" - et un taux d'attrition (départ volontaire) inquiétant: "70% des nouveaux quittent la Défense après 6 mois, car l'ambiance est devenue malsaine".

"Plus de papier dans les toilettes"

Les déclarations de ce permanent syndical corroborent celles de Eric (nom d'emprunt), qui a contacté la rédaction de RTLinfo.be via la page Alertez-nous. Selon cette personne qui souhaite rester anonyme, les économies à la Défense "se font aussi au détriment de l'hygiène".

A l'aide d'une photo qu'il nous a fait parvenir, il montre "les distributeurs de savon dans les toilettes d'un grand bâtiment de l'état-major à Evere", qui ne sont plus remplis.

"Bonjour l'hygiène. Même plus possible de se laver les mains. C'est un problème général et inadmissible. Mais personne ne fait rien. Et depuis quelques jours, un autre souci: plus de papier dans ces mêmes toilettes! J'en ai marre de devoir venir travailler dans un tel environnement", nous a-t-il confié.

Les chiffres officiels confirment: moins 22% en 10 ans !

Nous avons contacté la Défense pour avoir les chiffres officiels du budget. Il s'avère qu'en effet, le budget annuel réellement utilisable (nous n'entrerons pas dans les détails liés à l'inflation et au blocage de crédits) a été sévèrement réduit entre 10 ans. Il est passé de 2,66 milliards d'euros en 2004 à 2,06 milliards en 2014. Une baisse de 600 millions d'euros (-22%), qui s'est forcément répercutée sur la main d'œuvre et le matériel.

"La diminution des budgets de la Défense va de pair avec celle de la taille des forces armées. Ces deux diminutions sont en réalité indissociables : l’une entraîne presque inexorablement l'autre", nous a expliqué le Commandant Olivier Severin, porte-parole de la Défense.

Des restructurations "depuis 20 ans"

Ces plans de restructuration de l'armée belge se succèdent "depuis plus de 20 ans", a-t-il ensuite déploré. Le budget initial de 2014 devait permettre de garder un certain équilibre, mais la Défense "ne pouvait s’accommoder de la sous-utilisation de ces crédits qui lui était imposée et qui impliquait une diminution de 2 % des dépenses de personnel, de 15 % des dépenses de fonctionnement et de 20 % des dépenses d’investissement, d’autant que des économies auraient dû s’appliquer à des domaines où les dépenses sont, par nature, incompressibles".

L'Armée a donc dû, comme regretté par nos deux premiers interlocuteurs, faire les fonds de tiroirs. "La Défense a pris une série de mesures qui tendent à respecter la décision du gouvernement (les diminutions de budget, NDLR) tout en préservant l’essentiel : la sécurité de son personnel, les opérations, les obligations à satisfaire, l’entraînement. Même s’il faut, pour cela, faire certains sacrifices et demander de modifier certains comportements".

Où sont faites les économies supplémentaires ?

Selon le porte-parole de la Défense, pour respecter le budget réduit de 2014, il a fallu consentir :

  • "à une diminution des dépenses de fonctionnement, et notamment de celles associées à l’occupation et à l’utilisation des infrastructures. La hauteur des stocks est momentanément réduite, certaines activités d’entretien sont reportées ;
  • à une diminution du volume des activités d’entraînement ;
  • au report de certains investissements, qu’il s’agisse de travaux d’infrastructure ou de l’achat de certains matériels jugés moins urgents".

Ce qui explique les pénuries dont parle Eric, notre témoin qui souhaite rester anonyme.

Quel rôle pour nos militaires ?

Nettement plus grave, du moins aux yeux du citoyen lambda: ces restrictions budgétaires entraînent la non-participation à des opérations militaires européennes, comme ce fut le cas avec l'Eufor-RCA, une intervention en République Centrafricaine, en avril dernier.

La Défense a-t-elle encore une raison d'être si elle entraîne ses hommes toute l'année mais qu'elle n'a plus d'argent pour les envoyer en mission ? Pourquoi acheter ou louer du matériel très coûteux, comme par exemple le nouvel Airbus A321 (voir photo), reçu en mai 2014, s'il ne sert plus qu'à transporter du matériel ou rapatrier des Belges coincés à l'étranger ? 

On caricature, bien entendu: les coûts du nouvel Airbus, sur quatre ans, sont estimés à 41,65 millions d'euros, soit une économie de 1,5 million par an par rapport à l'ancien A330.

Mais ces questions restent sans réponse...

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