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A Ornans, Yan Pei-Ming "dialogue" avec Courbet

Dans les vapeurs de térébenthine qui envahissent son atelier éphémère d'Ornans, bourgade du Doubs qui célèbre le bicentenaire de Gustave Courbet, Yan Pei-Ming façonne par touches délicates un portrait monumental de l'auteur de "L'origine du monde".

Pendant quinze jours, l'artiste d'origine chinoise, star mondiale de la peinture contemporaine, est en résidence à Ornans pour, dit-il, "rendre hommage" dans un "dialogue" singulier à "l'un des plus grands peintres", très populaire en Chine.

Avec une simple louche, Yan Pei-Ming verse la térébenthine dans les bacs en aluminium posés à même le sol et qui recèlent son savant nuancier de noir, de gris et de blanc. Puis il trempe l’une de ses brosses géantes dans ses couleurs et poursuit son travail.

Cet atelier est celui de Courbet (1819-1877), acquis par le département du Doubs et en cours de restauration. "Qui n’a pas envie de travailler dans l’atelier de Courbet ? C’est un lieu unique qui est assez magique. A Ornans, là même où il est né, où il a vécu...", observe Yan Pei-Ming.

Le peintre, célèbre pour ses gigantesques portraits monochromes d'Obama, Mao ou Michael Jackson, parle d’un "acte très politique, très symbolique, pour les générations futures" avec la volonté d'"offrir un bicentenaire à Courbet pour que l’atelier perdure".

Il se souvient aussi : "La première fois que je suis venu à Ornans, il y a vingt ans, je suis allé au cimetière le voir".

Fin mars, l'artiste, né à Shanghai en 1960 où il grandit dans les affres de la Révolution culturelle avant de rejoindre la France en 1980, a posé ses valises dans l’ancienne maison de Courbet, mitoyenne de l’atelier.

Au centre de l’immense pièce : quelques chaises dépareillées. Il s’assoit sur la plus basse, prend du recul, observe le portrait de son illustre prédécesseur, croise son regard et rabat une mèche de ses longs cheveux fins aux couleurs de ses toiles.

- "C'est excitant" -

"Hier, je me disais, c’est terminé". Mais d'un geste vif, il rajoute, ici, une touche de noir, là, de subtiles touches de blanc.

"Travailler dans ces lieux, c’est excitant", poursuit Yan Pei-Ming. Un lieu où plane encore le souvenir de Courbet qui a peint le plafond, un ciel décoré d'hirondelles. Une immense toile blanche attend les coups de brosse de Yan Pei-Ming qui projette d’y inscrire un paysage.

Dans la partie la plus vaste, les murs sont en béton brut. Le plafond qui s’affaisse laisse apparaître les lattis de bois. Seul le parquet est neuf. Il reste encore beaucoup à faire dans ce lieu destiné à accueillir des artistes en résidence.

Le portrait de Courbet côtoie un autoportrait de Yan Pei-Ming dans des habits du XIXe siècle. Sur le mur d’en face, une toile est terminée, baptisée "A l’Est d’Eden". C'est une scène de chasse avec des animaux de la savane, éléphants, lions, singes...

Les quatre œuvres resteront dans l’atelier, qui sera ouvert aux visiteurs pour l’exposition du musée voisin, "Yan Pei-Ming face à Courbet". Une quinzaine de toiles du premier y dialogueront avec une vingtaine d’œuvres du second. Elle ouvrira ses portes le 10 juin, deux siècles jour pour jour après la naissance de Courbet.

Après Ornans, deux autres expositions de Yan Pei-Ming suivront en 2019, toujours en lien avec Courbet. Une cohabitation entre les deux peintres au Petit Palais, à Paris en octobre, lors de la Foire internationale d'art contemporain (Fiac).

Puis au Musée d'Orsay avec, notamment, "Un Enterrement à Shanghai", hommage à "Un Enterrement à Ornans", toile monumentale de Courbet qui figure parmi ses plus célèbres et fut peinte dans son atelier d'Ornans.

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