Accueil Actu

Dans la campagne du Nord, l'opéra de Verdi s'invite dans une grange

Allongés dans un transat entouré de paille, un verre posé sur une table basse: loin des dorures de l'opéra de Lille, les habitants de la campagne du Cambrésis (Nord) profitent dans une grange de la retransmission du chef d'oeuvre de Verdi, "Nabucco".

"C'est une initiative vraiment originale, ça offre l'accès à la culture à tout le monde, et ça me donne envie d'aller à l'opéra", s’enthousiasme auprès de l'AFP Anne-Marie Wisniewski, 59 ans, en robe noire d'été, pendant l'entracte de cette fresque historique qui évoque l'épisode biblique de la destruction du temple de Jérusalem et de l'esclavage des Hébreux à Babylone. "Ca me donne des frissons".

En ce samedi soir, cette enseignante, qui n'avait jamais assisté à un opéra, est venue de Valenciennes très tôt pour s'installer au premier rang de la grange du village de Saint-Python, 1.000 habitants, où souffle une petite brise.

L'oeuvre de Verdi, créée en 1842 à la Scala de Milan, y est retransmise en direct et gratuitement, tout comme dans 28 endroits différents des Hauts-de-France: théâtres, cinémas, salles des fêtes, espaces en plein air, église.

Environ 300 spectateurs ont pris place dans cet immense hangar, assis dans des transats, chaises et bancs face à un écran géant, avec sous-titres, suspendu devant un mur de meules de foin.

Derrière eux: une cour, avec des roses et un saule pleureur, et deux hangars abritant une dizaine de tracteurs et des vaches.

- "Les larmes qui coulaient" -

"On s'est pris au jeu. J'avais les larmes qui coulaient (...) On est à la campagne, c'est magnifique", confie à l'AFP "Nanou", 64 ans, retraitée habitant la commune voisine de Sommaing sur Ecaillon, emballée par l'opéra depuis sa première représentation l'année dernière, le "Vaisseau Fantôme" de Wagner.

"Il fait beau, on est en plein air, et on rencontre les gens du village rassemblés", se réjouit Quentin Foulon, magasinier de 24 ans, vivant à Saint-Python et venu en famille, intrigué par une invitation de la mairie.

Plutôt habitué à la variété française, pour lui, c'est une première. "Ca change, c'est calme, malgré le volume", estime-t-il, des lunettes de soleil glissées sur son t-shirt gris et sa chaîne en argent.

Pas sûr, en revanche, qu'il essaie d'aller jusqu'à Lille, à une heure de route, pour voir un autre opéra.

"Faire la démarche d'aller à l'opéra c'est quelque chose d'assez compliqué, c'est une structure culturelle qui n'est pas proche", analyse Marion Dugon, attachée aux relations avec les publics pour l'opéra.

"Notre travail, c'est d'accompagner des groupes qui ne connaissent pas ou qui se diraient que ce n'est pas pour eux. Personne n'est obligé d'y aller mais tout le monde doit pouvoir y aller s'il en a envie", poursuit-elle.

L'opéra a sollicité des communes pour trouver des lieux insolites. Et Gérard Pavot, le propriétaire de l'exploitation qui propose sa grange pour accueillir des spectacles du conservatoire intercommunal depuis quatre ans, a accepté.

"Il faut être ouvert à beaucoup de choses. La musique ça ouvre l'esprit", explique à l'AFP cet homme de 59 ans, en polo vert et bermuda.

"Je le fais parce que j'aime bien la musique et les gens de mon village. Et puis c'est une occasion de débarrasser un peu", plaisante-t-il, à côté de la buvette où on s'échange les dernières nouvelles.

Des ateliers ont été animés avec la chorale d'une commune voisine pour interpréter pendant l'entracte le célèbre choeur des esclaves "Va, pensiero".

"Ce que l'on veut, c'est montrer que l'on peut faire de la culture dans des endroits atypiques, même si on n'a pas un équipement digne de ce nom comme en milieu rural", souligne Stephan Ciesielski, responsable du pôle culturel de la communauté de communes du pays Solesmois.

"Si on peut un jour, on amènera peut-être l'orchestre et les chanteurs directement dans cette grange, ca serait un bel objectif", sourit-il, décidé à renouveler le partenariat en 2019.

À lire aussi

Sélectionné pour vous