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Les compagnons de la Libération, le destin d'exception de jeunes révoltés

"C'est le coeur serré que je vous dis aujourd'hui qu'il faut cesser le combat": le 17 juin 1940, à la radio, le maréchal Philippe Pétain annonce demander l'armistice aux Allemands.

Il n'en faut pas plus à de jeunes Français pour gagner Londres ou rejoindre la clandestinité.

Entre juin et juillet 1940, quelque 7.000 Français prennent le chemin de la Grande-Bretagne. Parmi eux, des centaines de futurs compagnons de la Libération, souvent âgés d'une vingtaine d'années, révoltés par le genou plié du "vainqueur de Verdun".

"Je suis le fils de la guerre de 1914. Mon enfance, ce sont les monuments aux morts, les mutilés. Alors, en 1940, quand la France a perdu la guerre qu'elle avait gagnée vingt ans plus tôt, ça a été pour moi insupportable", expliquait en 2018 au journal Le Monde Daniel Cordier, parti à Londres le 21 juin à l'âge de 19 ans avant de devenir deux ans plus tard le secrétaire de Jean Moulin, légendaire figure de la résistance intérieure qui succombera aux mains de la Gestapo.

"Beaucoup de compagnons disent n'avoir pas entendu l'appel du 18 juin 1940 lancé par De Gaulle: la plupart ont le déclic lors du discours de Pétain du 17 juin", explique le général Christian Baptiste, délégué national de l'Ordre de la Libération.

Père des Forces françaises libres (FFL), Charles De Gaulle créé l'Ordre de la Libération dès novembre 1940 pour "récompenser les personnes ou les collectivités militaires et civiles qui se seront signalées dans l'oeuvre de libération de la France et son empire". L'Ordre est forclos en 1946.

Au total, seules 1.038 personnes (dont six femmes) se verront attribuer le titre de compagnon de la Libération, ainsi que 18 unités militaires et cinq communes françaises: Nantes, Grenoble, Paris, le village martyr de Vassieux-en-Vercors et l’Île de Sein où, en juin 1940, la quasi-totalité des hommes en âge de combattre choisissent de partir rejoindre les FFL en Angleterre.

- transmettre aux jeunes générations -

Cette petite communauté de résistants de la première heure -- dont le plus jeune rallie l'Angleterre à 14 ans -- permettra le passage d'une aventure personnelle à un mouvement organisé.

"75% des compagnons s'engagent avant décembre 1940, alors que tout inclinait à se coucher. C'est leur +non+ intransigeant qui permet à la France Libre d'exister. Sans eux, la France serait sortie de l'Histoire en 1940", fait valoir le général Baptiste.

Les Français qui franchissent le Rubicon viennent de tous les horizons, de toutes les couches sociales. Parmi eux, des étudiants, des ingénieurs, des paysans, des industriels, des diplomates, des ouvriers, des membres du clergé, des tirailleurs africains, des magistrats, des médecins ou encore des militaires.

"Par suite incomptabilité idées, garde métier mais change de patron", écrit non sans humour le soldat Bernard Harent dans un télégramme à ses parents, avant de rallier la France libre avec 130 hommes de l'infanterie coloniale stationnés au Liban.

Parmi ce millier de compagnons, un tiers mourront au combat et 80% des survivants seront blessés pendant le conflit. Cinq reposent au Panthéon -- Felix Eboué, André Malraux, René Cassin, Jean Moulin et Pierre Brossolette. Aujourd'hui, seuls quatre compagnons sont encore en vie.

Gardien depuis deux ans de la mémoire de ces pionniers de la Résistance, le général Baptiste a à coeur de transmettre cet héritage aux jeunes générations, et ambitionne de faire du musée de l'Ordre de la Libération, aux Invalides, une "boussole de citoyenneté".

"Lors de mes rencontres ici avec les jeunes, j'essaie de leur dire que ce +non intransigeant+, ils peuvent l'appliquer à leur époque, en temps de paix, par exemple pour prendre la défense d'un camarade harcelé. Que le courage du type de celui des compagnons, consiste à dire +non, je ne me joindrai pas à la meute des harceleurs sur les réseaux sociaux+, de devenir l'ami du harcelé", explique-t-il.

"Une nation se nourrit de vies exemplaires. Ce pays doit se souvenir, au risque de se dessécher. C'est moralement indispensable".

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