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Ode à la diversité dans Carmen revisitée par José Montalvo

Du hip-hop sur des airs de Bizet, des gitanes coréennes: le chorégraphe José Montalvo s'attaque à son tour à Carmen, héroïne légendaire qu'il transforme en symbole de la diversité dans un monde où se dressent de plus en plus de murs.

Pourquoi prendre le risque d'une énième adaptation de la nouvelle de Prosper Mérimée?

"Nous sommes dans un monde où l'on traverse les frontières; mon idée est de montrer la beauté qui naît de la rencontre d'imaginaires, de corporalités différentes", explique à l'AFP M. Montalvo, d'origine catalane et andalouse, l'un des chorégraphes français les plus en vue.

A la différence de la Carmen de Roland Petit, celle d'Alberto Alonso, d'Antonio Gades ou encore de Mats Ek, l'héroïne de Montalvo présente une facette qui va au-delà du cachet espagnol.

Sept danseuses incarnent des Carmen multinationales --coréennes, espagnoles et françaises-- dans ce nouveau spectacle présenté au Théâtre national de la Danse de Chaillot à Paris (1er-23 février) et qui d'ailleurs est intitulé Carmen(s) pour en souligner le caractère multiple.

Loin de Montalvo l'idée de recréer une Carmen dans le sens narratif; il s'agit plus d'une excuse pour mélanger les styles de danse --classique, hip-hop, flamenco-- dans ce métissage esthétique qui est sa marque de fabrique depuis son grand succès, Paradis (1997).

Et la célèbre aria de la Habanera y est chantée en coréen, en français, en espagnol et en anglais.

- 'Héroïne mondiale' -

"Pour moi, Carmen est un personnage faussement espagnol", assure l'artiste.

"C'est beau d'avoir une héroïne dont sa patrie, par sa condition de gitane, est l'exode. Elle n'a pas de frontière, on ne sait pas si elle arrive du Pakistan ou de l'Inde", ajoute le lauréat du prix Laurence Olivier pour le meilleur spectacle de danse en 2001.

Il dit revendiquer son éclectisme et assumer les critiques lui reprochant trop de mélanges. "C'est volontaire", dit-il.

Pour le chorégraphe, la diversité, thème qui lui est cher, est d'autant plus importante à explorer qu'il y a dans le monde "de plus en plus de discours qui créent des murs", du repli et de l'exclusion.

"Cette femme est une héroïne mondiale... aujourd'hui, Carmen répond aux discours sur l'immigration", précise le chorégraphe.

S'il retourne à ses origines espagnoles pour la troisième fois après "Don Quichotte du Trocadéro" (2012) et "Y Olé!" (2015), il a puisé cette fois-ci dans un souvenir d'enfance pour faire danser des Carmen - mais aussi des Don José et des Escamillo - d'origine différente.

Né de parents exilés de l'Espagne sous la dictature de Franco, il avait vu à l'âge de huit ans à Carcassonne, dans le sud de la France, des immigrés espagnols, italiens et marocains danser et chanter pendant les vendanges.

"Je regardais ces adultes tristes car ce n'est jamais facile de quitter son pays d'origine. En dansant, ils devenaient lumineux et cela m'a beaucoup marqué", confie le chorégraphe.

Dans Carmen(s), "je retrouve mes thèmes à moi.. je voulais montrer que cette diversité peut aussi communiquer du bonheur".

Il fait un parallèle avec Bizet lui-même qui n'est jamais allé en Espagne, mais s'est inspiré d'"Espagnols réfugiés à Paris" pour créer son opéra.

Pour lui, la force d'un mythe comme celui de Carmen, c'est que chacun "y apporte une interprétation différente".

A l'opéra, une interprétation a déchaîné les critiques il y a quelques semaines à l'opéra de Florence en Italie lorsque le metteur en scène Leo Muscato a décidé de réécrire le final, "parce qu’on ne peut pas applaudir le meurtre d’une femme". Du coup, c'est Carmen qui tue Don José.

Montalvo aborde lui aussi le féminisme dans sa Carmen, mais plutôt que les danses, ce sont les paroles des danseurs reproduites sur un écran sur scène qui touchent le plus.

"Carmen c'est moi. Carmen, c'est la liberté d'être ce que tu es, de faire ce que tu veux, d'être libre!", affirme une des danseuses.

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