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Coronavirus : à Colmar, les urgences "proches de la rupture"

"C'est de pire en pire" : chef des urgences de l'hôpital de Colmar, Yannick Gottwalles alerte sur la situation "dramatique" de son service "proche de la rupture" face à une "vague" de patients qui "n'a pas l'air de vouloir s'arrêter".

"Les modèles prédisent un pic (de malades infectés) entre le 24 et le 28 mars mais je crains de plus en plus (qu'ils) soient faux et que ça va encore continuer", explique à l'AFP ce cardiologue de formation, qui dirige le pôle Urgences des Hôpitaux civils de Colmar (HCC).

Des doutes alimentés par son expérience de "terrain" : "les gens continuent à arriver, ça augmente en intensité" et "en gravité", poursuit le médecin, "inquiet" face à une "vague qui n'a pas l'air de vouloir s'arrêter" : "la situation est dramatique, c'est de pire en pire tous les jours".

Moins médiatisé dans cette crise du coronavirus que l'hôpital Emile-Muller de Mulhouse, son voisin haut-rhinois, l'établissement colmarien a pourtant lui aussi pris de plein fouet la vague des malades du Covid-19, dans le sillage du "cluster de Mulhouse".

- "Boom monstrueux" -

Fin février, environ 2.000 personnes, dont plusieurs étaient contaminées par le virus, ont participé à un rassemblement évangélique d'une semaine à Mulhouse, avant de disséminer involontairement la maladie, principalement dans le Haut-Rhin et partout en France en rentrant chez eux.

Au bout de quelques jours, Emile-Muller est submergé par l'afflux de patients qui, faute de places, sont réorientés vers Colmar. "La déferlante", avec "un boom monstrueux de cas", se souvient le médecin.

Mi-mars, le patron des urgences de Colmar tire avec son homologue mulhousien, le Dr Marc Noizet, la sonnette d'alarme : l'épidémie va nécessiter une "médecine de guerre" et obliger à faire un tri entre les patients.

"Il y avait un avant Covid-19, il y aura un après Covid-19 avec de très lourdes cicatrices", écrit-il encore à ses collègues des hôpitaux bas-rhinois, pas encore submergés.

"On a eu la malchance d'être au devant de la scène avec le +cluster+ mulhousien" mais "nous avons eu quelques jours d'avance pour donner notre retour d'expérience", analyse-t-il.

Depuis, la situation n'a cessé d'empirer. "Pour les équipes (soignantes), c'est terrible parce qu'on est confronté à des situations qu'on arrive à gérer habituellement parce qu'elles sont ponctuelles mais là (...), on est face à un flux perpétuel sur plusieurs semaines", confie-t-il.

Une situation qui contraint les HCC à déclencher le 11 mars le "Plan Blanc", un dispositif de mobilisation maximale prévu pour faire face aux situations sanitaires exceptionnelles.

Depuis, l'hôpital revoit constamment à la hausse ses capacités d'accueil : actuellement, "on a environ 350 lits" dédiés aux patients infectés, auxquels s'ajoutent une soixantaine de places en réanimation, "totalement saturées", explique le médecin.

Afin de soulager les unités colmariennes, des malades ont été transférés dans d'autres hôpitaux, voie dans des établissements dans les pays limitrophes, comme à l'hôpital de Heildelberg, dans le sud-ouest de l'Allemagne.

- "Démerde-toi, point" -

Et jeudi matin, six malades Covid-19 des HCC ont été évacués par le TGV médicalisé chargé de transférer vingt patients du Grand Est vers des hôpitaux de l'Ouest.

"Une petite bouffée d'oxygène", même si les six places sont de nouveau "déjà quasiment toutes pleines", glisse l'urgentiste, pour qui son établissement, comme d'autres, "est au point de rupture en ce qui concerne les lits d'hospitalisation Covid en réanimation".

Face à cette "crise sanitaire mondiale" pour laquelle "on n'était pas préparés", les soignants ont été laissés seuls en première ligne, et l'hôpital public, dont les moyens ont été rognés au fil des années, a absorbé le choc comme il a pu, déplore-t-il.

"C'est +démerde-toi, point+", s'énerve-t-il. "Ce n'est pas pour rien que depuis 18 mois, la plupart des services d'urgences sont en grève et que "les hôpitaux tirent la sonnette d'alarme".

Il faut tirer des "conclusions radicales" de cette crise car de telles épidémies "vont se répéter", prédit-il, accueillant avec circonspection le "plan massif" pour l'hôpital annoncé mercredi par Emmanuel Macron lors de sa visite à Mulhouse : "les promesses, c'est bien. J'attends juste (d'en) voir la réalité après la crise..."

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