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En colère, la police scientifique ne veut plus de son statut d'"administratif"

Exacerbée par la réforme des retraites, la différence de statut au sein de la police nationale entre les agents armés et ceux de la police technique et scientifique exaspèrent ces derniers, entrés dans une grève reconductible inédite.

"On a le même costume, mais on n'a pas les mêmes droits", résume Xavier Depecker, secrétaire du Syndicat national indépendant des personnels administratifs techniques et scientifiques (SNIPAT), basé à Lille.

Tandis que les agents armés de la police nationale disposent du statut d'"actif", qui ouvre notamment des droits à un départ anticipé à la retraite, les membres de la police technique et scientifique (PTS) sont "sédentaires", "comme les fonctionnaires de la Bibliothèque nationale", remarque M.Depecker.

Une distinction vécue comme un "manque de reconnaissance" par la profession, qui réclame, depuis plusieurs années, un alignement sur le statut d'actif, mettant en avant des conditions de travail "dangereuses et pénibles".

"On a des contraintes de terrain, et quand vous avez l'étiquette police, il y a un danger. Pour le délinquant, vous êtes un flic, il n'y a que l'administration qui fait la différence", souligne le syndicaliste.

Policier scientifique depuis 10 ans, Thierry (le prénom a été modifié) a connu de nombreuses situations délicates. "Tous les jours, on rencontre des personnes en garde à vue. Une partie de notre travail, c'est de prendre leurs empreintes. Nous, on voit des centaines d'individus, mais eux nous identifient. Récemment, je suis allé faire des constatations sur le terrain, j'ai été reconnu, je me suis fait caillasser".

Il évoque un autre épisode, où, envoyé seul pour faire des relevés sur un cambriolage, il s'est retrouvé nez à nez avec les voleurs. "Il venaient de voler une arme. J'étais en civil, mais ma radio s'est mise à fonctionner. Il m'ont reconnu, j'ai dû m'enfuir".

Équipés d'un gilet pare-balle depuis 2010, les agents de police scientifique ne sont néanmoins pas armés ni même, parfois, formés aux techniques de self-défense.

- 2% des effectifs, 30% des enquêtes -

Ces professionnels évoquent aussi un rythme de travail soutenu, avec des astreintes très régulières et des problèmes de sous-effectif. Dans chaque service, "il faut quelqu'un de disponible 24h/24 pour faire des constatations, on travaille la nuit, le week-end, les criminels ne prennent pas rendez-vous", ironise Sophie (prénom modifié), en poste à Lille. "Pourtant, on le même statut qu'un administratif".

D'autant que la charge de travail a augmenté ces dix dernières années. "Avec les progrès scientifiques, on est passé d'une culture de l'aveu à une culture de la preuve", souligne Xavier Depecker. "Avec 2.500 agents, soit 2% des effectifs de police, la PTS permet de résoudre 30% des enquêtes".

Le "sentiment d'injustice" est exacerbé par la réforme des retraites : alors que le ministre de l'Intérieur, Christophe Castaner, a annoncé que les policiers actifs conserveront leur régime dérogatoire, "compte tenu des dangers auxquels ils sont exposés", la PTS, elle, est concernée par la réforme.

Ces agents "sont recrutés par un concours spécifique, mais ne sont pas policiers, n'ont pas suivi de formation de policier", justifie un porte-parole du ministère. "Ils ne sont pas employés à d'autres tâches policières telles que la patrouille, le maintien de l'ordre, ou les confrontations".

Les syndicats ont demandé à être reçu par le ministre, en vain. "Il nous méprise", peste Xavier Depecker. Une réunion a néanmoins eu lieu mercredi avec le secrétaire d'Etat Laurent Nuñez, sans permettre d'avancée.

"Il y a des discussions en cours", a déclaré M. Nuñez à l'AFP vendredi. "Nous examinons avec eux les conditions dans lesquelles ils exercent leurs missions. Ces effectifs ont un rôle extrêmement importants".

Une nouvelle rencontre doit avoir lieu "dans les prochaines semaines", selon le secrétaire d'Etat.

En attendant, la profession s'est lancée dans un mouvement de grève reconductible inédit. Certains services, à Reims, Lons-le-Saunier ou Montbéliard sont restés fermés jeudi, tandis que d'autres, comme à Versailles, étaient fortement perturbés vendredi, de source syndicale.

Le mouvement ne s’arrête pas là : une nouvelle manifestation est organisée samedi à Lyon, et le Snipat appelle à un rassemblement national à Paris le 15 janvier.

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