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Journal de bord d'un réanimateur: "Nous continuons de naviguer à vue"

Praticien dans un hôpital de la région parisienne, en première ligne pour traiter la vague de patients atteints par le coronavirus, un anesthésiste-réanimateur livre tous les jours pour l'AFP, sous couvert d'anonymat, le résumé de sa journée en pleine crise sanitaire.

- Mardi 28 avril -

"Il y a encore deux mois, le coronavirus arrivait à peine en région parisienne. Nous avions encore l’espoir de ne pas connaître de première vague, de ne pas être contraints de modifier complètement le fonctionnement de nos hôpitaux comme on pouvait le voir en Italie, de conserver une vie normale.

Pas loin de deux mois se sont écoulés. Il est à la fois satisfaisant de voir à quel point nous avons été capables de (nous)adapter à la situation, d’accueillir un nombre incroyable de patients en réanimation, de travailler jour et nuit pour lutter contre cette maladie ; et à la fois inquiétant de se dire que cela fait déjà deux mois, que nous ne retrouverons pas notre quotidien professionnel de si tôt, voire pas du tout, que beaucoup de patients sont décédés, et que nous ne sommes pas du tout au bout de la lutte.

On s’imaginait au début que cela partirait aussi vite que c’est arrivé, que la parenthèse se fermerait largement avant l’été et que nous n’aurions pas à nous dire que nous devrons imaginer notre travail différemment pour plusieurs mois, voire peut-être plus.

Les annonces du Premier ministre n’apportent pas tellement de surprises. Elles ne font qu’ancrer encore un peu plus dans le marbre que cette crise va durer, que nous n’en avons pas fini et que nous ne pourrons peut-être jamais baisser la garde.

Depuis le début de la crise, nous avons fait beaucoup de parallèles avec les différents attentats que nous avons malheureusement connus en France ces dernières années. Les mêmes modes de déploiement à l’hôpital, les mêmes organisations pour répondre à un afflux massif de patients, les mêmes impératifs professionnels qui doivent prévaloir sur nos organisations personnelles et familiales et tant d’autres choses.

Les conditions du déconfinement annoncées par Édouard Philippe ne font que confirmer que cet état d’urgence, cette "guerre sanitaire", ce plan blanc, va perdurer longtemps.

La deuxième vague ne sera probablement pas la même que la première. Elle sera peut-être moins violente, différente, posera peut-être d’autres problématiques. Il faudra peut-être encore se réinventer. On ne sait pas.

En vous écrivant, j’entends à la radio un journaliste dire précisément "on ne sait pas où on va". En effet, nous continuons de naviguer à vue, de nous adapter au jour le jour. Pour l’instant nous tenons, nos équipes aussi. J’espère que ça tiendra aussi longtemps qu’il le faudra".

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