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Fichier controversé à FO: blessure toujours à vif, un an après

Il y a un an, la révélation d'un fichier explosif sur les dirigeants de Force ouvrière déclenche une crise interne et la démission de son secrétaire général d'alors, Pascal Pavageau. L'épisode paralyse toujours le syndicat, mais son discret patron, Yves Veyrier, "fait le job" pour unifier les troupes.

"C'est un énorme gâchis, ça aurait pu tuer l'organisation", souffle Dejan Terglav, secrétaire général du syndicat FGTA-FO (agroalimentaire, distribution, hôtellerie-restauration...).

Et aujourd'hui?

"C'était il y a un siècle, ce n'est pas au centre de mes préoccupations", balaie Yves Veyrier, le secrétaire général de FO. Il reconnaît toutefois que ce fichier "a créé des blessures individuelles fortes".

- "La risée de tous" -

"Ordure", "niais", "complètement dingue", "mafieux", "trop intelligent pour entrer au bureau confédéral" ou "bête"... difficile en effet d'oublier une liste où plus d'une centaine de responsables sont affublés de qualificatifs peu flatteurs.

Dévoilée le 9 octobre 2018 par le Canard enchaîné, elle a été concoctée en 2016 par Pascal Pavageau, alors en lice pour remplacer le secrétaire général, Jean-Claude Mailly, à partir d'avril 2018.

Lorsque l'information paraît, M. Pavageau a le vent en poupe.

Si en fin de mandat M. Mailly est contesté par une majorité de militants pour sa position jugée molle face aux ordonnances réformant le Code du travail, prises au début du quinquennat Macron, son successeur est à l'inverse apprécié pour son discours revendicatif.

Offensif dans les médias, prêt à en découdre avec le gouvernement sur les réformes sociales en cours, dont celle de la fonction publique, il est à l'origine d'une réunion historique avec les leaders syndicaux et patronaux à l'été 2018. Et ne rechigne pas à discuter avec Philippe Martinez, le leader de la CGT, au grand dam d'une partie des cadres FO.

L'affaire du fichier sonne le glas pour ce quinqua: militants et cadres réclament sa démission.

"On est la risée de tous! On ne peut pas se permettre d'avoir quelqu'un à la tête de FO avec une casserole pareille", dira alors un des cadres fichés.

L'éphémère patron démissionne le 17 octobre, s'excusant dans un courriel auprès des militants. Il y adresse aussi un réquisitoire à des "camarades" qui ont choisi de faire "passer (leurs) intérêts personnels, (leur) petit pouvoir ou (leur) aigreur avant tout".

Car la crise a mis le projecteur sur les divisions internes au syndicat, où se côtoient des sympathisants anarchistes, trotskistes, socialistes, conservateurs ou d'extrême droite...

Les langues se délient. Certains évoquent l'atmosphère "pesante" au siège parisien de la confédération sous la direction de Pascal Pavageau et de sa compagne Cécile Potters, sa directrice de cabinet.

D'autres, y compris Pascal Pavageau, notent que l'affaire du fichier est sortie au moment où il a commencé à regarder de près la comptabilité de la confédération et décidé de lancer un audit financier.

- "Apaiser et rassembler" -

Lui parti, la direction cherche une ou un remplaçant. Yves Veyrier, proche de Mailly, est élu à une courte majorité devant Christian Grolier (fonction publique) et loin devant Patrice Clos (Transports).

Depuis, "c'est compliqué. Il y a beaucoup de plaies à panser", résume Fabrice Lerestif, responsable de l'Union départementale (UD) d'Ille-et-Vilaine.

"Veyrier, avec son style, fait le job", poursuit-il, un an après l'avoir qualifié de "clone triste de Mailly". Cette figure anarchiste de FO "continue de regretter le départ de Pavageau".

Tout comme Dejan Terglav, pourtant soutien d'Yves Veyrier lors de son élection, pour qui l'ex-dirigeant "avait de l'envergure".

Pour autant, "Veyrier a pris les choses en main. Il est carré, c'est un homme de dossiers. Il a réussi à apaiser et rassembler", dit-il, vantant l'"unanimité" sur le dossier notamment des retraites. "C'est rare chez nous, où c'est toujours le bordel".

Un haut dirigeant sous couvert de l'anonymat est plus inquiet: "On est paralysé. La crise a exacerbé les tensions".

Beaucoup, Patrice Clos inclus, réclament toujours un audit. Yves Veyrier ne veut pas en entendre parler.

Le sujet est d'autant plus sensible qu'en 2017, la confédération a enregistré un déficit de plus 630.000 euros, après un excédent de 1,1 million un an plus tôt.

Des discussions sont en cours pour une éventuelle mobilisation avec la CGT, un dossier très délicat pour Yves Veyrier car une partie des cadres s'y refusent. "Notre tâche aujourd'hui est de convaincre les salariés, le plus grand nombre possible que le système actuel de retraites mérite d'être défendu", estime-t-il.

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