Accueil Actu

Du graffiti à une mythologie gothique, rétrospective Rammellzee à New York

Rappeur, compositeur, graffeur, peintre, plasticien, théoricien cosmique, près de 10 ans après sa mort, une première rétrospective se penche, à New York, sur l'artiste iconoclaste et multi-facettes Rammellzee, avec l'espoir de le révéler au grand public.

A l'heure où le street art se fraie un chemin jusque dans le salon de monsieur tout-le-monde, où un tableau de Jean-Michel Basquiat vaut plus de 100 millions de dollars, Rammellzee, qui fut pourtant un personnage incontournable du New York bouillonnant des années 80, manque à l'appel.

"Peut-être le plus grand street artist dont vous n'avez jamais entendu parler", suggérait la maison d'enchères Sotheby's l'an passé sur celui dont le nom d'origine s'est perdu dans la légende.

Comme beaucoup d'aspirants artistes de son époque, l'adolescent de Far Rockaway, au fin fond du Queens, s'est fait la main à la fin des années 70 avec une bombe sur des rames de métro.

Mais bien vite, les lettres disparaissent au profit de figures abstraites, des compositions qui trouvent leur place dans des galeries dès le début des années 80, voire au prestigieux musée Boijmans Van Beuningen de Rotterdam dès 1983.

Avec son look indéfinissable, des blazers aux manches découpées aux multiples paires de lunettes à montures blanches superposées, le jeune métis fascine le monde de l'art contemporain et du hip-hop.

Il rappe, et Basquiat produit son titre "Beat Bop", qui sera réutilisé par les Beastie Boys et Cypress Hill. Il tourne, et apparaît furtivement dans le film culte "Stranger Than Paradise" de Jim Jarmusch.

- Gothique futuriste -

Mais alors qu'il pourrait se laisser porter par la vague qui emmène déjà Basquiat jusqu'aux sommets, Rammellzee (prononcer Ram-El-Zi) mute: il invente le concept de gothique futuriste et crée sa propre mythologie, basé sur un traité formel.

Dans son studio de Tribeca, il matérialise cet univers en fabriquant les "Letter Racers", des lettres géantes montées sur des skateboards, qui symbolisent la possibilité de libérer le langage et d'en faire un outil d'émancipation.

Il y a aussi les "Garbage Gods", des figurines créées, comme les "Letter Racers", avec des matériaux de récupération, avec d'un côté les "Recyclers" (recycleurs), et de l'autre les "Trashers" (ceux qui jettent).

A partir des années 90, Rammellzee apparaît souvent en public déguisé en guerrier futuriste, mi-samouraï, mi-Dark Vador, et joue un rôle.

Jusqu'à sa mort en 2010 d'une maladie du coeur, à 49 ans, il restera ainsi dans ce monde imaginaire, loin des contingences du marché de l'art ou des tendances du moment.

"Notre plus grand défi, c'était de trouver un moyen de prendre cet artiste aux multiples facettes, ce personnage, ce mythe et de raconter une histoire qui traduise ses intentions", explique Max Wolf, conservateur de l'espace Red Bull Arts New York, qui accueille jusqu'au 26 août cette rétrospective ouverte depuis le 4 mai.

Les pièces proviennent pour moitié environ de collections privées et pour le reste de la famille de Rammellzee.

"Les États-Unis connaissent mal ce travail, qui a rejoint des collections en Europe et n'a plus été vu ensuite", souligne Max Wolf. "Donc c'était important de ramener tout ça pour le présenter ici".

"Il avait un but", poursuit le conservateur de cette grande galerie de Chelsea. "Il voulait accomplir une somme de travaux pour achever cet ensemble de gothique futuriste. Il l'a terminée et s'en est allé".

À lire aussi

Sélectionné pour vous