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Pour les militants américains anti-IVG, la lutte se joue d'abord devant les cliniques

"Tests de grossesse et échographies gratuits". La promesse figure en grandes lettres sur un bus garé dans la ville américaine de Saint-Louis, à proximité de l'unique clinique du Missouri autorisée à pratiquer des avortements.

A l'intérieur du véhicule, trois jeunes femmes accueillent les visiteurs avec un large sourire. Pas question toutefois de répondre aux questions de la presse. "Un responsable vous rappellera", promet-on sur un ton professionnel.

"On envoie les femmes vers le bus pour qu'elles entendent le coeur battre et réalisent que c'est un humain", explique à quelques pas de là, Linda persuadée que la vie est sacrée dès la conception et qu'il faut "sauver les bébés non nés".

Avec des membres de son église, cette Afro-américaine de 63 ans est venue prier devant la clinique gérée par l'organisation Planned Parenthood. La structure est la seule à pratiquer des interruptions volontaires de grossesse (IVG) de tout le Missouri, dans le centre des Etats-Unis.

Dans le viseur des autorités locales, elle a obtenu un répit en justice vendredi mais reste menacée. Si elle perd son agrément, le Missouri deviendra le premier Etat américain sans accès à l'avortement depuis que la Cour suprême a légalisé les IVG en 1973 dans son arrêt historique "Roe V. Wade".

En parallèle, le Missouri, comme d'autres Etats conservateurs et religieux, vient d'adopter une loi ultra restrictive sur l'avortement, dans l'espoir que la haute cour remaniée par Donald Trump s'en saisisse et en profite pour faire marche arrière.

Les militants anti-IVG suivent de près ces grandes manoeuvres politiques, qui suscitent un "espoir prudent" dans leurs rangs. Mais ils pensent que leur rôle est ailleurs: maintenir la pression sur le terrain.

- "Soft" ou "old-school" -

Devant la clinique de Saint-Louis, le groupe "Coalition for Life", qui revendique des liens avec 95 églises et 4.000 militants, organise une rotation de manière à ce qu'il y ait en permanence deux jeunes salariées pour accueillir les patientes.

Vêtues de gilets orange, elles leur glissent, sans insister, des prospectus qui renvoient à toute une série de "services", dont les échographies gratuites et une dizaine de "centres de grossesse" dans les environs.

L'un d'eux est un bureau aéré et coloré, où une réceptionniste distribue des couches aux jeunes mères et oriente vers des conseillères. Un panneau promet: "Nous ne prions pas, nous ne jugeons pas, nous ne montrons pas de photos choquantes."

"Ils sont très soft", commente Mary Maschmeier. "Moi je préfère dire la vérité sur l'horreur des avortements."

Fondatrice du groupe "Defenders of the Unborn", cette catholique de 69 ans qui a élevé onze enfants, assure venir chaque samedi devant ce qu'elle appelle "l'abattoir".

Elle y distribue ses propres tracts, qui renvoient vers les mêmes services, mais sont assortis de photos de foetus avortés ou d'assertion sur un lien non établi entre l'IVG et le cancer du sein.

"J'ai été arrêtée six fois pour des blitz", soit des intrusions dans des centres d'IVG, ajoute cette militante de la première heure qui se reconnaît volontiers "old-school".

- "Prier devant les tribunaux" -

Si le ton et la méthode diffèrent, le but est identique: "c'est de faire entrer chez nous les filles qui s'interrogent sur l'avortement et les convaincre qu'elles ne portent pas qu'un morceau de chair", explique la gestionnaire d'un de ces "centre de grossesse" en requérant l'anonymat.

"Je viens juste de recevoir une fille de 20 ans qui a annulé son rendez-vous chez Planned Parenthood parce que je lui ai montré à quoi ressemble son bébé. Elle s'est mise à pleurer. Et elle va le garder", ajoute-t-elle avec fierté.

Un morceau de scotch sur la bouche, Melissa Jacobs, 39 ans, représente un autre type d'activiste: depuis 13 ans, elle fait partie de la fédération nationale "Bound4life". "Nous, on ne parle pas aux femmes, on prie pour la fin de l'avortement, notamment devant les tribunaux", explique cette mère de sept enfants.

Si les militants s'activent sur le terrain, ils savent en effet que le combat ultime se joue devant la justice. Et tous misent sur les juges nommés par le président Trump à la Cour suprême, qui ont fait basculer l'institution dans le camp conservateur.

"J'ai confiance, l'heure est venue d'annuler Roe V. Wade", estime Melissa Jacobs. "Il est plus que temps, ça fait 30, 40, 50 ans qu'on y travaille", ajoute Mary Maschmeier.

chp/AB

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