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Riss: "Il faut toujours se battre pour qu'il y ait du dessin"

Près de cinq ans après l'attentat des frères Kouachi, la rédaction de Charlie Hebdo sort mercredi un hors-série qui dresse un sombre tableau de la situation du dessin de presse avant de participer samedi à un débat à Strasbourg, sa première intervention publique collective depuis janvier 2015.

Quelques jours avant ce débat, organisé dans le cadre du Forum mondial de la démocratie, le directeur de l'hebdomadaire satirique, Riss, souligne que la caricature reste un "sport de combat".

Question: Dans ce hors-série "Caricature, mode d'emploi", vous déplorez qu'à l'époque des réseaux sociaux tout puissants, l'ironie ne soit plus possible, chacun s'érigeant en autorité morale. Le dessin de presse est-il un animal en voie de disparition ?

Réponse : "Il ne faut pas être pessimiste à ce point. Cela n'a jamais été facile de faire de la satire, il n'y a jamais eu d'époque où c'était plus facile que maintenant, c'est toujours un genre qui doit lutter pour exister. Quand on sait ça, on met l'énergie qu'il faut pour que ça existe.

On assiste à une sorte de fractionnement de la société qui peut-être existait avant mais est démultipliée par les réseaux sociaux, où chacun ne parle qu'à lui-même ou qu'aux gens de sa catégorie. Dès qu'il y a une parole divergente, elle est rejetée, et c'est pareil pour l'humour, un humour qui gêne un peu est considéré comme une agression, mais il ne faut pas se laisser trop impressionner par cela. Le fait que l'humour soit devenu suspect semble démontrer que les gens n'ont plus confiance les uns envers les autres. Ils interprètent tout comme une agression, comme un rejet.

Ce ne sont pas de bons signes quand de grands médias comme le New York Times suppriment des dessins. La première chose que font les dictateurs, c'est enfermer les journalistes et les humoristes. Là, il n'y a même pas besoin de dictateurs, ce sont les grands journaux qui suppriment l'humour. C'est le comble que de grands journaux censés être des symboles de la démocratie comme le New York Times entrent dans ce jeu et participent à un appauvrissement des formes d'expression. C'est assez déplorable. J'espère que ce sont des modes qui passeront et que, dans quelques années, les gens redécouvriront l'intérêt du dessin de presse. Mais c'est sûr qu'il faut toujours se battre pour qu'il y ait du dessin".

Q: Quand les politiques se comportent comme des caricatures, a-t-on encore besoin de caricatures ?

R: "On a besoin de caricatures pour montrer que c'est aberrant que les politiques revendiquent d'être des caricatures, on n'attend pas ça d'un politique ! Ces personnages-là ne dureront qu'un temps, je pense que les gens vont se lasser et revenir à des hommes politiques plus classiques. C'est dans l'air du temps, il y a une outrance revendiquée dans l'expression politique qui, je l'espère, va vite atteindre ses limites.

Quand on fait du dessin satirique, on ne cherche pas à être pittoresque, on fait des dessins sur des situations politiques, des problèmes politiques, faire des dessins juste pour faire des blagues, ça fait blague de bureau, ce n'est pas très intéressant, donc les hommes politiques qui se mettent en scène en se croyant drôles, ce n'est pas intéressant pour les satiristes".

Q: Pourquoi prendre la parole collectivement à Strasbourg?

R: "C'est une opportunité qui nous a été offerte. On s'est dit que ce serait bien de profiter de ce forum, presque 5 ans après ce qu'il s'est passé, pour montrer que Charlie Hebdo est toujours vivant, avec une rédaction dynamique. C'est un peu difficile d'être toujours, je ne vais pas dire, dissimulés... mais on a aussi envie de revendiquer un peu plus en public ce que l'on est".

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