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Cindy pensait échapper à la dégressivité du chômage en reprenant des études d’infirmière: "Je suis révoltée"

Après avoir perdu son travail, Cindy s’est retrouvée au chômage. Cette maman de 38 ans décide alors de reprendre des études d’infirmière, un métier en pénurie. D’après elle, son syndicat lui affirme que ses allocations seront bloquées pendant sa formation. Pourtant, à 4 mois de la fin de ses études, sa situation financière a brusquement changé depuis quelques jours.

"Les syndicats ne sont pas là pour nous aider à nous aiguiller, mais juste pour prendre nos cotisations", s’insurge Cindy. En colère, cette habitante de Boncelles (Seraing) nous a contactés via notre bouton orange Alertez-nous, suite à une mauvaise surprise. Depuis le début du mois de mars, ses allocations de chômage ont fortement diminué. Visiblement mal informée par son syndicat, elle ne s’y attendait pas du tout.

Tout commence il y a deux ans. Cette maman de deux filles est licenciée pour restructuration de personnel. Depuis dix ans, Cindy travaillait pour une chaîne de magasins pour enfants. Son employeur lui octroie alors six mois de préavis non-prestés. "Suite à cela, c'était le moment ou jamais pour moi de reprendre mes études d'infirmière que j’avais laissées tomber 15 années auparavant", relate la trentenaire, qui désire réorienter sa carrière professionnelle. Vu qu’il s’agit d’un métier en pénurie, ses chances de trouver un nouveau job semblent en effet beaucoup plus grandes.

Et comme elle a déjà réussi sa première année d'études d'infirmière à cette époque-là, il ne lui en reste plus que deux à passer.


"Oui Madame, c’est bloqué et ce ne sera pas régressif"

Avant d’entreprendre cette démarche, Cindy se renseigne toutefois sur les formations possibles et surtout sur les allocations du chômage perçues dans ce cas de figure.

"J’ai demandé des informations auprès de mon syndicat, le bureau de la FGTB à Seraing, car j’ai une famille et une maison à payer. Et vu que je vis avec mon compagnon qui travaille, je suis considérée comme cohabitante", indique Cindy, qui n’a quasiment jamais été sans emploi.

"La personne qui s’occupe de mon dossier m’assure alors que, si je reprends des études de plein exercice d’un métier en pénurie et que j’obtiens une dispense de l’Onem, mon chômage ne sera pas soumis à la dégressivité et sera bloqué pendant la durée de ma formation", assure-t-elle. Lors de prochains contacts avec le syndicat socialiste, elle repose la question. "Et la réponse a toujours été la même : ‘Oui Madame, c’est bloqué et ce ne sera pas régressif’." 

Rassurée et très motivée, la trentenaire entame en septembre 2015 sa deuxième année d’infirmière (rappelez-vous, elle avait réussi sa première année 15 ans plus tôt avant d'arrêter) dans une école à Huy.

Après avoir réussi ses examens fin juin 2016, elle entame donc sa troisième et dernière année en toute confiance.

Depuis janvier 2016, suite à la réforme de l’Etat, ce n’est plus l’Office National de l’Emploi (Onem) qui est chargé d’octroyer les dispenses pour suivre des études mais bien les organismes régionaux de payement, en l’occurrence le Forem en Wallonie. Pas de problème de ce côté-là: Cindy reçoit sa dispense pour sa dernière année en tant qu’étudiante.

La dispense du Forem lui permet de ne pas devoir rechercher activement de l’emploi et de pouvoir refuser un job proposé.


"Une perte de près de 400 euros par mois, c’est énorme"

Tout se passe donc pour le mieux jusqu’à l’envoi d’un courrier mi-février par son syndicat.

"J’ai reçu une lettre de la FGTB du bureau de Liège me stipulant la révision de mon chômage à partir du mois de mars. Au lieu de percevoir 42,52 euros par jour, je ne touche plus que 28,60 euros par jour. Soit une perte de près de 400 euros par mois. C’est énorme", s’indigne Cindy. Très surprise, elle appelle son syndicat qui lui confirme la diminution de son allocation journalière.

En réalité, la trentenaire a subi la première dégressivité importante, qui intervient après 12 mois de chômage.

Cindy a débuté son chômage le 29 février 2016 (auparavant, elle était encore sous le préavis lié à son licenciement). Exactement un an plus tard, le 1er mars 2017, elle est donc frappée par la première grosse dégressivité. Alors qu'elle pensait en être protégée comme le lui avait assuré son syndicat... Quelle est l'explication?

"C’est un système assez compliqué", prévient Henri Libert, le responsable du service chômeurs à la FGTB Liège-Huy-Waremme.

Lors de la première période d'indemnisation, qui correspond à la première année de chômage, les allocations baissent à plusieurs reprises. Il s'agit toutefois de diminutions très légères. "J’avais remarqué au début une petite baisse de mes allocations sans conséquence", se souvient Cindy. Mais après un an, les allocations peuvent chuter fortement, en fonction de la situation personnelle. Ce qui a été le cas pour Cindy: "Depuis le mois de mars, je suis passée de 60% à 40% de mon dernier salaire puisque je suis cohabitante sans charge de famille", indique l'habitante de Seraing. 


Les allocations gelées seulement à partir de la deuxième phase

Pourquoi ses allocations n'ont-elles pas été bloquées ? Tout simplement parce que c'est la règle.

Depuis 2012, l’Onem gèle en effet les allocations de chômage des personnes qui reprennent des études de plein exercice (cycle complet, en semaine et pendant la journée) dans une filière en pénurie mais seulement à partir du moment où le chômeur se trouve dans la deuxième période d'indemnisation. Cette période commence après un an de chômage. Elle dure entre 2 mois et 3 ans durant lesquels les allocations diminuent encore pour atteindre finalement le montant de l’allocation forfaitaire, qui dépend de la situation familiale. Une fois cette étape atteinte, vous êtes alors dans la troisième et dernière phase. Ce système de dégressivité est expliqué en détails sur le site de l’Onem.


"Heureusement que je ne suis pas seule à élever mes filles"

Comme Cindy a entamé ses études avant de percevoir son chômage, sa première année en tant qu’étudiante ne correspond donc pas à la première période d’indemnisation. Elle subit donc cette dégressivité importante au milieu de sa deuxième année scolaire. "Il me reste donc quatre mois d’études avec un revenu mensuel d’environ 600 euros. Comme le dit mon compagnon, en payant mes sandwichs le midi et mon essence pour aller en voiture jusqu’à mon école, il ne me reste plus grand-chose dans mon portefeuille. Ce sera donc très difficile. Heureusement que je ne suis pas seule à élever mes filles", lance-t-elle. 

Alors que Cindy ne pensait pas perdre d’argent pendant toute la durée de ses études, elle en perdra finalement pendant les quatre derniers mois de sa formation. À raison de 400 en moins par mois, on arrive à une perte totale de 1.600 euros. On imagine la douche froide, surtout qu’elle n’a pas pu anticiper cette perte financière importante.


"Ce qui me rend furieuse, c’est que les informations fournies sont erronées"

"Ce qui me rend furieuse, c’est que les informations fournies sont erronées. Et quand j’appelle la FGTB en disant qu’ils devraient faire attention aux renseignements qu’ils donnent car cela met des ménages en difficulté, ils prennent ça à la légère. Une personne m’a répondu: ‘Qu’est-ce que vous voulez que j’y fasse. C’est comme ça. Mais je prends note de votre mécontentement.’ On se renseigne pour éviter les mauvaises surprises et puis voilà", grogne la mère de famille.

S’agit-il d’un manque de rigueur ou de connaissance de la part d’employés du syndicat qui a causé cette situation ? Ou d'une mauvaise interprétation ? Difficile de le savoir sans pouvoir contacter les intéressés...


Avantage: son allocation de chômage restera encore gelée 6 mois après sa formation

Malgré cette déconvenue, Cindy ne regrette en tout cas pas d’avoir choisi cette nouvelle voie professionnelle. "Si j’avais été prévenue à l’avance, j’aurais sûrement quand même entrepris ces études", confie-t-elle.

Seule consolation: en cas de réussite, si elle continue de percevoir des allocations de chômage en attendant de trouver un travail, elle pourra encore conserver ce montant gelé pendant une période de six mois. Une sorte de "bonus" qui commence dès la fin de la dispense.

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