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Au nom de Dieu: comment des extrémistes ont détourné les lois sur le blasphème au Pakistan

Des hommes politiques ont été assassinés, un pays européen menacé d'annihilation nucléaire, des étudiants lynchés... Le tout au nom de la lutte contre le blasphème au Pakistan, où ceux qui insultent le prophète Mahomet risquent la peine de mort.

D'où viennent ces lois ?

La première loi sur le blasphème a été adoptée durant la présence coloniale britannique, alors que le Pakistan musulman et l'Inde hindouiste ne formaient encore qu'un seul pays. Le but était alors de maintenir la paix entre les différentes communautés religieuses du sous-continent.

Mais c'est sous le général Zia-ul-Haq, dans les années 1980, que la question a pris de l'ampleur. Le gouvernement militaire de ce dictateur islamiste a adopté une série de lois, dont une prévoyant la peine capitale en cas d'insulte à l'encontre du prophète Mahomet.

A ce jour, personne n'a été exécuté pour blasphème, la plupart des peines de mort étant commuées de fait en prison à perpétuité. Mais de simples accusations suffisent à provoquer des lynchages meurtriers.

En juin 2017, Mashal Khan, 23 ans, a été battu et blessé par balle avant d'être jeté du deuxième étage de sa résidence universitaire de Mardan (Nord-Ouest) et tué. La police a ensuite déterminé qu'il était innocent des faits de blasphème dont on l'accusait.

Quelles sont leurs conséquences ?

Les organisations internationales de défense des droits de l'Homme voient dans ces lois un outil d'oppression, particulièrement des minorités. Ces dernières années, les lois sur le blasphème ont également été employées pour discréditer dissidents et hommes politiques.

Le sujet est si incendiaire que de simples appels à réformer ces lois ont provoqué des violences. Pour ce genre de commentaires, Salmaan Taseer, le gouverneur du Pendjab, la province la plus riche et la plus peuplée du Pakistan, a été assassiné par son propre garde du corps en 2011.

Quelques mois plus tard, Shahbaz Bhatti, un ministre catholique également opposé à ces lois, a aussi été abattu à Islamabad.

Depuis deux ans, un nouveau groupe extrémiste s'est emparé de cette question sensible et a réussi à faire plier deux gouvernements successifs en organisant des manifestations violentes.

Le parti Tehreek-e-Labaik Pakistan (TLP) -- ou Mouvement au service du prophète -- est devenu un temps l'un des groupes les plus puissants du Pakistan avant d'être affaibli par des arrestations en série.

Sous la gouverne de son leader, Khadim Hussain Rizvi, le TLP a essayé de radicaliser les masses sur cette question, faisant craindre de nouvelles turbulences au Pakistan, à peine sorti d'une décennie de violences extrémistes.

Les dirigeants du TLP ont menacé de "faire disparaître les Pays-Bas de la face de la terre" par l'arme atomique, quand le député anti-islam Geert Wilders a annoncé la tenue d'un concours de caricatures de Mahomet.

Ils ont également appelé à l'assassinat des juges de la Cour suprême et à une mutinerie dans l'armée après l'acquittement d'Asia Bibi.

Qu'attend le Pakistan ?

Les défenseurs des droits de l'Homme réclament de longue date une réforme de ces lois, qui selon eux sont souvent employées dans le cadre de litiges n'ayant rien à voir avec la religion.

Mais leur champ est si vaste que le simple fait de les critiquer peut être perçu comme un blasphème.

Après les meurtres de MM. Taseer et Bhatti, seuls de très rares responsables politiques ont appelé à réformer ces lois, sans y parvenir.

Durant la dernière campagne électorale, qui l'a porté au pouvoir en 2018, le Premier ministre Imran Khan s'était dit "entièrement" favorable aux lois anti-blasphème.

"Aucun musulman ne peut se dire musulman s'il ne croit pas que le prophète Mahomet est le dernier prophète", avait-il ajouté.

Washington a placé en janvier le Pakistan sur une liste noire de pays violant la liberté religieuse. Islamabad a rejeté cette décision qu'il qualifie de politiquement motivée.

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