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Elisabeth Borne a assuré dimanche à l'AFP vouloir "apaiser le pays", après plusieurs semaines de contestation de la réforme des retraites, et détaillé son "plan d'action" afin de donner "rapidement" des "résultats concrets" aux attentes des Français, sur l'école, la santé ou encore "l'ordre républicain".
QUESTION: Etes-vous inquiète du climat général dans le pays, entre les tensions récemment observées dans les manifestations et les affrontements à Sainte-Soline (Deux-Sèvres) ?
REPONSE: "Je ne peux que condamner les violences extrêmes. Vous avez vu à Sainte-Soline des images d’individus qui n'ont d'autre objectif que de blesser les forces de l'ordre. (...) Les organisations syndicales ont été très responsables, il y a un travail qui se fait y compris avec les forces de l'ordre pour que ça se passe bien. Il faut les distinguer des quelques individus violents qui n'ont pas d'autres projets que de mettre le chaos dans la rue. Certains portent aussi le projet de mettre le chaos à l’Assemblée nationale. Et il y a de la tension forcément en lien avec la réforme. Il faut être à l’écoute de cela."
Q: Quelle va être votre feuille de route pour les prochaines semaines ?
R: "J’ai élaboré un plan d’action que je vais déployer sur les trois prochaines semaines qui mobilise l’ensemble des acteurs qui veulent faire avancer notre pays. Je vais travailler avec mes ministres mais aussi avec les parlementaires, les forces politiques, les représentants des associations d’élus locaux, avec les partenaires sociaux. J'ai deux objectifs: apaiser le pays face à ces tensions et accélérer les réponses aux attentes des Français."
Q: Concrètement, sur quoi porteront vos discussions ?
R: "A la fois l’ordre républicain, et tous les enjeux de ré-industrialisation et de plein emploi. Et puis les sujets de santé, d'école, d'écologie. On veut vraiment mettre la priorité sur quelques sujets pour obtenir rapidement des résultats concrets pour les Français. Par exemple sur l’école, c’est tout le travail qu’on mène pour améliorer le lycée professionnel, un enjeu majeur en terme d’égalité des chances. Et puis c’est aussi tenir l’engagement dès la rentrée que chaque absence y compris de courte durée fasse l’objet d’un remplacement. Sur la santé, il y a un très gros travail pour avoir des réponses adaptées, territoire par territoire, alors qu’on sait qu’on ne va pas avoir dès demain matin beaucoup plus de médecins."
Q: Comment espérez-vous continuer à légiférer alors que la réforme des retraites a montré la difficulté à bâtir une majorité stable ?
R: "La méthode qu’on va appliquer, c’est que tout texte présenté par le gouvernement sera discuté, construit en amont avec les groupes de la majorité mais aussi avec ceux qui veulent s’engager sur ces sujets de manière transpartisane. L'objectif est simple: c’est que chaque texte rassemble une majorité.
Depuis le début de la législature, 11 projets de loi ont été définitivement adoptés et 12 propositions de loi. Il y a eu un recours au 49.3 sur trois textes uniquement (les textes financiers et retraites, ndlr). L'objectif que je fixe pour l’avenir, c’est pas de 49.3 en dehors des textes financiers."
Q: Avec une droite fracturée, quelles garanties avez-vous ?
R: "A l’occasion de ce texte sur les retraites, oui il y a des députés au sein des LR qui étaient décidés à voter contre. Mais il y a aussi des députés qui ont tenu et qui étaient prêts à s’engager en cohérence avec ce que porte leur parti depuis des années.
Et sur les textes à venir, on a des sujets moins complexes, moins clivants qui permettront, j’en suis convaincue, de trouver des majorités."
Q: Hormis le projet de loi immigration, d'autres textes vont-ils être mis en pause ?
R: "On a un projet de loi sur la justice, avec une partie qui porte sur les moyens du ministère de la Justice. C’est un texte ambitieux, il faut qu’on voit si on peut le présenter en bloc ou si on doit se centrer sur les mesures qui ont un effet le plus rapide possible pour une justice plus efficace"
Q: Comment comptez-vous renouer le lien avec les syndicats ?
R: "Il faut qu’on mette de l’apaisement. Il est important qu’on puisse se saisir de tous les thèmes mis en lumière à l’occasion de cette réforme des retraites: le sujet du rapport au travail, de la pénibilité, des reconversions professionnelles, des seniors. (…) Je souhaite que les partenaires sociaux aient toute leur place pour apporter des réponses. Je suis convaincue que la bonne méthode, c’est quand les organisations syndicales et les organisations patronales trouvent des accords entre elles et qu’on intervient pour transcrire fidèlement, intégralement, ces accords dans la loi. Il faut systématiser cette méthode, en construisant un agenda, avec les sujets sur lesquels les partenaires sociaux veulent prendre l’initiative, et les sujets sur lesquels le gouvernement souhaite qu’ils puissent avancer."
Q: Que dites-vous aux manifestants ? Rentrez chez vous ?
R: "Ce qu’on dit aux manifestants c’est qu’on entend leurs sujets de préoccupations. Je comprends quand des gens manifestent en disant : +moi, j’ai un métier difficile+. Il y a dans notre projet des réponses sur la pénibilité, une action sur la prévention comme on n’en a jamais faite dans notre pays. Toutes ces réponses, on doit pouvoir en rediscuter avec les organisations syndicales et patronales."
Q: Mais êtes-vous prête à suspendre la réforme, comme le demande le patron de la CFDT Laurent Berger ?
R: "Le Président a proposé de rencontrer l'intersyndicale. Je suis aussi à disposition des partenaires sociaux. Une fois que le Conseil constitutionnel a rendu sa décision, le président doit promulguer la loi. Ca ne retire rien à tous les champs et à toutes les préoccupations qui sont exprimées sur lesquelles on peut bâtir des réponses avec les organisations syndicales et patronales".
Q: Vous sentez-vous fragilisée à votre poste ?
R: "Je ne me pose pas ce genre de question. Je suis au travail et à l'écoute, avec la volonté de concentrer l’action du gouvernement sur les préoccupations des Français. Et avec la volonté d’avoir des preuves tangibles sur l'efficacité de notre action."