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Cinq choses à savoir sur le quotidien Libération

Lancé en 1973, le quotidien Libération a lutté pour survivre en 50 années d'existence, sa porte de plus en plus ouverte aux investisseurs financiers, loin de l'autogestion des débuts.

- Les "années folles" -

Le "journal du peuple pour le peuple" est fondé en février, sous l'égide de Jean-Paul Sartre, avec des maoïstes, comme Serge July, directeur de publication dès 1974, et des libertaires, anciens de mai 1968.

Le premier numéro, 4 pages, est vendu à la criée le 18 avril. "La France bouge, libérons la presse", annonce sa Une. Détenu alors par ses salariés, financé par des dons et des souscriptions, Libé est une coopérative, tout le monde y touche le même salaire.

Les coquilles sont nombreuses, les clavistes n'hésitent pas à insérer leur avis dans certains articles - "Et ta soeur", "Tu l'as dit bouffi"... -, ce qui fait sourire le lecteur mais moins les journalistes, racontent Marie Colmant et Gérard Lefort dans une BD illustrée par Pochep ("Nos années folles"). Le style est libre et corrosif, on raconte les conflits sociaux mais aussi la vie des marginaux, des détenus, "toxicos", prostituées...

Souvent osées, les petites annonces sont gratuites, le courrier des lecteurs bouillonnant. Mais, dès 1978, Libé se débat avec ses pertes. "Le gauchisme et la contre-culture ont cessé d'être des forces créatives", affirme alors July.

- Une éclipse et un tournant -

Entre le 21 février et le 13 mai 1981, Libération suspend sa parution.

Trop de difficultés financières et de crises internes entre les tenants de l'autogestion militante et ceux qui prônent une "professionnalisation" du journal, raconte Pierre Rimbert ("Libération de Sartre à Rothschild"). Au terme d'une assemblée générale de onze heures, le 21 février, un vote mandate July pour procéder au licenciement de l'équipe afin d'en reconstituer une nouvelle.

Il faut une nouvelle formule, pense "le boss", "être résolument moderne". "Enfin l'aventure", annonce le 12 mai son numéro zéro, flanqué du fameux losange rouge.

- La valse des financiers -

La publicité, apparue non sans heurts en 1982, ne suffit pas. Serge July fait appel à des patrons dits "de gauche", Jean et Antoine Riboud, Gilbert Trigano, Claude Alphandéry, pour renflouer les caisses. D'autres, nombreux, succèderont.

Quand Jérôme Seydoux entre au capital en 1996, les salariés n'ont plus que 20% des parts du journal.

En 2005, le banquier Edouard de Rothschild rachète 39%. Un plan de départs et une grève suivent. Serge July est poussé vers la sortie en 2006, de grandes plumes comme Florence Aubenas estiment "qu'un des actionnaires a pris le contrôle du journal" et le quittent.

Entre 1981 et 2005, Libé aura renoncé à trois principes fondateurs : absence de publicité, égalité salariale et autogestion.

Entré au capital en 2014, le milliardaire Patrick Drahi intègre en 2020 le quotidien à un fonds de dotation créé à partir du groupe Altice Média.

En 2022, le milliardaire tchèque Daniel Kretinsky prête 15 millions d'euros au journal.

- L'art du portrait -

Les nécrologies et les portraits de dernière page signent le "style Libé", ils ont assuré au journal ses meilleures ventes, notamment à la mort d'Orson Welles ou de Michael Jackson.

Le livre "Les portraits de Libération" en a réédité 150 en 2010: celui de François-Marie Banier ("le bouquet de narcisse") lance la rubrique le 26 septembre 1994. D'autres aux titres en jeux de mots - marque de fabrique du journal - suivront : Rocco Siffredi ("la bite humaine"), Amy Winehouse ("Soûle sister") ou Mireille Mathieu ("une certaine idée de la frange").

Libé choisit des célébrités mais aussi des gens ordinaires. "Au 19e siècle déjà, +Le Petit Journal+ le faisait avec des commis voyageurs ou des concierges, mais Libération a été le premier à le systématiser", selon Patrick Eveno, historien des médias.

Quand Hergé meurt en 1983, Tintin reporter lui vole la vedette, courant de page en page pour chapeauter chaque article.

- Polémiques et regrets -

Le 17 juillet 1985, Marguerite Duras évoque l'affaire Grégory dans une tribune titrée "Sublime, forcément sublime Christine V." Pour ses détracteurs, comme Françoise Sagan ou Angelo Rinaldi, le texte bafoue la présomption d'innocence de Christine Villemin, l'imaginant meurtrière de son fils retrouvé noyé. D'autres, comme Edmonde Charles-Roux ou Serge July, défendent la liberté de transgression de l'artiste et "la forme hallucinée" du récit.

En 2001, Libération reconnait "son traitement coupable de la pédophilie" à ses débuts, des articles légitimant les relations sexuelles entre adultes et enfants. En 2020, Laurent Joffrin regrette des "excès fort condamnables" que le journal "a mis un certain temps à bannir".

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