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Le président du Kenya est venu au sommet climat de Paris "non pas pour demander de l'aide" aux pays riches, mais pour qu'une réforme de l'architecture financière mondiale permette aux pays en développement de "participer à la solution", a-t-il déclaré jeudi à l'AFP.
"L'architecture financière actuelle est injuste, punitive et inéquitable", affirme William Ruto.
"Les pays du Sud paient jusqu'à huit fois plus d'intérêts que les pays développés parce qu'ils sont considérés comme risqués", rappelle le président kényan, qui veut attirer les investissements privés plus que l'aide au développement.
"Nous sommes fatigués de ce récit" qui dépeint les Africains en "victimes du changement climatique", "cherchant des faveurs" et "se lamentant", explique M. Ruto: "Nous ne demandons pas de l'aide, nous voulons participer à la solution".
Pour y parvenir, défend-il, il faut réformer le FMI et la Banque mondiale, repenser la gestion de la dette des pays en développement et créer de nouvelles taxes équitables au niveau international (transport maritime, aérien ou sur les transactions financières).
Au Kenya, "nous payons environ 10 milliards de dollars chaque année pour honorer notre dette", dit-il. "Si nous l'utilisions au contraire pour le développement du pays, ce serait une redirection immédiate de ressources immenses et cela aurait un impact énorme" sur la transition énergétique, la santé, l'électrification, etc.
Pour cela, il suffit que "l'argent que nous étions censés payer à la Banque mondiale, au FMI et à tous les autres prêteurs, nous le convertissions en une facilité de prêt de 50 ans avec un délai de grâce de 20 ans", explique-t-il.
- "Le monde brûle" -
Face à la crise climatique, "nous ne voulons pas que ce soit au Nord de payer, nous voulons tous payer", assure M. Ruto alors que les promesses non tenues des pays riches ont brisé la confiance avec les pays pauvres, enlisant les négociations climat.
Cette confiance, "nous voulons la réparer en évitant le petit jeu des reproches mutuels".
"Pendant qu'on continue à se pointer du doigt, le monde brûle", souligne-t-il, évoquant le retard de l'humanité pour réduire ses émissions à la hauteur des objectifs de l'accord de Paris, faute d'investissements pour financer le développement à l'écart des énergies fossiles.
"Nous ne voulons pas dire +c'est la faute du Nord, ce sont eux les émetteurs de gaz à effet de serre+. C'est vrai aussi, mais nous ne voulons pas aller sur ce terrain" car "aujourd'hui nous sommes tous dans la m...", lâche-t-il.
D'autres dirigeants africains fustigent pourtant la promptitude du Nord à débloquer des milliards pour l'Ukraine en guerre. "Ce n'est rien comparé à la menace existentielle que pose pour tout le monde le changement climatique", rétorque William Ruto, qui exige de "mettre de côté tous les autres problèmes pour l'affronter ensemble".