Partager:
L'enquête de la justice française pour "agression sexuelle aggravée" visant le cardinal Jean-Pierre Ricard, qui a reconnu des comportements "répréhensibles" avec une adolescente, a été classée sans suite en raison de la prescription des faits, mais une enquête du Vatican se poursuit.
L'ancien archevêque de Bordeaux, aujourd'hui âgé de 78 ans, avait avoué à l'automne dernier dans une lettre à la hiérarchie catholique ses agissements envers une adolescente il y a 35 ans, provoquant un séisme dans l'Eglise de France déjà secouée par plusieurs affaires d'abus sexuels sur mineurs.
"La procédure a été classée pour cause de prescription", a indiqué samedi à l'AFP la procureure de la République de Marseille, Dominique Laurens, confirmant une information de franceinfo.
Mgr Ricard, à la retraite depuis 2019 dans un presbytère des Alpes-de-Haute-Provence (Sud-Est), avait été placé en garde à vue le 2 février par les gendarmes de la section de recherches de Marseille.
- Pendant trois ans -
Devant les enquêteurs, il avait reconnu avoir "embrassé" une jeune fille, qui était "dans son souvenir âgée de 13 ans, l'avoir enlacée et caressée par-dessus les vêtements" mais "il n'y a pas eu de rapport sexuel", a précisé le parquet de Marseille.
Lors de son interrogatoire, et alors qu'il était confronté à sa victime, l'ex-archevêque de Bordeaux (2001 à 2019), président de la Conférence des évêques de France (2001 à 2007), nommé cardinal en 2006 par Benoit XVI, avait reconnu ses gestes déplacés et lui "a demandé pardon".
Ces faits auraient perduré dans le temps, trois ans selon la victime qui avait finalement déposé plainte. Ils se sont déroulés lorsqu'il était en poste à Marseille et ont cessé après son changement de paroisse.
Le 8 novembre, le parquet de Marseille avait ouvert une enquête préliminaire visant Mgr Ricard qui, la veille, avait avoué dans une lettre à la hiérarchie catholique avoir eu un comportement "répréhensible" envers une adolescente.
"Il y a 35 ans, alors que j'étais curé, je me suis conduit de façon répréhensible avec une jeune fille de 14 ans. Mon comportement a nécessairement causé chez cette personne des conséquences graves et durables", avait écrit le cardinal.
Le 11 novembre, le Vatican avait à son tour annoncé l'ouverture d'une enquête préliminaire, toujours en cours, à l'encontre du cardinal. Mgr Ricard avait à ce moment-là présenté sa démission, acceptée par le Vatican, du puissant dicastère (l'équivalent d'un ministère dans le gouvernement du Saint-Siège) pour la doctrine de la foi, chargé notamment des cas de violences sexuelles sur mineurs.
- "Mascarade" -
L'association Be Brave, dont le cofondateur Arnaud Gallais est également membre de la Commission Indépendante sur l'Inceste et les Violences Sexuelles faites aux Enfants (Ciivise), a parlé de "mascarade" et de "simulacre" de justice.
"Un an après le rapport Sauvé, rien n'a changé. Nous exigeons des vastes enquêtes judiciaire et parlementaire sur les faits de pédocriminalité commis par des représentants de l'Eglise", a demandé l'association dans un communiqué, réclamant "l'imprescriptibilité pour tous les faits de pédocriminalité".
Une demande partagée sur Twitter par le sénateur Xavier Iacovelli (groupe Rassemblement des démocrates progressistes et indépendants, majorité présidentielle), pour qui "la justice doit aussi permettre aux victimes de se reconstruire".
"Au-delà de ces faits, nous pensons à la personne victime car ces informations réveillent des choses", a commenté auprès de l'AFP la Conférence des évêques de France.
Les aveux de Jean-Pierre Ricard étaient intervenus au lendemain de l'annonce surprise par l'épiscopat français que 11 évêques ou anciens évêques avaient eu affaire à la justice civile ou la justice de l'Eglise pour des "abus" sexuels ou leur "non dénonciation".
Des révélations qui elles-mêmes étaient officialisées un peu plus d'un an après la publication du rapport Sauvé estimant à environ 330.000 le nombre de victimes de prêtres, diacres, religieux ou personnes en lien avec l'Eglise de France depuis 1950. A son issue, l'épiscopat avait reconnu sa "responsabilité institutionnelle" dans ces violences.