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Premier jour d'audience et premières mises au point : le procès des 13 militants du groupe d'ultradroite des Barjols s'est ouvert mardi par une séance de pédagogie sur "l'indépendance de la justice" et par des récriminations de prévenus liées au fait d'être jugés à Paris.
Au terme de quatre années d'enquête, ces 11 hommes et deux femmes ont été renvoyés en procès pour avoir préparé une "action violente" contre Emmanuel Macron fin 2018 et avoir fomenté des assassinats de migrants ou des attaques contre des mosquées. Aucun des ces projets n'a été mis à exécution.
Poursuivis pour association de malfaiteurs terroriste délictuelle, les prévenus gravitaient tous autour des Barjols, un groupuscule issu d'un groupe Facebook en 2017, adepte de réunions paramilitaires et de la théorie conspirationniste du "grand remplacement".
En raison de la nature des faits et pour lancer ces trois semaines de débats, le président du tribunal a choisi de faire oeuvre de pédagogie à destination de neuf des prévenus qui présentent un casier vierge et, plus généralement, pour récuser le "fantasme d'une justice politique".
"Nous ne faisons pas de politique, nous ne faisons pas de morale mais uniquement du droit", énumère Thomas Jouck.
Cette enquête, ouverte fin octobre 2018, est née dans un contexte très particulier, en pleine éclosion des "gilets jaunes" qui préparent alors leur première grande mobilisation nationale du 17 novembre.
"Dans ce dossier, est parfois invoqué le fantasme d'une justice politique et aux ordres", souligne le président, avant d'ajouter : "Je peux vous assurer de notre indépendance intellectuelle à 200%".
Face à des prévenus proches de la nébuleuse de l'ultradroite, M. Jouck enfonce le clou: "La pensée politique n'est pas une infraction en soi".
- "Chat diabétique" -
D'après l'acte d'accusation, le délit d'association de malfaiteurs en vue de la préparation d'actes de terrorisme reproché aux prévenus -dont un seul comparait détenu- a notamment été caractérisé par ces réunions paramilitaires en 2017-2018 au cours desquelles sont évoqués des projets de putsch ou d'enlèvement d'élus.
Deux prévenus occupent une place particulière dans ce dossier, qui a été correctionnalisé à l'issue de l'enquête.
Interpellé le 6 novembre 2018 avec trois autres prévenus, le militant d'ultradroite Jean-Pierre Bouyer est soupçonné d'avoir joué un rôle moteur dans le projet de s'attaquer à Emmanuel Macron lors des commémorations du centenaire de l'armistice, que le chef de l'Etat menait alors dans l'Est.
Des armes et munitions avaient été retrouvées fin 2018 au domicile de cet ex-garagiste de 66 ans, ancien numéro 2 des Barjols.
Assis à ses côtés sur le banc des prévenus, Denis Collinet, arrêté en mars 2020, est lui le fondateur de ce collectif hostile à l'islam et à l'immigration.
Au premier jour des débats, l'attention s'est toutefois portée sur d'autres prévenus qui habitent loin de Paris et ont fait part de leurs difficultés pour être présents à chaque journée d'audience, au risque de perdre leur emploi.
"Je sais que ça va me pénaliser mais moi je choisis mon travail", lance ainsi Delphine T., dont les explications un brin alambiquées ont le don d'agacer le président. "Excusez-moi mais on n'est pas au salon de coiffure", lui répond-il sèchement.
Son autre coprévenue est, elle, au chômage et son avocat Romain Ruiz met en avant le coût pour sa cliente "d'assumer trois semaines d'audience à Paris". "Ce n'est pas de (son) fait si l'antiterrorisme a été centralisé" dans la capitale, ajoute-t-il.
Julien C. invoque, lui, une raison bien particulière qui l'empêcherait d'assister à son procès en intégralité : un chat "diabétique" et "isolé en Bretagne". "Personne d'autre que moi ne peut l'approcher", assure-t-il, suscitant l'incrédulité du président.
Sa compréhension est bien plus grande s'agissant d'Antoine D., interpellé au tout début de l'enquête et atteint d'un trouble mental. A la barre, le prévenu de 26 ans manque de s'évanouir et confesse avoir "vaguement compris" les accusations qui pèsent contre lui. "Il y a des éléments de fragilité particulière", admet le président du tribunal.