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Le retour du géant pétrolier Chevron, autorisé par Washington à travailler au Venezuela malgré les sanctions économiques, a permis d'augmenter la production du pays sud-américain à 800.000 barils par jour mais il sera difficile d'aller beaucoup plus loin à court terme.
Selon le dernier rapport mensuel de l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP), publié mardi, le Venezuela a enregistré une production de 819.000 barils/jour en mai, six mois après l'octroi de la licence à Chevron.
L'administration de Joe Biden, qui craint notamment les tensions sur le brut en raison de la crise ukrainienne, a permis au géant américain présent historiquement au Venezuela d'y opérer à nouveau malgré les sanctions imposées au pays présidé par Nicolas Maduro que Washington cherche à évincer.
Le Venezuela avait dépassé 800.000 barils en avril pour la première fois en 16 mois. Toutefois, ces chiffres sont à des années-lumière des meilleures périodes de l'industrie pétrolière locale, jadis surnommée la "Venezuela Saoudite".
Le pays qui possède les plus grandes réserves de pétrole au monde produisait 3,2 millions barils/jour il y a deux décennies. Mais, la mauvaise gestion et le manque d'investissements puis les effets de la crise et des sanctions ont fait plonger la production qui a baissé jusqu'à 400.000. En 2022, elle s'élevait à environ 650.000 barils/jour.
Selon Baker Hughes, le pays ne compte que deux plates-formes de forage en activité. Il y a 20 ans, il y en avait plus d'une centaine. Le géant public Petroleos de Venezuela (PDVSA) est également embourbé dans un scandale de corruption qui a conduit à l'arrestation de dizaines de fonctionnaires depuis mars et a contraint le ministre du pétrole, le puissant dirigeant Tareck El Aissami, à démissionner et à disparaître de la vie publique.
Lorsque la licence Chevron a été délivrée, la production des quatre projets conjoints de Chevron et PDVSA "était à son plus bas niveau", à 50.000 barils/jour, explique à l'AFP Pilar Navarro, économiste chez EMFI Securities, basée au Royaume-Uni. "Il est actuellement à environ 120.000 barils/jour", souligne-t-elle, ce qui représente environ 15% de l'offre vénézuélienne.
Mme Navarro souligne que "Chevron a rencontré beaucoup plus de problèmes que prévu", en raison de la politisation de l'industrie et de la détérioration des infrastructures, comme par exemple le mauvais état du canal de navigation stratégique du lac Maracaibo (nord-ouest) qui "limite la taille des pétroliers que Chevron peut utiliser".
En effet, selon le fournisseur de données Argus Media, la compagnie pétrolière américaine a revu ses projections à la baisse, réduisant son estimation de production dans le pays d'ici la fin de l'année de 200.000 barils/jour à 175.000 barils/jour.
- "Statu quo" -
Jusqu'en 2018, avant l'embargo imposé un an plus tard, le Venezuela exportait 500.000 barils/jour vers les Etats-Unis et recevait en retour 120.000 barils de pétrole léger et de diluants qui lui permettaient de traiter son brut qui est lourd.
La licence de Chevron a permis de reprendre l'importation de diluants.
Aujourd'hui, avec les licences accordées à Chevron et à d'autres compagnies pétrolières, les Etats-Unis sont la destination de 24% du pétrole brut vénézuélien, selon les chiffres présentés par Francisco Monaldi, du Baker Institute's Centre for Energy Studies, lors d'un forum organisé par la société de conseil vénézuélienne Ecoanalitica.
La Chine est désormais la principale destination avec 62% des exportations.
Répétant des objectifs du président Maduro, le nouveau ministre du pétrole Pedro Tellechea, veut rapidement atteindre le million de barils par jour.
Le spécialistes sont particulièrement sceptiques.
Il faudrait des "licences plus larges", dit Pilar Navarro, car l'autorisation actuelle de Washington limite pratiquement les opérations de Chevron au paiement des 5 milliards de dette du Venezuela envers l'entreprise.
S'il n'y a pas de nouvel "assouplissement" des sanctions, le plafond de production se situerait autour de 850.000 barils/jour, précise Francisco Monaldi.
L'effet Chevron est "important" pour la fragile économie vénézuélienne, car une fraction des revenus de l'entreprise passe par le marché des changes - malgré les restrictions - pour honorer des engagements en monnaie locale, explique à l'AFP Hermes Pérez, professeur d'université et ancien responsable du bureau des changes de la Banque centrale.
Les Etats-Unis ont renouvelé en mai les licences d'Halliburton, Schlumberger Limited, Baker Hughes et Weatherford International pour opérer au Venezuela, tandis que l'administration de Joe Biden s'est déclarée prête à lever progressivement les sanctions si les négociations entre le gouvernement de Nicolas Maduro et l'opposition aboutissent à des accords en vue d'élections libres lors de la présidentielle de 2024.
Avec le gel des négociations, "je ne vois pas d'incitation à poursuivre l'extension des licences dans le secteur pétrolier vénézuélien, mais je ne vois pas non plus de volonté de la part de l'administration Biden d'augmenter la pression", affirme Mme Navarro qui parie sur un "statu quo".