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Face à des besoins croissants de médicaments issus du plasma sanguin, la France et l'Europe cherchent à réduire leur forte dépendance aux importations américaines, tout en promouvant un modèle "éthique" de don volontaire et non rémunéré.
Si le don de sang est aujourd'hui relativement répandu, on connaît moins le don de plasma, qui contient des protéines et des anticorps indispensables pour de nombreux patients en réanimation ou en déficit immunitaire.
Le sang est principalement composé de globules rouges, de plaquettes et de plasma. Ces trois composants peuvent être administrés séparément aux malades par voie de transfusion sanguine. Mais le plasma sert aussi et surtout à la production de médicaments (immunoglobulines, facteurs de coagulation, albumine...)
Et les besoins sont croissants: le recours à des immunoglobulines croît d'environ 8% par an dans le monde.
"Seuls 35% des médicaments utilisés en France proviennent de plasma collectés sur notre territoire", indique à l'AFP François Toujas, président de l'Etablissement français du sang (EFS), chargé de collecter, préparer et distribuer les produits sanguins. "Nous avons une dépendance très forte vis-à-vis de l'étranger".
Au niveau mondial, 67% du plasma destiné à la production des médicaments est collecté aux États-Unis, "dans des conditions qui n'ont rien d'éthiques", poursuit le président de l'EFS.
- 1.000 dollars par mois -
Outre-Atlantique, les donneurs peuvent donner leur plasma jusqu'à deux fois par semaine, pour gagner jusqu'à 1.000 dollars par mois, s'exposant à des risques pour leur santé, notamment les plus démunis, dénonce ainsi le président de l'établissement français. "Une marchandisation du corps humain que l'Europe rejette", assure François Toujas.
Mais en France, le don, gratuit et limité à 24 maximum par an, reste à ce jour insuffisant pour couvrir les besoins.
"Nous devons accroître notre indépendance car nous ne sommes pas à l'abri d'une pénurie mondiale, d'un protectionnisme aux Etats-Unis ou encore d'un agent infectieux qui verrait le jour et rendrait le plasma américain inutilisable", énumère Cathy Bliem, directrice générale de la chaîne transfusionnelle, thérapies et développement de l'EFS.
Un enjeu de souveraineté sanitaire qu'a aussi mis en exergue la récente crise du Covid.
Mais comment y parvenir? L'EFS cède le plasma collecté au Laboratoire français du fractionnement et des biotechnologies (LFB, détenu à 100% par l'Etat). La construction d'une nouvelle usine à Arras (nord) devrait permettre, dans quelques années, de tripler les capacités de production, pour approcher les 3 millions de litres.
"On va avoir une superbe usine mais si on n'a rien pour l'alimenter, si les dons n'augmentent pas, qu'est-ce que cela va changer ?", redoute Jean-Philippe Plançon, président de l'association des neuropathies périphériques (des maladies neurologiques auto-immunes).
La semaine prochaine, l'EFS va lancer une campagne de communication pour mieux faire connaître le don de plasma. Un peu plus long qu'un don de sang, il doit se faire dans des "maisons du don", sur rendez-vous.
- Fréquence maximale -
"Il faut se demander comment on peut sensibiliser de nouveaux donneurs: si cela passe par une compensation financière pour le temps consacré à ce geste, pourquoi pas ?", lance Jean-Philippe Plançon. "Tout va dépendre de la règlementation qui va encadrer le don".
En Europe, une proposition de règlement sur les substances d'origine humaine ("SoHo") --cellules, tissus, sang, plasma-- est en effet en cours d'examen par le Parlement européen.
"C'est un dossier très technique qui va compter pour les vingt années qui viennent", dit à l'AFP l'eurodéputée française Nathalie Colin-Oesterlé (PPE, centre-droit), rapporteure du texte.
Aujourd'hui certains pays comme la Hongrie, l’Allemagne ou la République Tchèque contournent régulièrement le principe du don volontaire et non rémunéré en offrant des compensations aux donneurs. Sans pour autant pouvoir se passer du plasma américain.
Le futur texte définira une fréquence maximale autorisée pour donner son plasma. "Le but est de garantir la sécurité sanitaire la plus élevée et de se préparer à d'éventuelles futures pandémies", explique Mme Colin-Oesterlé.
"Le Danemark et la Belgique sont presque devenus autosuffisants en développant leurs centres de collecte, en y mettant les moyens, en formant le personnel... Il y a toute une politique à mettre en place pour élargir la base de donneurs sans passer par des incitations financières", juge Mme Colin-Oesterlé.