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Élections en Thaïlande: ultimes démonstrations de force avant "un jour historique"

Bouquet final avant "un jour historique" en Thaïlande : les partis d'opposition ont rassemblé vendredi leurs soutiens par milliers, à deux jours des élections législatives que le gouvernement sortant proche de l'armée aborde en position délicate, après une quasi-décennie au pouvoir.

Dimanche sera "un jour historique qui verra la Thaïlande passer du pouvoir de la junte à celui de la démocratie", a lancé Paetongtarn Shinawatra, la favorite du scrutin, sous la bannière rouge de Pheu Thai.

Devant environ 10.000 de ses partisans, dans une salle près de Bangkok, la fille de l'ancien Premier ministre Thaksin Shinawatra a fait une ultime démonstration de force, en conclusion d'une campagne qui a ravivé les divisions au sein du royaume.

Les sondages propulsent l'opposition réformiste, incarnée par Pheu Thai et "Aller de l'avant" (Move Forward), loin devant le Premier ministre conservateur Prayut Chan-O-Cha, installé depuis un coup d'Etat en 2014.

Le gouvernement sortant, soutenu par les élites traditionnelles, suscite un rejet croissant, entre conjoncture économique en berne et recul des libertés fondamentales, qui devrait pousser les 52 millions d'électeurs à se rendre en masse aux urnes, selon des experts interrogés par l'AFP.

Mais remporter une majorité à la chambre basse du Parlement ne signifie pas forcément gouverner.

Le système électoral, jugé favorable aux militaires qui l'ont concocté, contraint l'opposition à remporter une très large victoire, un scénario difficile à réaliser qui pourrait limiter l'ampleur de l'alternance attendue.

- "Trou noir" -

Pheu Thai, qui fait campagne sur le thème du "raz-de-marée électoral", a organisé un show pour le retour sur scène de Paetongtarn Shinawatra, moins de deux semaines après son accouchement.

L'héritière, âgée de 36 ans, du richissime clan qui clive la vie politique thaïlandaise depuis plus de vingt ans, a affiché un grand sourire, avant de distiller les attaques contre Prayut Chan-O-Cha.

"A chaque fois que nous sommes au gouvernement, nous améliorons la vie des gens", a-t-elle assuré.

Pheu Thai promet en particulier d'atteindre un taux de croissance économique de 5% dès l'an prochain, soit le double de celui de 2022.

"Dans deux jours, une nouvelle histoire va être écrite. C'est le jour où les Thaïlandais vont sortir du trou noir dans lequel ils sont piégés depuis huit ans", a renchéri à la tribune Srettha Thavisin, l'autre candidat du parti.

"Aller de l'avant", qui a réuni des milliers de personnes à Bangkok, incarne l'autre bulletin de contestation du pouvoir.

Ce mouvement, qui se veut le porte-voix de la nouvelle génération, défend une réécriture de la Constitution qu'elle jue être à l'avantage de l'armée et de la monarchie, un point qui lui vaut des attaques récurrentes du camp conservateur et des menaces de dissolution.

"Nous ne voulons pas que le pays change drastiquement", a rappelé Prayut Chan-O-Cha, devant près de 7.000 de ses soutiens réunis dans un palais des congrès de Bangkok.

L'ancien général âgé de 69 ans a continué de vanter son expérience, synonyme de stabilité, selon lui, dans une période de crises, entre Covid-19 et manifestations pour la démocratie de 2020.

"Je suis prêt à faire des sacrifices et à travailler dur pour le peuple thaïlandais", a-t-il martelé.

- Pas de putsch -

Le système électoral oblige l'opposition à décrocher une vaste majorité à l'Assemblée nationale (500 députés) pour contourner le poids du Sénat (250 sénateurs) dont les membres sont nommés par l'armée et qui participe également à la désignation du Premier ministre.

Ce mécanisme, jugé partial par les organisations de défense des droits humains, garantit à l'armée "une avance non négligeable qui a déjà été payante aux élections de 2019" ayant légitimé le pouvoir de M. Prayut, rappelle Eugénie Mérieau, enseignante-chercheuse à l'Université Paris 1.

L'armée, autoproclamée gardienne des institutions, a promis de ne pas s'ingérer dans le processus.

La défaite attendue du Premier ministre sortant a réveillé le spectre d'un putsch militaire dans un royaume qui en a connu une douzaine depuis la fin de la monarchie absolue en 1932.

Le terme de coup d'Etat "doit être supprimé du dictionnaire", a insisté jeudi le commandant en chef de l'armée, le général Narongpan Jitkaewthae.

Prayut Chan-O-Cha a manoeuvré en 2014 pour renverser le gouvernement élu de Yingluck Shinawatra, la tante de Mme Paetongtarn. Le précédent putsch, qui remontait à 2006, avait alors abouti à évincer du pouvoir Thaksin, le père de l'actuelle candidate.

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