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Inexpérimentés mais "disciplinés": des Japonais engagés volontaires en Ukraine

"Je ne vaux rien au Japon": Yuya Motomura, gérant d'une salle de mah-jong se sentant méprisé par la société nippone, rêvait depuis toujours de prouver sa valeur. Comme quelques autres Japonais, il est parti en Ukraine pour combattre l'invasion russe.

Nombre de volontaires étrangers ayant rejoint les forces ukrainiennes depuis l'an dernier sont d'anciens militaires de leurs pays d'origine, aguerris au combat.

Mais les Japonais, eux, sont des bleus en la matière: l'armée nippone, que la Constitution pacifiste du pays cantonne à un rôle exclusivement défensif, n'a plus participé à un conflit depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale.

Et Tokyo, comme les autorités d'autres pays, déconseille vivement à ses ressortissants de se rendre en Ukraine depuis le début des hostilités.

Malgré ces obstacles, M. Motomura, 45 ans, a immédiatement désiré combattre pour l'Ukraine, impressionné par la volonté du président ukrainien Volodymyr Zelensky de résister coûte que coûte dès le début de l'invasion russe en février 2022.

"J'ai toujours eu le sentiment d'être quelqu'un de plus socialement conscient que les autres ne le pensent. En combattant pour l'Ukraine, je pourrai le prouver autrement qu'en paroles", avait-il déclaré à l'AFP en avril, peu avant de partir s'engager à Kiev.

- "Très motivés" -

Il s'était rendu sur place une première fois deux mois après le début de l'invasion russe, d'abord pour livrer des provisions aux réfugiés et évacués.

Au bout de plusieurs séjours, il a été accepté dans la Légion géorgienne, une unité de la Légion internationale pour la défense territoriale de l'Ukraine qui regroupe des combattants volontaires étrangers.

Son intégration a été facilitée par un autre membre nippon de cette unité, un ancien yakuza se faisant appeler Haru-san.

La légion géorgienne, qui comprend des volontaires de 33 nationalités, compte actuellement huit Japonais, déclare à l'AFP le commandant de cette unité, Mamouka Mamoulachvili.

"Ils sont très motivés, très disciplinés, et ils intègrent facilement la formation qu'ils suivent actuellement", commente cet officier interrogé par l'AFP.

M. Motomura a dit avoir reçu le soutien à titre personnel de nombreux membres des Forces d'autodéfense japonaises, l'armée nippone, dont un ancien membre est mort au combat en Ukraine en novembre dernier, selon le gouvernement nippon.

"Je pense que beaucoup de gens dans ce pays se sentent frustrés" par la Constitution pacifiste, a estimé M. Motomura.

- "Me rendre utile" -

D'autres Japonais ont suivi son exemple, comme Kenjiro Miyamori, un ancien cuisinier.

"Je suis sûr qu'il y a beaucoup d'hommes en Ukraine qui ne veulent pas aller au front mais qui doivent le faire pour leurs proches. Je veux remplacer l'un d'entre eux et me battre pour leur pays", a déclaré M. Miyamori à l'AFP dans un entretien vidéo depuis l'Ukraine.

Il a également cité son divorce et la séparation d'avec son fils de trois ans parmi les raisons qui l'ont poussé à faire ce choix. "Je pense qu'il y a beaucoup de gens comme moi".

M. Motomura admet lui aussi que ses motivations sont en partie liées à sa situation personnelle et à une enfance chaotique, marquée par la dislocation de sa famille et son décrochage scolaire à l'âge de dix ans.

A Maebashi, dans le département de Gunma (centre du Japon), il gérait une salle de mah-jong, un jeu de société chinois, dormant la journée et vivant séparé de ses deux enfants et de leur mère.

"Si j'avais de l'argent et que ce commerce marchait bien, je ne partirais pas", expliquait-il tout en préparant ses bagages, qui comprenaient notamment des tenues de camouflage.

"Je ne vaux rien au Japon, mais j'espère ramener quelque chose d'Ukraine".

Depuis qu'ils sont arrivés en Ukraine en avril, Yuya Motomura et Kenjiro Miyamori n'ont pas encore été envoyés au front. Ils restent vagues sur la nature de leurs entraînements, se contentant de parler de courses et d'autres exercices.

M. Motomura dit ne pas encore savoir quand il sera envoyé au front, ni même s'il le sera un jour. Mais il assure ne pas regretter sa décision.

Le simple fait de voir des Japonais rejoindre leurs rangs peut "encourager" les Ukrainiens, déclare-t-il à l'AFP depuis Kiev.

"J'espère me rendre utile dans ce pays. En ce sens, je me sens déjà comblé".

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