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La créativité dans l'animation japonaise s'essouffle, estime l'un de ses "shoguns"

La puissante industrie de l'animation japonaise risque d'être "dépassée" par la concurrence chinoise, car sa préférence de plus en plus marquée pour des genres lucratifs étouffe sa créativité, prévient Masao Maruyama, un vétéran estimé du secteur, dans un entretien à l'AFP.

"Les restrictions de la liberté d'expression" en Chine sont "l'unique raison" pour laquelle le géant asiatique "n'a pas encore rattrapé le Japon" dans l'animation, estime-t-il.

L'animation nippone cherche trop à exploiter le filon commercial de ses personnages féminins "kawaii" (mignons) et néglige d'encourager de nouveaux talents avec un regard différent, alors que la Chine, elle, couve ses jeunes créateurs, pense-t-il.

Ce risque d'homogénéisation de l'animation japonaise affaiblit aussi sa créativité par rapport au géant américain Disney ou à l'animation française, selon lui.

N'étant ni réalisateur ni dessinateur, M. Maruyama est inconnu du grand public et, à 81 ans, il reconnaît volontiers que sa carrière touche bientôt à sa fin. Mais la diversité des rôles qu'il a joués en coulisses depuis près de 60 ans lui a valu une réputation de "shogun de l'ombre" dans l'animation nippone, comme ces généraux qui tiraient les ficelles du pouvoir au temps du Japon féodal.

- "Héritier" d'Osamu Tezuka -

Il est entré dans le monde de l'animation dans les années 1960 sous l'aile du "dieu du manga" Osamu Tezuka.

C'est en partie le désir de continuer à faire vivre les œuvres de M. Tezuka qui a persuadé M. Maruyama de se lancer dans son projet actuel, "Pluto", adapté du manga de Naoki Urasawa du même nom, lui-même dérivé de l'univers d'"Astro Boy", la plus célèbre création de Tezuka.

Il est directeur exécutif de cette série à venir sur Netflix, imprégnée de thèmes tels que la guerre et les discriminations, en résonance avec les turbulences du monde contemporain.

M. Maruyama se considère comme "l'héritier le plus authentique de l'ADN de Tezuka", qu'il s'agisse de son ignorance totale des budgets ou de son éthique de travail intransigeante. Comme M. Tezuka aussi, "je fais tout le temps volte-face, je dis le contraire de ce que j'ai dit la veille", s'amuse-t-il.

"Mais créer des œuvres, c'est se mettre au défi de faire quelque chose de neuf, indépendamment de ce que l'on a dit dans le passé. Cela vous rend égoïste d'une certaine manière, et c'est un trait de caractère (de Tezuka, NDLR) dont j'ai hérité à l'état pur", affirme-t-il.

- "Cuisine et nettoyage des toilettes" -

M. Maruyama a contribué à donner naissance à des centaines de séries et films d'animation, dont la saga de boxe "Ashita no Joe", le film médiéval-fantastique "Ninja Scroll" (1993) ou encore le drame historique "Dans un recoin de ce monde" (2016), acclamé par la critique.

Sa stratégie a toujours consisté à exercer son influence pour promouvoir des réalisateurs qui méritaient selon lui d'être reconnus, explique à l'AFP Masahiro Haraguchi, un spécialiste de l'histoire de l'animation japonaise.

De Mamoru Hosoda ("Summer Wars", "La Traversée du Temps") à Satoshi Kon ("Perfect Blue", "Paprika") en passant par Sunao Katabuchi ("Dans un recoin de ce monde"), beaucoup des plus grands noms de l'animation japonaise ont d'abord travaillé sous sa tutelle, rappelle ce chercheur.

"La magie" de M. Maruyama a consisté à faire grandir ces réalisateurs sans pour autant les dénaturer, résume M. Haraguchi. "Je n'ai pas de talent particulier", estime l'intéressé, assurant en plaisantant ne s'occuper "que de la cuisine et du nettoyage des toilettes".

Mais chaque studio d'animation qu'il a créé et supervisé - Madhouse, MAPPA et M2 - porte sa marque. Leur première lettre commune "M" n'est pas qu'une allusion à son nom, mais aussi à son "masochisme" dans le travail, confie M. Maruyama dans un large sourire.

"Plus un projet est difficile, douloureux, accablant, plus ça me motive", lance-t-il, espérant rester impliqué "aussi longtemps que mon corps et mon esprit me le permettront". Il a organisé l'an dernier ses propres fausses funérailles joyeuses, le visage peint en blanc comme un fantôme pour amuser ses amis et collègues. "Je me suis dit à ce moment-là: +J'ai eu une bonne vie+".

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