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Le blocage politique se poursuit au Pérou, où après avoir subi trois échecs consécutifs la présidente Dina Boluarte va de nouveau demander au Parlement d'avancer les élections, dans l'espoir de calmer la contestation qui fait rage depuis sept semaines.
Au terme de cinq heures de débat mercredi au Parlement, 68 députés se sont prononcés contre l'organisation d'élections anticipées en décembre 2023, 54 ont voté pour et deux ont voté blanc. Les députés de gauche ont salué ce rejet par des applaudissements et des cris de victoire.
Le projet avait été présenté par le parti de droite Fuerza Popular, mais il avait le soutien de la présidente de gauche Dina Boluarte. Il préconisait d'avancer le scrutin prévu en avril 2024 à la fin de l'année, espérant ainsi calmer la contestation qui a fait 48 morts en sept semaines.
C'est la troisième fois depuis décembre que le parlement refuse d'avancer l'élection à 2023. Après le nouveau rejet de mercredi, la présidence a annoncé qu'elle allait présenter "immédiatement" un nouveau projet pour avancer le scrutin.
Les manifestants réclament la démission de Dina Boluarte, mais également la dissolution du Parlement, largement discrédité dans l'opinion publique, des élections générales et une Assemblée constituante.
- "Bombe à retardement"
Les troubles ont éclaté après la destitution et l'arrestation le 7 décembre du président de gauche Pedro Castillo, accusé d'avoir tenté un coup d'Etat en voulant dissoudre le Parlement qui s'apprêtait à le chasser du pouvoir. La vice-présidente Dina Boluarte, que les protestataires considèrent comme une "traîtresse", l'a alors remplacé.
"C'est un divorce total entre la classe politique et les citoyens. C'est une bombe à retardement, le pire scénario qui pouvait arriver au pays, avec une présidente qui ne démissionnera pas, et un Parlement qui a l'intention de continuer comme si de rien n'était" a estimé Alonso Cardenas, professeur de Sciences politiques à l'Université Antonio Ruiz de Montoya à Lima.
Dimanche, Mme Boluarte avait tenté de mettre la pression sur le Parlement, parlant de "responsabilité historique".
Le Parlement est divisé en plus de dix forces politiques, sans compter les indépendants. Aucun parti n'a la majorité absolue et chaque vote doit faire l'objet de négociations et d'alliances.
La gauche, qui a voté contre les élections anticipées, veut associer tout nouveau scrutin à un référendum sur une nouvelle Constitution. Cette question est un des principaux points de discorde au sein du Parlement.
Les protestations, avec des blocages de routes et des manifestations, se poursuivent dans plusieurs régions du pays.
- "Lutte du Pérou profond" -
Plusieurs centaines de personnes ont défilé mercredi dans le calme à Lima, lors d'un rendez-vous désormais quotidien dans le centre de la capitale.
C'est "la lutte (du Pérou) profond qui nourrit le pays. Nous voulons la démission de Dina Boluarte et des élections en avril", dit Cintya Huancco, ingénieure agronome, qui manifeste habillée en tenue colorée traditionnelle aimara, une ethnie de la région de Puno à la frontière bolivienne.
Dans la région andine centrale de Junin, des dizaines de résidents ont bloqué l'autoroute centrale et les rues de la ville de Huancayo, à quelque 300 km de Lima.
Sur le plan économique, la mine de cuivre de Las Bambas, qui appartient au consortium chinois MMG, a suspendu ses activités mercredi en raison des blocages routiers.
Las Bambas, situé à 4.000 mètres d'altitude, pèse environ 15% de la production de cuivre du Pérou, le deuxième plus grand producteur mondial de ce minerai après le Chili. Elle contribue à 1% du PIB du pays.
Son volume de production de près de 400.000 tonnes est équivalent à 2% de la production mondiale de cuivre.
Après avoir été retardé de quinze jours à cause des protestations, le championnat péruvien de football va finalement démarrer vendredi, mais dans des stades sans public, a annoncé la Fédération.