Accueil Actu Monde International

Réforme de la PJ: Darmanin modifie à la marge son projet, colère des enquêteurs

Gérald Darmanin a confirmé vendredi l'entrée en vigueur fin 2023 de sa réforme de la police nationale en amendant à la marge son volet le plus controversé sur la police judiciaire (PJ), qui suscite toujours la colère des enquêteurs.

Le ministre de l'Intérieur est resté ferme. Sur le calendrier d'abord, il a rejeté la proposition du Sénat d'instaurer un moratoire jusqu'à la fin des Jeux olympiques et paralympiques de 2024 et confirmé sa mise en place fin 2023.

"Ça fait trente ans qu'on est en période de moratoire. L'objectif est d'être prêt pour les JO", a-t-on justifié place Beauvau.

M. Darmanin n'a pas renoncé non plus à la mise en place d'un directeur départemental de la police nationale (DDPN), malgré les critiques sur cet échelon jugé "inadapté" aussi bien par les enquêteurs de la PJ que par les magistrats et les parlementaires.

Son projet initial prévoyait de placer tous les services d'un département - renseignement, sécurité publique, police aux frontières (PAF) et PJ - sous l'autorité d'un seul DDPN, dépendant du préfet.

Plutôt que de renoncer à cet échelon, le ministre a créé des directeurs interdépartementaux de la police nationale (DIPN) qui auront autorité sur la PJ et la PAF de plusieurs départements. La création de ces DIPN, a justifié Beauvau, est une réponse "aux craintes" exprimées dans la PJ et la PAF qui conserveront ainsi "la plénitude de leurs compétences actuelles".

- "Très confus" -

Les DDPN garderont ainsi sous leur coupe la sécurité publique et le renseignement. Mais dans certains départements, (Finistère, Dordogne...), ils auront aussi autorité sur la PJ.

Cet ajustement, dans une réforme censée simplifier l'organisation de la police en mettant fin aux "silos" (organisation selon les filières, ndlr), n'a guère suscité d'enthousiasme.

"Tout cela est très confus", a réagi auprès de l'AFP un commissaire de PJ, "ce sera très compliqué à expliquer aux agents et ça risque de susciter encore beaucoup d'incompréhension".

Le président de l'Association nationale de la police judiciaire (ANPJ) Yann Bauzin a fait part à l'AFP de son "écoeurement".

"Le projet n'a pas changé du tout", a-t-il dit. "En juin, on nous parlait déjà de services interdépartementaux de la police (SIDPN). Le DIPN c'est juste un changement de sigle mais c'est une fumisterie (...) C'est incohérent du début à la fin".

"Tu annonces une réforme pour simplifier les structures et au final tu aboutis à un truc encore plus complexe", s'est agacé auprès de l'AFP un enquêteur de la PJ, pour qui "rien n'est résolu tant que tu as le préfet qui a autorité sur la PJ".

Et de pronostiquer "un chaos administratif sans précédent avant de grosses échéances (JO-2024)".

- Particularités -

Grégory Joron, du syndicat Unité SGP police, a relevé une "ouverture" puisque M. Darmanin a pris en compte leurs "deux lignes rouges en ouvrant un échelon supradépartemental et en garantissant un budget propre à la PJ".

"Mais nous restons inquiets sur l'état de la filière investigation dans son ensemble, avec de nombreux collègues qui sont en souffrance", a-t-il dit à l'AFP.

La réforme avait pour objectif de résorber le stock faramineux d'affaires non résolues dans les services d'investigation de la sécurité publique.

Pour le syndicat Alliance, Fabien Vanhemelryck s'est félicité que "les spécificités et compétences de la PJ" aient été "préservées". Quant à Thierry Clair (Unsa), il a salué le fait que la PJ "conservera son budget". "C'est important pour son fonctionnement", a-t-il dit à l'AFP.

Une carte sur l'articulation des DIPN et des DDPN a été diffusée vendredi. Avec des particularités étonnantes, dans le Nord et le Pas-de-Calais, terre électorale de Gérald Darmanin, mais aussi dans la zone de Marseille.

Les DIPN de Lille et d'Arras ont ainsi compétence sur la PJ dans les deux départements. "Nous avons tenu compte de la spécificité de ce bassin de criminalité", a-t-on expliqué au ministère.

La DIPN de Marseille, où les Pjistes se sont montrés très hostiles à la réforme, va gérer quant à elle la PJ des Alpes-de-Haute-Provence et des Hautes-Alpes, mais pas celle des départements limitrophes du Var et de Vaucluse.

À lire aussi

Sélectionné pour vous