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Tragédie de Juarez: le Mexique, garde-frontière des Etats-Unis face au "sale boulot"

Le Mexique doit assumer les politiques migratoires restrictives des Etats-Unis, quitte à faire le "sale boulot" de son grand voisin, estiment des experts après la mort de 39 migrants dans la ville frontalière Ciudad Juarez.

Au-delà des cinq premières arrestations jeudi dans l'enquête pour "homicide", le drame apparaît comme la conséquence de la "pression" des "politiques" américaines, résume la spécialiste des questions migratoires, Eunice Rendon.

- Pourquoi autant de migrants au Mexique? -

Combien sont-ils? De plus en plus nombreux, même si le chiffre est sans rapport avec la Turquie, qui accueille près de quatre millions de réfugiés et migrants après la guerre civile en Syrie.

"Entre janvier et novembre 2022" un total de "388.611" personnes en situation irrégulière a été enregistré au Mexique, "en hausse de 34,3%" par rapport à l'année précédente, d'après le gouvernement.

Après des milliers de kilomètres, les migrants sans visa -dont des Mexicains- se heurtent à un mur physique, humain (les garde-frontières) et juridique le long des quelque 3.000 km de frontière entre le Mexique et les Etats-Unis.

Rien qu'en novembre dernier, les autorités américaines ont appréhendé 206.239 migrants à la frontière, un record en plus de 20 ans, d'après le centre de recherche américain Pew Research.

63% d'entre eux venaient de pays autres que le Mexique ou le triangle d'Amérique centrale (Guatemala, Salvador, Honduras), tels que la Colombie, Cuba, le Nicaragua, Pérou et le Venezuela.

Au total, 32% ont été expulsés par la voie rapide, en vertu du titre 42 mise en place par Donald Trump en mars 2020 sous prétexte de pandémie.

Le titre 42, qui pourrait être levé en mai, a permis aux Etats-Unis d'expulser plus de deux millions de migrants en trois ans. La plupart par voie terrestre vers le Mexique.

L'administration Biden encourage les migrants au Mexique à envoyer leur demande d'asile à travers une application mobile (CBP One).

Conséquences: les migrants étrangers vivent dans une impasse dans des villes frontalières (Tijuana, Juarez, Matamoros), sans emploi ni ressource, avec parfois des problèmes de "santé mentale" selon Rendon.

Les auberges et centres d'accueil sont débordés et des migrants vivent à la rue, au risque de frictions avec les populations locales.

- Que fait le Mexique pour les Etats-unis? -

L'année dernière, le Mexique "a encore collaboré avec les États-Unis pour mettre en œuvre des mesures adoptées par son voisin qui portaient atteinte au droit d’asile et au principe de +non-refoulement+", accuse le rapport d'Amnesty international paru ces jours-ci.

"Les autorités mexicaines ont placé en détention au moins 281.149 personnes dans les centres surpeuplés des services de l’immigration et expulsé au moins 98.299 personnes", détaille Amnesty.

Depuis 2019, le gouvernement mexicain a déployé plus de 20.000 militaires le long de sa frontière sous la menace de sanctions économiques du gouvernement de Donald Trump.

A son arrivée au pouvoir, le président de gauche nationaliste Andres Manuel Lopez Obrador a tenté d'appliquer une politique "plus humaniste", avec l'octroi du droit d'asile (le Mexique a enregistré 118.478 demandes en 2022).

Son gouvernement demande aux Etats-Unis de s'attaquer aux racines du problème de la migration, dont la pauvreté, dans les pays de départ.

Prêchant par l'exemple, Mexico finance deux programmes de coopération internationale au Honduras et au Salvador, avec 40.000 bénéficiaires dans des zones rurales.

- Et maintenant? -

D'autres pays "négocient" leur "mauvais rôle" de chiens de garde migratoire, souligne l'analyste politique Carlos Bravo Regidor sur la chaîne d'information ForoTV.

Allusion sans doute à l'accord signé entre l'Union européenne et la Turquie en mars 2016. Bruxelles s'engageait à verser des milliards d’euros pour aider la Turquie à accueillir 3,5 millions de Syriens.

Le président mexicain a su rentabiliser son rôle pendant la pandémie, quand le Mexique a reçu des vaccins des Etats-Unis.

La spécialiste des migrations Rendon suggère que les accords bilatéraux Mexique/Etats-Unis dans la lutte contre le trafic de drogues se traduisent également en "ressources" pour les autorités et les ONGs face aux migrants.

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