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"Des squatteurs et des toxicomanes" s’introduisent sans arrêt dans son immeuble à Liège: "Ils ont saccagé deux appartements", déplore Julie, désemparée

Pendant plusieurs semaines, Julie a été confrontée à une situation infernale. Propriétaire d’un immeuble à appartements dans le centre de Liège, elle a dû se battre contre les intrusions à répétition de "squatteurs" et de "toxicomanes" dans son bien. Plusieurs commerces et cafetiers du quartier ont également été cambriolés à plusieurs reprises. La police confirme l’existence d’un "réel" problème. Mais quelles sont les démarches entreprises pour lutter contre ce phénomène ? 

"J’ai vécu l’enfer. Je voyais mon bâtiment se dégrader de jour en jour", confie Julie, propriétaire d’un immeuble dans le centre de Liège. Désemparée, cette mère de famille de 39 ans nous a contactés via le bouton orange Alertez-nous pour dénoncer une situation exponentielle en termes de gravité.

Originaire de la cité ardente, Julie n’y habite plus depuis plusieurs années. Mais elle possède une maison située dans le centre-ville. "Elle a été rénovée rubis sur ongle il y a 10 ans. La façade est classée. On est sur quelque chose de cossu. Au rez-de-chaussée, le bâtiment est occupé par trois commerces tout à fait corrects, de très bons locataires. Les sept appartements sont loués en appart-hôtel. Tout va bien sauf que la ville de Liège en termes de sécurité ne va pas dans le bon sens", regrette la trentenaire. 

"Ils ont installé un point de deal dans la cave"

Il y a quelques semaines, Julie est confrontée à un problème qui se répète et s’aggrave. Malgré les sécurités mises en place, des "toxicomanes" et des "squatteurs" ne cessent de s’introduire dans son immeuble. "Un jour, l’un des commerces a été cambriolé et un nouveau groupe de toxicomanes a cassé la nouvelle porte, installé un point de deal dans la cave et brisé au pied de biche deux appartements qui ont été rénovés à neuf. On allait chaque jour ou chaque deux jours réparer la porte qui est une porte métallique avec un filet en verre", explique Julie. 

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Un soir, un locataire la contacte pour lui signaler la présence par effraction d’un groupe d’hommes dans les appartements. "J’ai appelé la police mais la standardiste m’a dit que ce n’était pas une urgence et qu’une patrouille viendrait le lendemain. Le jour suivant, j’ai attendu 4 heures sur place avec des seringues au sol, une porte d’entrée fracturée et la police n’est jamais venue", regrette-t-elle. 

"On les retrouvait en train de dormir ou de déféquer dans les communs"

Pour Julie, la situation est d’autant plus compliquée à gérer qu’elle n’habite plus à Liège et doit se déplacer pour arriver sur place. Désemparée, elle demande l’aide de son locataire du rez-de-chaussée commercial."Il a lui-même été cambriolé deux fois dans la même semaine sans intervention de la police. C’était une situation insensée. On ne pouvait pas faire justice nous-mêmes. Et la police nous envoyait sur les roses", déplore la trentenaire. 

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Ce locataire lui envoie régulièrement des vidéos pour la tenir informée. "Un jour, il constate que la porte est à nouveau fracturée. S’attendant à voir comme tous les jours des squatteurs ou des drogués en train de dormir ou de déféquer dans les communs, il filme et il se rend compte qu’il s’agissait d’enfants d’une dizaine d’années qui étaient réfugiés entre la porte de la cave et l’ascenseur", assure Julie, choquée par ces images. "A ce moment-là, j’ai carrément mis en demeure la ville de Liège en disant que non seulement ils ne protégeaient pas les biens, mais là, il s’agissait de non-assistance à enfants en danger. Et ces enfants je ne les ai pas retrouvés". 

Après deux semaines angoissantes, une bonne nouvelle

Après plus de deux semaines stressantes et chaotiques, la mère de famille reçoit enfin une bonne nouvelle. "L’inspecteur principal de Liège a pris contact avec moi. Et il est venu début décembre sur place avec une équipe en uniformes. Lors de cette visite, nous n’avons trouvé personne dans le bâtiment, mais ils ont constaté les dégâts dans les appartements", indique Julie, enfin soulagée. "Ce policier semblait enfin prendre les choses à bras-le-corps. Je me suis sentie entendue et protégée", confie-t-elle. 

D’après la propriétaire, l’inspecteur lui promet de mettre en place une surveillance accrue du bâtiment. "Apparemment, les policiers sont coutumiers de la situation à Liège. Selon eux, quand des squatteurs prennent possession d’un lieu, c’est très difficile de les en déloger". 

Une fouille journalière de la police 

Le porte-parole de la police locale de Liège confirme avoir effectué cette "première fouille" dans la maison de Julie. "Aucune infraction n’a été constatée sur place, mais il y avait des traces de consommation de drogue. La problématique a donc été confirmée par nos services de police", indique Benoît Ferrière. "Suite à cette visite, nous avons organisé une fouille journalière du bâtiment avec une patrouille pour voir s’il y avait une récidive", ajoute-t-il.

Visiblement, le remplacement du verrou de la porte avec un système plus performant est efficace. Julie réactive aussi le digicode et appose un cadenas à la porte de la cave. Selon une première évaluation mi-décembre, il n’y a aucune nouvelle intrusion. 

Des conseils pour sécuriser votre habitation 

Quelques jours plus tard, la propriétaire fait également appel au service techno-prévention de la police de Liège. "Tout citoyen peut contacter cette équipe qui inspecte votre domicile pour pointer d’éventuels failles dans la sécurisation de votre bâtiment. Ces policiers donnent des conseils qui ne sont pas forcément des alarmes onéreuses. Des petites choses peuvent permettre de sécuriser grandement votre habitation. Et cette propriétaire a reçu la visite de ce service", assure le porte-parole.

Benoît Ferrière rappelle enfin qu’une "procédure squat" a été mise en place à Liège. Elle permet d’optimiser "les différentes actions pour trouver des solutions à un tel problème assez rapidement, en respectant la loi". D’après lui, un suivi régulier et une attention particulière permet de ne pas "laisser pourrir une situation". 

Au total, 34 fouilles policières ont été menées dans la maison de Julie. Une seule intrusion a été constatée. "Le 31 décembre, il y a un individu qui a été découvert dans les communs, sans traces d’effraction ni de dégradations. Il a été identifié et délogé", indique le porte-parole. D’après les conclusions du policier en charge du dossier, les aménagements structurels des lieux et la présence policière accrue ont donc porté leur fruit. 

"Plusieurs cafetiers se sont aussi fait cambrioler"

Même si la situation semble s’être améliorée pour Julie, elle souligne que son cas est loin d’être isolé. D’après elle, ce problème touche de nombreux commerces dans le quartier. "Même si c’est très joli, il y a beaucoup de dealers. Et les intrusions sont fréquentes. Plusieurs cafetiers se sont aussi fait cambrioler récemment", confie la trentenaire. 

"C’est un truc de fou. Il y a eu une trentaine de cambriolages en deux mois", confirme Sara Bruzzese, gérante d’un café installé sur la place du Marché. "J’ai beaucoup de chance car je n’ai eu qu’une seule fois ma porte forcée, mais tous mes voisins cafetiers ont été victimes d’intrusion", déplore-t-elle. 

C’est le cas de Nicolas Genty, patron d’un café situé juste à côté. Depuis le mois de décembre, son bar a été cambriolé trois fois en un mois et demi. "Ils ont fracturé la porte. Comme c’est une façade classée, c’est du simple vitrage avec une porte assez fragile. Un coup de pied dedans et on peut rentrer facilement", explique le cafetier. 

"Certains saccagent tout dans le bar"

Son système de surveillance avec caméras et alarme fonctionne. Mais, avant l’intervention de la police, les malfaiteurs ont le temps de pénétrer à l’intérieur de l’établissement. "Cela leur laisse le temps de tout saccager. Ils cherchent le fond de caisse qu’ils ne trouvent heureusement pas car il est bien caché. Mais, du coup, ils volent des bouteilles d’alcool. Ils ont déjà aussi arraché les câbles de l’alarme et des caméras. Ce sont des barbares", déplore Nicolas. 

D’après le patron, qui possède les images des intrusions filmées par les caméras de surveillance, la police vient à chaque fois constater les dégâts. "Mais je ne dépose pas plainte, c’est une de perte de temps", estime-t-il.

Patron de son café depuis 15 ans, Nicolas confie avoir été cambriolé 15 fois. "Et le mois de décembre a été particulièrement compliqué. Avec le village de Noël et les travaux du tram qui empêchent les combis de police de passer, c’est encore plus facile de s’introduire pendant la nuit", regrette-t-il. 

La police confirme que les cambriolages et intrusions sont plus fréquents en période hivernal : "Il s’agit d’un problème réel. Mais ce quartier en particulier n’est pas plus touché qu’un autre. Il n’y a pas d’évolution importante de cette problématique. Il n’y a pas de période de recrudescence".  

"Il y a de plus en plus de toxicomanes"

Pour Julie et Nicolas, ces infractions sont liées à la présence accrue de toxicomanes. "Il y a de plus en plus de drogués dans le quartier. Ils se piquent carrément en plein jour sur la place Saint Lambert, à deux pas du palais de justice. Mais même si les policiers les mettent au cachot, ils sont relâchés le jour même. Donc, cela ne sert à rien", souffle le cafetier.  

Si les forces de l’ordre assurent prendre ce problème à bras-le-corps, ils admettent une forme d’impuissance."Le commerce de la drogue et la consommation sur la voie publique sont des problèmes complexes. La police et la justice sont impliquées pour tenter d’endiguer ce phénomène. Il s’agit d’un travail compliqué", souligne le porte-parole. 

Des frais exorbitants 

Au-delà du sentiment d’insécurité, Julie déplore aussi les frais occasionnés par ces intrusions intempestives. "Cela m’a coûté les yeux de la tête. J’ai notamment dû envoyer un serrurier et installer tout un nouveau système de surveillance. Et je viens de recevoir un devis pour une porte blindée, c’est 3.500 euros", souffle la propriétaire. "Sans compter les réparations pour mes deux appartements forcés et squattés. La télévision a été arrachée du mur. L’état des matelas, des lits, des sanitaires…est horrible".

Et le temps presse pour la mère de famille qui a besoin de pouvoir à nouveau louer ses biens. "Ma priorité numéro un, c’est la sécurisation du bâtiment. Ensuite, je pense que je vais faire appel à une société de dératisation comme après des meurtres ou ce genre de choses". 

Et pourquoi ne pas faire appel aux assurances ? 

Julie a déjà contacté ses assurances, en espérant récupérer certains montants. Selon Nevert Degirmenci, porte-parole d'Assuralia, l'assurance habitation pourrait fonctionner. "En ce qui concerne les dégâts occasionnés au bâtiment en tant que tel, l'assurance habitation comporte d'office une couverture en cas de vandalisme", explique-t-elle. Par contre, pour les objets endommagés ou volés, il faut vérifier si elle possède une couverture contre le vol dans le cadre de cette assurance habitation. 

De son côté, Nicolas n’a pas d’autre choix que de payer les frais et réparer lui-même les dégâts. "Dans l’horeca, on n’a pas d’assurance contre le vol car les primes à payer sont astronomiques et les franchises sont élevées", regrette le cafetier. "Les dégâts sont bien assurés mais, là aussi, les franchises sont élevées. Du coup, on préfère réaliser les réparations nous-mêmes". 

Nicolas a déjà renforcé sa serrure pour dissuader au maximum les individus mal intentionnés. Mais le patron sait qu’il n’existe pas de solution miracle. "S’ils veulent entrer, ce sera toujours possible", souffle-t-il. 

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