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Héléna se dit victime de discrimination au logement à cause de ses revenus: "La conversation se termine rapidement quand je parle du CPAS"

Héléna, une habitante de Morlanwelz (en province de Hainaut), éprouve des difficultés à trouver une nouvelle maison à louer. La mère de famille estime être victime de discrimination au logement sur la base du critère de la fortune. L'Hainuyère perçoit des indemnités de la part du CPAS, et selon elle, les agences immobilières mettent rapidement son dossier de côté quand elle aborde sa situation financière. D'où cette question: les agences immobilières et les propriétaires discriminent-ils régulièrement?

Mère de deux enfants, Héléna perçoit une aide financière du CPAS accompagnée d'une pension de veuve. Depuis 9 ans, elle loue une habitation qui sera vendue d'ici quelques mois. Elle cherche ainsi un nouveau toit. 

"J’ai actuellement un loyer assez élevé (quelque 900 euros) que j’ai réussi à assumer depuis toutes ces années. Tout s’est toujours très bien passé", confie-t-elle. "J’ai reçu une lettre de recommandation de la part des propriétaires, et je suis à présent à la recherche d’une maison pour le mois d’août." 

Des recherches qui ont généré chez elle quelques frustrations ces derniers temps. Héléna se dit victime de discrimination de la part des agences immobilières et des propriétaires, à cause de ses revenus mensuels. "Je dois prévenir que je touche une aide du CPAS, et dès que je parle de cela, j’ai l’impression d’être mise de côté. La conversation se termine assez rapidement", assure-t-elle.

"J’ai téléphoné pour des dizaines d’offres, et on m’a répondu 'non pour le CPAS'. J’ai par ailleurs des allocations familiales élevées et on me dit qu’elles ne sont pas comptabilisées dans les revenus. Donc finalement, dans mon revenu, ne compte que ma pension de veuve. Souvent, je suis mise de côté rien que pour ça. Pourtant, je peux actuellement assumer un loyer à 900 euros. C’est incroyable."

Après avoir vécu ces expériences, Héléna raconte s'être également mise à la recherche de maisons à louer sur les réseaux sociaux. 

"Je me suis mise à chercher des propriétaires privés sur Facebook, qui pourraient comprendre ma situation. Il y a des groupes de personnes qui cherchent 'avec CPAS autorisé'", dit-elle. "Les agences me disent qu’ils font un tri car ils reçoivent beaucoup de coups de fil. Je peux comprendre qu’ils aient peur, mais ça n’empêche pas de pouvoir rencontrer les gens et de savoir à qui on a affaire." 

Le critère 'fortune' est davantage présent en Wallonie

Si le propriétaire d'un logement a le droit de choisir son locataire parmi plusieurs candidats, des enquêtes ont révélé qu'une discrimination au logement existe toujours sur base de différents critères. 

Unia, le service public de lutte contre la discrimination, confirme de son côté que la discrimination sur la base du critère de la fortune "est un problème qui est identifié et corroboré par les signalements que nous recevons, en particulier en Région wallonne."

Dans un rapport publié en 2022, Unia indique avoir reçu 717 signalements relatifs au logement, ce qui a entraîné l'ouverture de 257 dossiers en Belgique (45% de ces dossiers portaient sur une discrimination basée sur l'état de la fortune). "Le critère 'fortune' est davantage présent en Wallonie par rapport aux 2 autres régions, suivi par les critères raciaux et ensuite le handicap (voir graphiques ci-dessous)", précise Anne Salmon, la porte-parole d'Unia.

"Par fortune, il faut entendre le fait de disposer d'une capacité financière, quelle qu'en soit l'origine. Et quand nous évoquons les discriminations basées sur ce critère, il s’agit, par exemple, du refus de louer son bien à des personnes émargeant au CPAS ou bénéficiant d'allocations de chômage ou d’invalidité. Dans ce type de dossier, Unia intervient auprès du propriétaire ou de l’agence immobilière afin d’interpeller, de rappeler la loi et, éventuellement, d’obtenir une réparation pour la victime", écrit Unia dans son rapport.

 

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La Wallonie a par ailleurs adopté un décret pour lutter contre les discriminations au logement, et comme à Bruxelles, des "contrôles mystères" vont avoir lieu.

Comment se dérouleront-ils? Ces contrôles-mystères effectués par le Service public de Wallonie (SPW) prendront la forme soit de test de situation, soit de client mystère. "Du personnel supplémentaire a même été engagé pour assurer ces tests", annonce la Région sur son site internet. "Par exemple, un employé du SPW appelle une agence immobilière en se faisant passer pour un propriétaire ou envoie un courriel à un propriétaire en se faisant passer par un locataire émergeant du CPAS. En aucun cas, le test ne peut se réaliser de manière provocatrice mais sur base d'éléments probants et objectifs."

Si le test permet de mettre en avant une discrimination, voici ce que risque concrètement le contrevenant :

  • Si le test conclut à une infraction, une audition est proposée au contrevenant dans les 30 jours à dater de la réalisation du test ;
  • Lorsqu'une infraction est constatée, l'administration transmet le dossier au parquet afin qu'il puisse lancer des poursuites pénales. Si le parquet ne se saisit pas du dossier dans un délai à fixer, le contrevenant reste susceptible de se voir imposer une amende administrative en cas de récidive.
  • La sanction peut aller de la réprimande au paiement d'une amende d'un montant de 125 € jusqu'à 6200 € en cas de récidive.
  • Le contrevenant a la possibilité d'introduire un recours auprès du Gouvernement wallon. En cas de confirmation de l'amende, le contrevenant reste toujours en mesure d'introduire un recours devant le Juge de Paix. 

On reçoit très peu de plaintes

Steven Lee, le directeur de la communication de l’Institut professionnel des Agents immobiliers (IPI), indique que "très peu" de plaintes sont déposées auprès de son organisme. 

"Les rares plaintes sont déposées par Unia, via le particulier évidemment. Car la plupart des particuliers, lorsqu’ils estiment qu’ils subissent une discrimination, que ce soit sur la fortune, la race ou le handicap, font appel à Unia. Unia va essayer de résoudre le problème avec le propriétaire, et s’il estime qu’une plainte doit être déposée, celle-ci est déposée auprès de l’IPI", explique-t-il.

L'institut a ainsi reçu 2 plaintes en 2022 et une plainte en 2023. "Les chambres et tribunaux internes de l’IPI traitent les plaintes en interne, et le temps de la procédure, les décisions sont rendues l’année suivante. L’année dernière, deux décisions ont été rendues et les agents immobiliers en question ont été suspendus, respectivement pour 2 et 3 mois. C’étaient des discriminations sur la fortune", précise Steven Lee.

Globalement, les plaintes à la suite d'une discrimination sont "régulièrement liées" au CPAS. "Pourquoi ? Le CPAS peut garantir le paiement du loyer via les allocations, mais le problème est que si la personne, qui bénéficie de ces allocations, demande au CPAS d’arrêter de payer cette somme, ce dernier n’a pas d’autre choix que de le faire. Ce n’est pas quelque chose de 100% garanti. Cela refroidit certains propriétaires, que ce soit via agents immobiliers ou des propriétaires privés qui louent leur bien directement."

Steven Lee ajoute qu'en collaboration avec Unia, l'IPI a développé une formation abordant la discrimination. Celle-ci est imposé à tous les stagiaires. "Toute personne qui rentre dans la profession va être formée sur le sujet, quoiqu’il arrive. Et par la suite, quand ils sont titulaires, les agents doivent suivre un certain nombre d’heures de formation permanente chaque année. Dans ce cadre-là, nous offrons des formations sur le thème de la discrimination." 

Quant aux contrôles-mystères, le directeur de la communication déclare que "souvent, nous sommes tenus au courant que ces appels vont arriver. Cela nous permet à nouveau d'organiser une campagne de prévention auprès de nos membres, à propos de ces pratiques interdites. On rappelle les types de discrimination et les limites à ne pas franchir. On veut ainsi diminuer les discriminations sur le marché. Ces contrôles permettent d’alimenter certaines études, qui montrent encore que certains propriétaires privées ou agents immobiliers discriminent encore."

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Commentaires

1 commentaire

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  • Une fois de plus , les droits des propriétaires sont bafoués. Il est parfaitement normal qu'un propriétaire veuille s'assurer de la solvabilité de son locataire. Quand je vois des candidats locataires m'assurer qu'ils ont un revenu stable car ils sont "chômeurs longue durée", ou qu'ils "touchent au CPAS", cela en dit long sur la mentalité en Belgique...

    alexis verstraete
     Répondre